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La construction européenne s'est toujours faite sur une base intergouvernementale, sans véritable moteur fédéraliste. Et c'est cette construction qui est en train de se lézarder. Europe "à la carte", replis nationalistes...

Dans cette longue histoire, deux évènements majeurs ont dénaturé l'entreprise: le premier est l'adhésion de la Grande-Bretagne en 1972. Il eut mieux valu, beaucoup le pensent, qu'elle ne se soit jamais produite. Londres n'a cessé de donner des coups de frein, de réclamer des clauses particulières ("Opting out"). On se souvient de Mme Thatcher et de sa sortie: "I want my money back". David Cameron vient d'exercer un chantage au "Brexit" pour arracher de nouvelles concessions. Or, si les conservateurs sont divisés sur le sujet, le "Brexit" est tellement contraire aux intérêts des capitalistes britanniques qu'il s'agit presque d'une affabulation. La spécificité écossaise joue également contre.

L'autre "catastrophe" (d'un point de vue fédéraliste) a été l'élargissement à l'Est avec la disparition du bloc soviétique. Chaque fois que l'Union européenne s'est élargie, elle s'est diluée. Et l'on assiste maintenant, depuis la Hongrie de Victor Orban, et avec le prise du pouvoir par la droite conservatrice polonaise en octobre dernier, à la résurgence d'un état d'esprit de repli sur soi, sur ses "valeurs". C'est, avec la Slovaquie et la République tchèque, le groupe de Visegrad. Avec le projet d'adhésion à l'Union de l'Ukraine (maintenant enterré), cet état d'esprit "revanchard" à l'égard de la Russie a alimenté le nationalisme de Poutine, devenu un Frankenstein que l'Otan a contribué à fabriquer en avançant vers l'Est après 1989...

La crise des migrants: l'Europe misérable.

La crise des migrants est le grand révélateur de la faiblesse insigne de l'Union européenne. Les contempteurs de l'ancien "rideau de fer" peuvent méditer sur ces clôtures et barbelés frontaliers qui hérissent maintenant les Balkans. Le système de Schengen pouvait bien fonctionner "entre Européens", il est devenu une fiction avec l'afflux des réfugiés depuis la Grèce et ses îles collées face à la Turquie. Et comment la Grèce, Etat faible mis sous tutelle par ses créanciers, pourrait-t-elle faire face à ce déferlement, sauf à couper ses liaisons maritimes? "Gouverner, c'est prévoir": qui a prévu que les digues allaient céder en Turquie et au Liban? Autre fiction: la répartition des migrants entre tous les pays de l'Union... La réponse, c'est le retour aux contrôles frontaliers...

Une Europe forte aurait pu filtrer cette multitude à partir de ses postes diplomatiques à l'extérieur. Au lieu de cela, un mélange de compassion et de peur a accueilli cette invasion par la "route des Balkans". La cause de tant de malheureux, les Syriens en particulier, est polluée par des "passeurs" qui sont tout sauf altruistes, inventeurs d'une forme contemporaine de la traite. Ils détruisent les papiers d'identité, rançonnent et exposent à la mort en mer ces nouveaux damnés de la terre. Réfugiés de guerre -l'Irak et l'Afghanistan ne sont pas des pays en paix!- et migrants économiques se mêlent. La méchante chancelière Merkel de la politique d'austérité (sauf pour les nantis) s'est métamorphosée en bonne mère Merkel. Motivation religieuse mise à part, on subodore que le monde des entreprises trouve toujours quelque intérêt à disposer d'une main d'oeuvre à bon marché, guère exigeante quant aux conditions de travail...

En même temps, l'Europe, faux Eldorado, paie quelque part ce qu'avait de chiche son "assistance" aux pays sous développés, en échanges des bonnes affaires de ses sociétés. Toute cette pratique lui revient comme un boomerang...

Robert Falony (dans La lettre socialiste. Numéro 76. Février 2016) - 2 février 2016

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