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Depuis 10 ans, citoyen·ne·s, associations, expert·e·s, s’opposent au projet de mégaprison de Bruxelles-Haren. Mal pensé, mal conçu, entouré d’une opacité inacceptable, ce projet toxique affecterait gravement le fonctionnement de la Justice et la politique d’insertion des détenus. Il a d’ores-et-déjà un coût écologique exorbitant et constitue une insulte cinglante à la démocratie.

La Régie des bâtiments avait annoncé que les travaux commenceraient au début du mois d’avril 2019[1], et que la bétonisation du Keelbeek, qui n’avait jamais été artificialisé au cours des dernières 4,5 milliards d’années, ne débuterait qu’après la dépollution du sol, la destruction de la source du Keelbeek et de son plan d’eau.

Cafasso et la Régie des Bâtiments annoncent désormais que les travaux commenceront à la fin du mois de janvier[2]. L’évolution du dossier de la mégaprison devant le Conseil d’Etat peut expliquer ce changement de date.

La première auditrice du Conseil d’Etat a en effet conclu à l’annulation des permis d’urbanisme et d’environnement, suivant en cela l’avis des avocats des citoyens qui ont introduit des recours en annulation de ces deux autorisations.

Nous devons craindre que ce changement de calendrier place les magistrats devant le fait accompli. Ils pourraient alors être conduits à constater la destruction des 20 hectares de l’espace naturel du Keelbeek et la pose de pieux de bétons, et à considérer qu’il n’y a plus lieu d’annuler les permis, malgré l’avis de l’auditeur.

Les opposants à la mégaprison s’étaient jusque-là refusés à communiquer sur l’avis de l’auditeur, considérant que le calme requis pour la conduite des débats devant le Conseil d’Etat imposait la retenue. Nous devons constater que la partie adverse s’efforce de tirer profit de notre retenue, en foulant au pied les principes élémentaires de la démocratie, et en présentant la mégaprison comme acquise et déjà réalisée, dans les médias comme sur le terrain. Nous avons par conséquent décidé de mettre en lumière l’attitude des promoteurs de ce projet, et de communiquer sur l’état actuel du dossier. L’arrêt du Conseil d’Etat n’ayant pas été rendu, les travaux doivent cesser pour garantir un fonctionnement normal de la justice.

Le gouvernement Michel, son Ministre de la Justice qui a hérité de la tutelle de la Régie des bâtiments, le ministre président de la Région Bruxelloise, le bourgmestre de Bruxelles disposent chacun de moyens politique, administratif et juridique suffisants et praticables pour stopper le début de chantier.

Le projet de mégaprison doit être arrêté tant que le Conseil d’Etat ne s’est pas prononcé, que l’ensemble des recours et action judiciaires n’ont pas été épuisés, et que des réponses satisfaisantes n’ont pas été apportées aux questions incontournables suivantes :

- Quel serait le coût réel de ce projet de prison ?
- Pourquoi la formule PPP a-t-elle été choisie sans évaluation préalable des coûts/bénéfices ? Une proposition de résolution déposée par l’opposition[3] est toujours pendante à la Chambre, elle doit être mise en œuvre sans délai, d’autant que la Cour des comptes a récemment rendu un rapport interpelant quant aux prisons actuellement gérées en PPP (nous reviendrons sur ce rapport dans les prochains jours).
- Où peut-on consulter le plan d’évacuation de la mégaprison en cas d’accident, par exemple d’un train de marchandises toxiques qui circulent au-dessus et à quelques mètres de l’enceinte envisagée pour la mégaprison ?
- Pourquoi l’espace vert exceptionnel du Keelbeek devrait-il être sacrifié pour construire cette mégaprison sans envisager d’autres solutions ?
- Quel est le bilan carbone de ce projet démesuré et comment s’intègre-t-il dans les objectifs de réductions des gaz à effet de serre de la ville et de la région?

Il est possible de désengager l’Etat d’un contrat opaque qui l’engage dans l’exploitation d’une prison surdimensionnée et mal localisée. Les indemnités de dédommagement en cas de rupture de contrat par l’Etat, au demeurant négociables, sont nécessairement inférieures au surcoût important que génèrent les prisons en PPP, a fortiori celle de Bruxelles qui devrait être la plus grosse du pays. Nous reviendrons aussi sur ce point dans les jours qui viennent.

Enfin, le terrain du Keelbeek dépollué par Cafasso et la Régie des bâtiments peut accueillir une initiative agricole de réinsertion. Les exemples ne manquent pas de réalisations réussies de ce type, qui permettent de combiner respect de l’environnement et réinsertion sociale, à un coût extraordinairement moindre pour la collectivité.

Pour répondre aux défis de notre époque, il est temps de choisir des solutions du 21ème siècle. Le projet de mégaprison est une idée d’un autre âge qui allie enfermement de masse, destruction écologique et effacement démocratique. Il faut abandonner le projet de mégaprison et sortir du désastre carcéral, c’est ce que nous rappellerons lors des élections de mai 2019.

[1] www.rtbf.be/info/belgique/detail_la-prison-de-haren-coutera-un-milliard-a-l-etat?id=10072629
[2] www.gevangenisharenprison.be/fr/lettre-dinformation-decembre-2018/les-travaux-de-fondation-commenceront-fin-janvier
[3] Proposition de résolution du 11 janvier 2016 relative à la réalisation, par la Cour des comptes, de deux audits dans le secteur des établissements pénitentiaires liés à un Partenariat Public-Privé, Doc. Parl., Chambre, n°54-1568/001.

Associations signataires :
Comité de Haren, Centre d’Action Laïque, Mouvement Ouvrier Chrétien, Bruxelles Nature, Association Syndicale des Magistrats, L’Observatoire International des Prisons – section belge, Ligue des Droits Humains, Genepi Belgique, Bruxelles Laïque, Tuiniersforum des jardiniers, FIAN Belgium, Respire asbl, Haren Observatory.

 

Source: http://www.liguedh.be/megaprison-de-bruxelles-haren-lauditeur-du-conseil-detat-conclut-a-lannulation-des-permis-durbanisme-et-denvironnement/