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La révolution numérique sera l’aboutissement du projet néolibéral, c’est-à-dire à la concrétisation du rêve de la fin de l’histoire. Avec elle, l’homme sera totalement soumis à la loi du marché. L’article du blogueur canadien Gaëtan Pelletier paru dans le site « Le Grand Soir » ce 9 juin 2016 décrit cette révolution numérique et met en évidence ses dangers.

Le « tout » numérique fera de nous des êtres connectés en permanence et donc faisant l’objet de la surveillance générale telle qu’elle a été énoncée et décrite par l’ancien informaticien de la NSA (le principal service de renseignement US) Edward Snowden.

Le pouvoir sera invisible et omniprésent. Même Big Brother ne sera plus nécessaire. On ignorera qui tire les ficelles. Sans doute ce démiurge n’existera pas. Tous nos actes seront répertoriés et analysés selon les critères du seul marché. Toute déviance sera donc corrigée pour que nous puissions remplir de manière optimum notre double fonction : produire et consommer.

Le pouvoir de décision sera progressivement transféré aux machines « autocorrigeantes » qui créeront, modifieront ou supprimeront leurs propres algorithmes en fonction des paramètres chiffrables de l’environnement. C’est déjà le cas dans les transactions financières, puisque des ordinateurs prennent eux-mêmes la décision d’acheter ou de vendre des titres sur les marchés financiers.

Le « tout » numérique fera donc de nous des êtres entièrement dévoués au marché. Ce sera le seul objectif d’un homme rationnel, car – et c’est sans doute le point faible de la révolution numérique – il n’y aura de place que pour les données chiffrées. Le sensible est donc exclu.

Roger-Pol Droit écrit : « L’objectif est désormais d’éliminer le hasard pour construire enfin un monde supposé définitivement et intégralement heureux. » Mais ce bonheur, si l’on peut l’appeler ainsi, ne résulte pas de la volonté collective ou individuelle, il est imposé par le Big Data : c’est produire et consommer non pas en fonction de nos besoins, mais en conformité avec les intérêts du marché.

Gaëtan Pelletier nous décrit le processus qui mène peu à peu à ce monde qui, si nous n’y prenons garde, nous happera et transformera les humains en zombies.

À nous de combattre cette funeste entreprise !

Pierre Verhas - 11 juin 2016

Nous aurons l’occasion d’évoquer ce phénomène majeur à plusieurs reprises.

Le blogueur canadien Gaëtan Pelletier spécialiste des médias nous lance un avertissement.

Le blogueur canadien Gaëtan Pelletier spécialiste des médias nous lance un avertissement.

La déshumanisation par le moule numérique

Gaëtan PELLETIER - 9 juin 2016

Allo ! Allo ! Y-a-t-il quelqu’un au bout du sans fil ?...

Le but du futur est le chômage total. Ainsi nous pourrons jouer. 

Arthur Clarke,

écrivain de science-fiction et futurologue

Plus vous êtes proche de votre téléphone, plus vous êtes loin des autres. Le marché du portable et sa "nécessité inventée" et réinventée à chaque minute est en train de fabriquer des zombies flamboyants. Une nouvelle race est née... Ce qu’il y a d’intelligent dans les portables c’est la compagnie qui, à l’autre bout du monde, vous a concocté un réseau ressemblant étrangement à un dortoir planétaire. Communiquer (sic) jusqu’à ne plus penser... En "nous" reliant de loin, en nous distançant de proche, en bricolant un monde où tout doit être transformé en numérique, afin de tout robotiser.

Enrichissement et pouvoir par l’invisible

Les technologies de la numérisation sont les outils modernes pour la création d’un travailleur aseptisé de la matière grise, mais surtout écrasé par la capacité illimitée à lui voler son travail, son salaire, ses rapports humains. Car, une fois ce nouvel esclave "brisé", soumis, sa révolte contre le système sera une révolte contrôlée par ceux qui possèdent suffisamment de pouvoir et de ressources monétaires pour le contrôle total des populations. L’impérialisme numérique est en train de disloquer et défibrer l’essence même humaine.

L’enrichissement par l’invisible, c’est la pauvreté dans le monde réel. On aura un portable quelque part en Afrique, mais pas d’eau. Plus personne ne frappe à la porte. Plus personne n’ira vous demander du sucre pour votre café, ou du lait. Mais, surtout, tous les rapports avec vos employeurs seront désormais devenus un dialogue entre vous et la machine, puisque plus personne ne sait trop pour qui il travaille vraiment. Et ils auront sans doute pour patron un robot. C’est la seule chose qui ne changera pas.

Fortune Fortuna

C’est une église qui n’a pas de pierres, dont le clocher est une antenne de relais. La cathédrale moderne, l’ultime beauté, c’est Facebook, Tweeter, Google, Amazon, tous des oiseaux de malheur déguisés en Arphan des pièges... Et le grand fleuve qui transporte tout, c’est l’internet. Le point de convergence ultime. Les bâtisseurs modernes n’ont pas créé la chapelle Sixtine. Ils ont créé et continuent de fignoler ce soi disant progrès qui se débarrasse de l’homme pour faire place à la machine.

Déesse Fortuna, déesse de la chance et du hasard (Musée Constanta). Un des objectifs de la révolution numérique est de supprimer le hasard.

Déesse Fortuna, déesse de la chance et du hasard (Musée Constanta). Un des objectifs de la révolution numérique est de supprimer le hasard.

Une fois les fortunes acquises de cet invisible, il pourra alors servir à acheter ce qui est tangible et nécessaire. Et c’est déjà actif ... C’est le Big Brother de la thésaurisation continue qui n’a aucun lien avec l’amélioration de l’humanité. Cet argent sert seulement à créer d’autres fortunes jusqu’aux liaisons mafieuses des monstrueuses entreprises liant leurs capitaux afin d’acheter d’autres monstres. On sculpte les monstres jusqu’à la créature idéale...robotique.

Les lapins qui avalent les chapeaux des magiciens

Confrontés à l’effondrement du crédit, ils n’ont proposé qu’un surcroît de crédit. Dépouillés de l’appât du profit par lequel ils induisaient notre peuple à suivre leur fausse direction, ils en vinrent aux exhortations, plaidant la larme à l’œil pour le retour de la confiance. Franklin D. Roosevelt.

C’est une notation qui parle de la crise de 1929. Steve Keen, dans son livre L’imposture économique.(4), prétend avoir prédit la crise économique de 2008. Certes, si la "science économique" est désuète elle l’est en doublon. Déjà qu’un économiste crache sur les économistes et consacre un chapitre à un Karl Marx visionnaire est assez troublant. Car non seulement les théories et les calculs des économistes sont dépassés, ils le sont au point de perdre tout pouvoir sur le tsunami des affairistes triomphants. Ceux-ci sont enchantés de l’ère du numérique ne serais-ce que pour les paradis fiscaux et leur affiliation avec le pouvoir politique qui ne se prive pas de leurs compétences. Mais cela va encore plus loin... Leur pouvoir est désormais si énorme que le rapport pays-affaires (business) n’a plus rien à voir avec les modèles anciens de l’économie en vase clos. Le monde (y compris les habitants, ces 1+1, sans regards à l’humanisme) est désormais entre leurs mains invisibles.

Ce troublant constat des échecs successifs des économistes des États, supposés nous protéger en régularisant les marchés, à de quoi nous faire frissonner. Leur incompétence, ou leur affiliation au monde politique, est aussi dangereuse que le terrorisme qui secoue la planète. Les États, étranglés par la puissance démesurée des entreprises transnationales, ont pu multiplier les compagnies avec ou sans noms. Sorte de requins numériques OGM infiltrés dans toutes les activités humaines, masquées ou indéchiffrables. Bref, inatteignables. Ces moustiques de la finance ne font qu’imiter les grands.

Les Shylock algorithmés

Shylock est un personnage de Shakespeare dans Le Marchand de Venise. Un usurier qui a laissé son nom dans l’histoire. Mais il n’a rien à voir avec la dimension de l’usurier moderne multi-identitaire, sniper économique camouflé dans un monde invisible. Le Shylock mondialiste du 21e siècle a non seulement le pouvoir de délocalisation des entreprises, mais de créer des empires économiques hors États, camouflés, quasiment indétectables, mouvants. Nous avons affaire à des psychopathes cravatés aux tentacules qui finissent par blesser. Comme Edward, dans le film Edward aux mains d’argent. Une créature non terminée par son créateur, laissant celui-ci avec des ciseaux extrêmement acérés...

Le BLOB politique

(BLOB – Binary Large Object – NDLR)

Dépassés, nous condamnons la classe politique pour son absence d’actions. En laissant croître un libéralisme planétaire - voire en le fouettant pour "régler les problèmes des États". Le dirigeant est devenu le dirigé . Ce n’est plus qu’une gélatine bavarde, infiltrée par des lobbyistes au service de ce nouveau pouvoir dont... elle a besoin. La marge de manœuvre des politiciens, leurs luttes de partis, leurs conflits internes, fait de celle-ci le spectacle de façade au théâtre de marionnettes dont le discours est un blabla de formules . L’illusion est parfaite. L’image s’est auto-façonnée. Le BLOB devient alors un film aux dialogues de formules creuses qui plombent les babines des journalistes. Sorte de passe-partout servant à toutes les situations de crises.

L’évaporation du pouvoir politique et citoyen

De facto, la classe politique est devenue l’appareil le plus dépassé depuis des décennies dans l’art de gouverner ou de gérer les biens des peuples. Nous parlons bien des biens des peuples. De chacun vivant et ayant librement choix de se poser sur terre, d’y vivre tranquille, d’y prospérer, d’apprendre et de s’émerveiller. Bref, de vivre selon notre statut de vivant.

À qui donc appartient la Terre ? Qui donc a fait en sorte que nous devons payer pour une parcelle de terrain ? ... La plus petite soit-elle. Imposée par des lois et des règlements en regard du perpétuel acte de soudoyer, de voler. Cette race de politiciens gouverne qui et quoi ? Ce n’est plus, hélas, qu’un comptable aux prises avec de d’alarmants problèmes d’endettement qui tente de rapiécer les déficits. Les prédateurs mondialistes ne se contentent plus d’utiliser les habitants, ils avalent les avoirs des pays, leur culture, le droit de vivre.

A qui donc appartient la Terre ? L'Internationale disait : "La Terre n'appartient qu'aux hommes". Bientôt, après les prédateurs des entreprises transnationales, elle appartiendra sans doute, aux machines qu'il a créées par cupidité.

A qui donc appartient la Terre ? L'Internationale disait : "La Terre n'appartient qu'aux hommes". Bientôt, après les prédateurs des entreprises transnationales, elle appartiendra sans doute, aux machines qu'il a créées par cupidité.

Pour les politiciens, les marges de manœuvres sont si minces qu’on finit par ne plus avancer. Bref, de ce qu’on pourrait nommer le réel progrès. Ce qui, avant, était une crise est un état permanent de soucis et de reculades non pas seulement en monétaire mais en bilan négatif de qualité de vie. N’étais-ce pas là le but de tout État et de toute révolution ?

La déshumanisation parfaite

Nous vivons dorénavant dans un camp de concentration, un ghetto aux murs indistincts : Arbres, rivières, lacs, océans, animaux, climats, vaches, humains, crapauds, enfants, familles, sont désormais dominés et administrés à des fins de capitalisation et de contrôle pour produire... du capital. Pis encore, comme disparaissent peu à peu les journaux, est engloutie la réalité de ce monde outrageusement numérisée et soumis à la cravache des algorithmes. Les nouveaux Auschwitz ne sont-ils pas Google ou Facebook ou Amazone, ces entreprises au pouvoir gigantesque au point de dicter aux États ce qu’il faut faire pour améliorer le monde ? Notez que l’on ne parle pas de la vie. C’est la douce naissance du pays-prison, du citoyen délesté de ses droits de vivre, de ses biens, enfermé dans l’épouvantail du circuit chômage-travail. Le Nouvel Ordre Mondial passe par la sculpture du cerveau. On n’améliore pas le monde, on le transforme. On le transforme un homme à la fois. Assis derrière son ordinateur, son Iphone, Ipad, branché aux multiples applications qui ont pour but de cumuler de l’information. Consommer a dépassé le pouvoir de penser. Mais surtout de jeter un regard philosophique sur notre nature et notre art de vivre.

Mais la déshumanisation la plus "parfaite" est la perte totale de liberté tout en vivant dans un pays devenu virtuel. La perte du réel, de la sensibilité, de l’extraction de notre nature profonde selon les normes et lois en accord avec la structure et les matériaux desquels nous sommes nés.

Le nouveau hyper Goebbels, c’est le 1 et le 0. Et chaque page tournée est un discours de manipulateurs qui passe par l’inconscient au nom du progrès. Progrès qui fait en sorte qu’on ne meure plus qu’une fois, mais plusieurs. À se demander si d’ailleurs on est en vie, puisque dorénavant tout est en place pour nous extraire de notre simplicité de vivre dans une finalité de modification d’une richesse humaine réduite à un schéma de consommateur.

La véritable révolution sera de briser et d’abattre le plus hétéroclite des dictateurs jamais vu sur cette planète : un être qui n’en est pas un, mais un avoir qui est le tout qui s’incruste insidieusement. Le tout pour le TOUT menant vers le rien...

Gaëtan Pelletier - 9 juin 2016

Note bibliographique

1. Le téléphone portable, gadget de destruction massive, 96 pages, 2008, Le(s) auteur(s) : Pièces et main d’œuvre.

2. Quand la révolution numérique n’est plus virtuelle, Laurent Sorbier, Éditions Esprit, 2006, 264 pages.

3. La tyrannie technologique, Cédric Biagini, Guillaume Carnino Célia Izoard, Pièces et main d’œuvre, 256 pages, 2007

4. L’imposture économique, Steve Keen ,532 PAGES. Date de parution : 9 Octobre 2014. Éditions d’En-Bas.

5. L’homme nu, La dictature invisible du numérique, Marc Dugain, Christophe Labbé, Plon, 2016