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L'islamophobie peut se définir assez aisément. Le mouvement allemand "Pegida" en offre un bel exemple. Dans la foulée de "Je suis Charlie", il importe de dire ce qu'elle n'est pas.

On n'est pas islamophobe parce que l'on place la loi civile au dessus des prescrits religieux. L'affaire des caricatures de Mahomet n'est en soi qu'une question minuscule, qui pourrait être rangée parmi les "accommodements raisonnables" si elle ne débouchait pas sur la nature même de la laïcité: celle-ci ne se situe pas "à côté des religions", mais au dessus. Un délit de blasphème? Impensable! Mais il existe toujours sous d'autres cieux... (Au reste, pour un athée ou un agnostique, on ne se moque pas de ce qui n'existe pas - la divinité...). Il faut donc défendre la liberté d'expression inconditionnelle, hormis ce qui est incitation directe à la haine raciale et au meurtre. (1)

Glisse-t-on dans l'islamophobie si on défend, non les "valeurs occidentales", mais les valeurs universelles de la démocratie et du socialisme, issues des grandes révolutions populaires que le développement inégal des sociétés humaines développa d'abord en Europe? Ce sont ces valeurs là qui ont inspiré les "révolutions arabes" au départ, avant qu'elles ne soient détournées par l'islamisme militant et la dictature militaire. Pour donner un nouvel avenir à cette aspiration qui traverse tout le monde arabo-musulman, il ne faut rien concéder à ses adversaires, ni ceux de là bas, ni ceux d'ici. Mais au contraire aider les intellectuels, les artistes, les femmes, les esprits libres qui, sous une chape de plomb, affrontent la censure et la répression, du Maroc au Pakistan.

On lit et on entend: "La communauté musulmane n'a pas à se justifier" (du terrorisme).Certes, en tant que communauté... Mais pourquoi cette communauté serait-elle homogène, depuis quand la gauche ne doit-elle pas encourager l'expression individuelle, l'esprit critique? Le courant "Pas en notre nom" a répondu. Au reste, la population d'origine immigrée, cataloguée "musulmane" n'est pas un bloc compact, la pratique religieuse y est très diversifiée. Mais il y a le problème des cités, des ghettos: il est plus social que politique.

On n'est pas islamophobe à vouloir donner un contenu moins flou à cet "Islam d'Europe" , dont les mosquées sont trop souvent sous influence marocaine, ou turque, ou pire saoudienne, autant de rivalités nationalistes sous-jacentes. On ne l'est pas davantage si l'on pense que l'Islam devra faire son "aggiornamento" , tout comme l'Eglise catholique romaine a entamé le sien dès le pape Léon XIII, sans parler de son successeur actuel. "La charia n'a rien à voir avec l'Islam?" interroge l'écrivain Olivier Rolin dans les débats du "Monde", en énumérant les abominations que l'on sait. Trop de régimes établis croient répondre à l'idéologie des talibans et à ses "excès" par un surcroit de dogmatisme puritain tiré d'une lecture archaïque d'un Coran non dépoussiéré. L'idéologie salafiste doit être combattue frontalement. Au moins, dans l'Iran du clergé chiite, il y a du jeu, des courants. En géopolitique, jouer cette carte, comme le fait en partie Obama, a du sens: le pire est le régime rival de l'Arabie saoudite, tellement courtisée par les affairistes du type de ceux qui se sont rassemblés à Davos!

Robert Falony - 26 janvier 2015

(1) La décision prise à Tournai d'abandonner le festival "Ramdan", face à des menaces,   apparait bien comme une reddition devant les censeurs! Parmi les oeuvres, il y avait l'admirable film malien "Tombouctou", que l'on peut toujours voir à Bruxelles.