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Ce mardi 5 mars, un photographe, un collectif de photographes, un média associatif et une association de défense des droits humains vont être attraits devant les tribunaux par les services de police. Pour quelle raison ? Pour avoir organisé une exposition photographique visant à mettre en débat des questions prégnantes sur des sujets d'intérêt public. Au programme, une exposition collective sur la répression de la liberté d’expression dans l’espace public, la criminalisation croissante des mouvements sociaux, des migrant·e·s, des citoyen·ne·s et des journalistes, les violences policières, le droit de filmer la police, le recours aux armes à létalité réduite pour gérer les manifestations, etc. Des questions qui demeurent très actuelles…

Parle-t-on ici de la Turquie ? De la Hongrie ? De la Pologne ? Non, de la Belgique. En effet, les personnes poursuivies sont la Ligue des Droits Humains, ZinTV, le Collectif Krasnyi et un photographe à titre individuel. Par qui ? Par la zone de police Bruxelles-Ixelles et 3 de ses membres. Sur quelles bases ? Violation de la vie privée et atteinte à l'honneur et à la réputation des policiers concernés.

En novembre 2018, la LDH, ZinTV et Krasnyi organisaient une exposition collective, à visée tant artistique qu’éducative, pour aborder des thèmes auxquels elles sont régulièrement confrontées (voir http://www.krasnyicollective.com/NEWS/dont-shoot-exposition-collective/). L’objectif affiché était autant d’informer le public que de débattre de ces thématiques de société. Bref, réaliser leurs missions respectives en faisant usage de l’un de leurs droits les plus fondamentaux : la liberté d’expression.

Qu’en ont pensé la zone de police Bruxelles-Ixelles et certains de ses membres ? Ils l’ont qualifié d'atteinte à la vie privée des membres des forces de l’ordre, pourtant représentés dans l'exercice de leurs fonctions.

Ils ont donc décidé d’assigner nos 3 associations et l’un des photographes concernés, en demandant la modique somme de 2500 euros par policier, cela en contradiction flagrante tant avec la liberté d'expression et le droit à l'information du public qu’avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de justice de l’Union européenne.

Il convient en effet de rappeler à la police que tant les tribunaux belges qu’européens ont affirmé à de multiples reprises le droit de filmer mais également de diffuser des images des forces de l’ordre. En effet, la Cour européenne des droits de l’homme vient encore récemment de rappeler qu'": « Il n’y a pas de doute quant au fait que le comportement des agents dans l’exercice de leur autorité publique et les possibles conséquences de ce comportement sur [les individus] sont d’intérêt public » (CEDH, arrêt Toranzo Gomez c. Espagne, 20 novembre 2018). Quant à la Cour de justice de l’Union européenne, elle vient de reconnaître qu’un·e citoyen·ne qui, pour critiquer son comportement, filme la police en activité et diffuse ensuite les images, peut se prévaloir de l'exception de journalisme si son seul but est la divulgation au public d'informations, d'opinions ou d'idées (CJUE, arrêt Buivids c. Lettonie, 14 février 2019).

À noter que les photos montrent qu’aucun de ces policiers ne portait une plaquette nominative ou un numéro d’intervention permettant de l'identifier. Ce qui est, par ailleurs, contraire à la loi, qui impose que « Tout fonctionnaire de police et agent de police en service doit pouvoir être identifié en toutes circonstances » (art. 41, § 1er, al. 1er de la loi sur la fonction de police).

Alors que les faits se sont déroulés il y a plus de 3 mois, la citation tombe à un moment où deux policiers de la même zone sont renvoyés en correctionnelle pour avoir porté atteinte aux droits des journalistes de… ZinTV (https://www.zintv.org/Proces-ZIN-TV-et-ATTAC-Deux-policiers-renvoyes-en-correctionnelle).

Pure coïncidence? Quoi qu’il en soit, l’atteinte tant au métier de journaliste qu’à celui de défenseur des droits humains est patente. Les associations concernées sont décidées à défendre leurs droits fondamentaux jusqu’au bout. Rendez-vous devant les tribunaux.