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Il fallait qu’il le dise : Daniel Cohn Bendit affirme que le peuple n’a pas toujours raison ! Cela, bien entendu, suite au « Brexit ». Bien sûr, c’est lui, le beau Dany, qui a raison et le peuple qui a tort. Cette grande gueule qui nous casse les oreilles depuis plus de quarante ans, ne se pose jamais de questions et notamment celle-ci : pourquoi une majorité du peuple anglais a voté pour le « Brexit » ? Qu’ils aient tort ou raison, pourquoi les peuples rejettent-ils l’Union européenne ? Paul Magnette, le ministre président wallon PS, ne s’est pas trompé lui : il dit ouvertement que si la question de l’adhésion à l’Union européenne était posée aux Wallons, cela ferait du dégât.

 

 

Daniel Cohn Bendit n'aime pas que le peuple ne pense pas comme lui.

Monsieur Cohn Bendit plus habitué des espaces aseptisés des bâtiments des institutions européennes que des quartiers populaires d’Athènes n’a pas l’air de s’apercevoir que dans un des Etats membres de l’Union européenne, des gens n’arrivent plus à se soigner et même, crèvent de faim. Ce qui n’était jamais arrivé dans un pays européen depuis la Seconde guerre mondiale !

Alors, pour une fois, ferme-la, Dany et essaie de regarder autour de toi !

 

Oui, Dany ! A Athènes, il y en a qui crèvent de faim !

Il fallait s’y attendre. Le choc du « Brexit » a réveillé les vieux fantasmes qui secouent la construction européenne depuis ses débuts.

L’idée née du cataclysme de la Seconde guerre mondiale d’éradiquer les nationalismes générateurs des fascismes qui ont embrasé l’Europe est incontestablement née d’une ambigüité.

L’ambigüité de la construction européenne

D’un côté, des résistants, des hommes et des femmes de progrès, las des nationalismes et des fascismes, principaux fauteurs de guerres à leurs yeux, envisagèrent de réunir les nations européennes en une fédération démocratique supranationale où la paix et la prospérité seraient enfin garanties.

De l’autre, des politiciens ambitieux et des hommes d’affaires appuyés par la puissance étatsunienne ambitionnaient de fonder une entité supranationale renforçant la puissance capitaliste occidentale face au dirigisme soviétique et assurant ainsi la suprématie de l’économie libérale.

La fin du conflit dont le bilan fut le plus terrible de l’histoire de l’humanité réunit ces hommes d’horizons si divers. Un Altiero Spinelli, ancien communiste, un Robert Schuman, conservateur, ancien ministre du premier gouvernement Pétain, un Paul-Henri Spaak, politicien social-démocrate opportuniste, un Jean Monnet, puissant homme d’affaires et ancien du congrès Walter Lippmann qui eut lieu juste avant la guerre et qui jeta les bases de ce qu’on appelle aujourd’hui le néolibéralisme, mirent ensemble ce qu’on appelle aujourd’hui l’Union européenne sur les fonts baptismaux.

Cela fut d’abord la CECA et l’Euratom qui ont été les premières institutions supranationales en Europe. Elles étaient dirigées par une « Haute Autorité » qui avait le rôle de l’actuelle Commission européenne. En 1954, une première – et unique jusqu’à présent – tentative de construction politique échoua : la Communauté européenne de défense (CED). Elle fut refusée par une majorité de députés gaullistes et communistes au Parlement français.

Depuis, il n’y eut aucune tentative sérieuse de constituer une Europe politique. Suite à cet échec, une conférence se tint à Messines en 1955. C’est de cette conférence qu’est née la construction de la Communauté économique européenne. Autrement dit, on renonçait définitivement à une Europe politique pour construire une entité purement économique qui aboutit au Traité de Rome de 1957 instituant la CEE qu’on appela aussi « Marché commun ».

Une polémique vient de naître à ce sujet. L’historienne française marxiste léniniste Annie Lacroix-Riz, dans une réponse à la pétition de vingt intellectuels demandant la révision des traités européens et le rétablissement de la souveraineté, critique la soi-disant erreur historique faite par les signataires au sujet de la conférence de Messines qui se serait faite sous l’injonction de Washington. (Voir plus loin).

Comme toujours, il y a une part de vrai et une part de faux. Les principaux promoteurs de la construction européenne à l’époque comme Jean Monnet et Paul-Henri Spaak étaient ouvertement atlantistes et en concevaient pas une construction européenne sans une alliance profonde avec les Etats-Unis. Mais, Mme Lacroix-Riz n’apporte aucune preuve de son affirmation relative à une injonction de Washington. Et c’est là le drame de la critique dite de « gauche de la gauche ». Elle part de prémices valables mais, par son dogmatisme, est dans l’incapacité de les étayer.

 

Robert Schuman et Paul-Henri Spaak, deux fondateurs de la Communauté européenne

Une Europe atlantiste

À ce sujet d’ailleurs, il y a un lien évident entre l’OTAN qui a été fondée en 1949 et la CEE issue du Traité de Rome de 1957. Par conséquent les institutions européennes et les intérêts stratégiques des Etats-Unis sont en harmonie. Ainsi, l’Autriche n’a pu adhérer à la CEE avant 1991 parce qu’elle était « neutre ».

Certes, la peur de l’hégémonisme soviétique et de mouvements révolutionnaires en Europe occidentale ont mené des responsables politiques européens à demander – sinon supplier – la protection des forces armées américaines. Le fameux et honteux discours de « la peur » que Paul-Henri Spaak prononça à l’ONU le 28 septembre 1948, en est un exemple. Prenant prétexte de la conquête des pays Baltes et d’une partie de la Finlande par l’URSS et de sa domination sur l’Europe orientale et centrale, Spaak dénonce une volonté agressive de la part des Soviétiques. C’était oublier les accords de Yalta et de Potsdam, certes honteux, mais qui ne sont pas le fait de la seule Union Soviétique.

C’était au lieu de construire une alliance, faire allégeance aux Etats-Unis. Or, si on lit l’histoire depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, jamais l’URSS n’a tenté d’étendre sa zone d’influence au-delà de ce qu’on a appelé le rideau de fer. Même la neutralité de la Yougoslavie malgré les violentes campagnes hostiles des communistes soviétiques à l’égard du neutralisme de Tito n’a provoqué la moindre ébauche d’une aventure militaire.

Les relations dites « Est Ouest » ont plutôt été dominées par la course aux armements entamées par les Etats-Unis avec comme moment paroxystique la crise de Cuba qui s’est terminée par la chute de Khrouchtchev et une radicalisation de la nomenklatura soviétique. Cette course aux armements a ruiné l’Union Soviétique – c’était sans doute son objectif au point qu’exsangue, le dernier dirigeant de l’URSS, Mikhaïl Gorbatchev a dû tout céder aux Occidentaux à la conférence de Lancaster et laisser démanteler cet ancien « empire » par son successeur, Boris Eltsine.

Après la chute de l’URSS en 1991, il y eut des velléités de construire une Europe de la défense, mais la plupart des dirigeants européens et particulièrement ceux de l’Europe de l’Est préférèrent rester ou entrer dans le giron de l’OTAN. Ainsi, l’Union européenne ne peut avoir une politique étrangère propre tout en se maintenant dans la logique absurde de la guerre froide à l’égard de la Russie entretenue par les néoconservateurs US. Tout cela lui coûte très cher et n’est pas étranger à la vague terroriste dont plusieurs villes européennes sont victimes.

D’autre part, la politique agressive de ces néoconservateurs qui ont de puissants relais en Europe est une sérieuse menace pour la paix mondiale. Mais cela n’a guère l’air d’inquiéter les dirigeants européens.

Un autre aspect est la dérive progressive de l’Union européenne vers l’ultralibéralisme. Certes, dès le départ, c’est-à-dire dès la création de la CEE, des hommes lucides comme Pierre Mendès-France ont attiré l’attention sur la constitution d’une entité supranationale par trop libérale.

Le plus grand déni de démocratie depuis le fascisme

Pierre Mendès-France, en 1957, suite à l’adoption du Traité de Rome, avait vu le danger.

 

Pierre Mendès-France avait vu juste au sujet de la construction européenne.

« Le projet de marché commun tel qu’il nous est présenté est basé sur le libéralisme classique du XXème siècle selon lequel la concurrence pure et simple règle tous les problèmes. L’abdication d’une démocratie peut prendre deux formes, soit elle recourt à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit à la délégation de ses pouvoirs à une autorité extérieure, laquelle au nom de la technique exercera en réalité la puissance politique, car au nom d’une saine économie on en vient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement une politique au sens le plus large du mot, nationale et internationale. »

Bien plus tard, Yanis Varoufakis a dit dans une interview à « l’Obs » du 13 août 2015, quelques semaines après sa démission de ministre des Finances :

« Pour la Grèce, il n’aura servi à rien. Il n’a pas aidé le gouvernement. Il n’a pas non plus aidé le peuple qui a voté "Non". Le peuple a été abandonné et trahi. Et pourtant, à cette occasion, les peuples européens ont vu qu’il pouvait y avoir des citoyens fiers qui refusaient les chantages et ne se faisaient pas manipuler par leurs médias. Les Grecs ont montré l’exemple aux autres peuples européens. Mais le leadership politique grec, moi y compris, n’a pas su capter cette résistance populaire et la transformer en une force pour mettre fin à l’autoritarisme et l’absurdité du système. »

Varoufakis n’a fait que constater ce que Mendès avait prévu près d’un demi-siècle auparavant.

 

Yanis Varoufakis a fait le même constat que Pierre Mendès-France... près de soixantes années après !

Depuis l’Acte Unique mis en application en 1992, depuis le traité de Maastricht adopté cette même année 1992 et depuis le Pacte de stabilité et le fameux TSCG (traité de cohérence budgétaire), ce ne sont plus des accords de transferts de souveraineté d’Etats vers les institutions européennes, mais l’imposition aux Etats de l’Eurozone d’une seule politique économique et financière qu’il leur est interdit de changer.

C’est le plus grand déni de démocratie depuis le fascisme.

D’autre part, et c’est un apparent paradoxe, dans tous ces traités, il est interdit de procéder à une harmonisation sociale et fiscale au sein des pays de l’Eurozone. Donc, au nom de l’orthodoxie et pour le plus grand intérêt des entreprises transnationales, on construit une Europe « à la carte » : une Europe financière, mais pas question d’une Europe sociale et d’une fiscalité commune.

Vers un lent effondrement ?

Quand on mesure les conséquences de cette politique qui a été mise en œuvre depuis une décennie qui a abouti à la destruction de la Grèce, à l’appauvrissement de l’Italie, de l’Espagne et du Portugal, à la désindustrialisation et à un accroissement catastrophique du chômage dans toute l’Europe. Rappelons ce qu’écrit Larrouturou et que nous avons publié précédemment :

« Lorsque l’on mesure la gravité des crises que nous avons laissé pourrir depuis quarante ans ; lorsque l’on voit la défiance et le chacun-pour-soi qui montent partout, en France comme dans les pays voisins ; lorsque l’on connaît le poids des lobbies et que l’on constate à quel point notre classe politique est verrouillée, incapable de renouveler ses idées ou ses acteurs ; lorsque l’on voit que l’Europe est à deux doigts du chaos et que le FMI nous annonce que, à n’importe quel moment, peut éclater une nouvelle crise – pire que 2008 –, il n’est pas difficile d’envisager les scénarios d’un lent effondrement conduisant un jour au pire. »

Alors, évidemment, le premier accusé, c’est l’Europe et on peut le comprendre. L’image donnée par les institutions européennes et ses dirigeants est exécrable. D’autre part, en période de crise et surtout d’inquiétude, grande est la tentation du repli sur soi, c’est-à-dire sur l’Etat nation d’antan.

C’est logique, mais il ne faut pas pour autant rejeter l’idée européenne.

Et on accuse l’idée d’une union européenne d’en être la cause. Ce genre d’assertion ne sert que les eurosceptiques et l’extrême-droite. Certains croient qu’il faut en revenir aux Etats nations. D’autres, plus réfléchis, pensent qu’on doit repartir de l’Etat nation pour construire une autre Europe qui serait une association d’Etats-nations, autrement dit une Europe confédérale, car c’est le fédéralisme qui est accusé de tous les maux.

Ils considèrent en effet que par le fédéralisme, l’Union européenne décide souverainement contre les peuples. Ce qui est exact, mais cette critique est infondée parce que justement il n’y a pas de fédéralisme.

L’organisation bicéphale – un Conseil et une Commission – établi dès le début a engendré un système hybride qui est tout sauf fédéral.

Ainsi, sur le plan politique, seul le Conseil décide. Le Conseil, c’est la somme des gouvernements des Etats-membres. C’est ce qu’on appelle l’intergouvernementalité, c’est-à-dire un accord entre les 28 gouvernements de l’UE – maintenant 27 – qui est élaboré sur la base d’un rapport de forces dans lequel le gouvernement de l’Etat membre le plus puissant impose ses vues. Ainsi, on est arrivé avec l’Euro à un processus de décision similaire qui en plus n’est pas prévu dans les traités : l’Eurogroupe qui est composé des ministres des Finances de la zone Euro et qui décide sans aucun contrôle ni contrepouvoir sous la pression du plus fort, c’est-à-dire l’Allemagne.

Les dégâts du système intergouvernemental

« En Allemagne, les gains de productivité et l’excellence technique ont induit une baisse du coût réel des exportations, qui ne risquait plus d’être effacée par une réévaluation de la monnaie. Dans le même temps, chez ses partenaires européens, privés de monnaies nationales qu’ils auraient pu dévaluer, un pouvoir d’achat stable et des crédits aisément accessibles ont provoqué une hausse de la demande de biens manufacturés allemands. Simultanément, la République fédérale maintenait de bas niveaux de salaire, alors d’autres pays laissaient les rémunérations et le coût unitaire du travail augmenter. Le flux des produits allemands exportés vers ses partenaires européens supposait nécessairement un flux de prêts vers les pays importateurs, soit directement au profit des Etats avec l’achat de matériel militaire et d’infrastructures, comme en Grèce, soit indirectement par la voie de crédits privés destinés à la construction de logements et de bâtiments commerciaux, comme en Espagne et en Irlande. Le déséquilibre dans les échanges commerciaux se traduisait par une accumulation de dettes, le cas grec n’étant que le plus extrême. »

 

James K Galbraith s'est occupé concrètement du redressement financier de la Grèce avec Yanis Varoufakis.

Voilà l’analyse de l’économiste américain James K Galbraith dans son ouvrage « Crise grecque, tragédie européenne » où il dresse l’historique de la crise grecque de 2014-2015 dont il fut un témoin et un acteur. Elle démontre les dégâts du système intergouvernemental où c’est le pays le plus puissant, en l’occurrence l’Allemagne, qui a la haute main sur l’économie européenne et qui la met sous sa tutelle.

Dans un système fédéral, la règle serait d’arriver à l’équilibre en contraignant l’Allemagne à consacrer une partie de son excédent à combler les déficits des autres pays afin d’établir un équilibre de la zone Euro et ainsi de la renforcer dans l’intérêt général et de l’Allemagne en particulier.

Mais, nous sommes également face à la toute puissance des banques. Il y a six ans, Jacques Julliard disait dans un entretien à « Mediapart » :

« Les moyens d'action des Etats me sont apparus impuissants face aux banques, devenues seules réelles puissances internationales, faisant ce qu'elles voulaient. Le rapport de force n'était plus celui qu'on avait connu du temps d'une gauche de compromis social, façon capitalisme rhénan. »

 

Jacques Julliard, chroniqueur à "Marianne", écrivain, est l'analyste de la "Deuxième gauche".

Il ajoute en pensant à la gauche et au PS français en particulier :

« Je pense que les chefs socialistes n'ont pas compris. Ils ont cru qu'on pouvait contrôler le libéralisme en lui laissant la bride sur le cou. Et quand ils se sont rendu compte qu'il y avait trop de concessions, il était trop tard. Si j'ai un reproche à me faire, c'est de ne pas avoir suffisamment vu, au moment du référendum européen de 2005, qu'en se battant pour une constitution, on se battait aussi pour ce néo-libéralisme. De ne pas avoir suffisamment vu dans la résistance à l'Europe un sentiment juste de la modification de ce rapport de force, et pas seulement des archaïsmes ou des peurs. »

Face à de tels défis, comment peut-on croire qu’un retour à la souveraineté nationale pourra nous protéger face à cette offensive de la mondialisation libérale ?

Une déclaration controversée mais nécessaire

Une déclaration a été adoptée à Paris juste après le référendum britannique. Elle émane de vint intellectuels français, la plupart de droite et de quelques personnalités de gauche et du centre comme Michel Onfray, Jean-Pierre Chevènement, Jacques Sapir et le Belge Paul Jorion. Elle part d’une analyse juste de la situation :

« Tout montre que dans la plupart des pays européens, les citoyens n'acceptent plus d'être gouvernés par des instances non élues, fonctionnant en toute opacité. Le vote britannique peut être une chance: il doit être l'occasion de réorienter la construction européenne, en articulant la démocratie qui vit dans les nations avec une démocratie européenne qui reste à construire.

Nous demandons la réunion d'une conférence européenne sur le modèle de la conférence de Messine de 1955 qui, après l'échec de la Communauté européenne de défense (CED), a permis de remettre la construction européenne sur les rails et a préparé efficacement le traité de Rome. Cette conférence se réunirait à vingt-sept, avec un statut spécial d'observateur pour la Grande-Bretagne. »

(Voir plus haut la polémique au sujet de la conférence de Messines)

Cette déclaration propose trois points essentiels de réforme pour arriver à une construction européenne plus démocratique et plus efficace.

« D'abord rendre à la souveraineté populaire et à la démocratie leurs droits dans une Europe confédérale qui serait faite de l'entente et de la coopération entre les nations: cela suppose une réorganisation profonde des compétences et, le cas échéant, du mode de désignation des institutions européennes (Conseil, Commission, Parlement, Cour de justice, BCE). Il faudrait notamment outiller le Conseil européen où vit la légitimité démocratique en le dotant des services capables de préparer et exécuter ses décisions. De même le Parlement européen devrait procéder des Parlements nationaux pour que les compétences déléguées puissent être démocratiquement contrôlées.

Ensuite, rendre à l'économie européenne les clés de la prospérité en revoyant profondément les règles actuelles en matière de politique économique et monétaire. Le paradigme néolibéral - la croyance en l'efficience des marchés - ne peut se substituer à la définition de politiques industrielles et d'un cadrage social. Le modèle mercantiliste allemand (excédent extérieur approchant les 10 % du PIB) est intransposable aux autres pays et notamment à ceux de l'Europe du Sud. Il faut redéfinir un modèle européen de développement acceptable pour tous les Européens.

Enfin, il faut donner à l'Europe la capacité stratégique qui lui a toujours fait défaut depuis l'origine. Nous nous rapprocherions ainsi de l'«Europe européenne» du général de Gaulle: il faudra pour cela renouer un dialogue avec la Russie, pays européen indispensable pour l'établissement d'une sécurité dont toutes nos nations ont besoin et définir des politiques ambitieuses et cohérentes de co-développement vis-à-vis de l'Afrique et au Moyen-Orient. »

Cette déclaration comporte de nombreux points positifs. Néanmoins, elle conçoit la construction européenne sur le modèle confédéral. Or, c’est justement celui dans lequel on vit actuellement. Je persiste à penser que le modèle le plus efficace et qui garantit la souveraineté populaire et la démocratie serait un Etat fédéral européen.

Etat fédéral européen au lieu d’Europe fédérale

Néanmoins, il faut lever une ambigüité : l’expression « Europe fédérale » prête à confusion. En effet, le délitement des Etats-nations dans une entité appelée ainsi signifie la disparition de la puissance et des services publics au profit d’un pouvoir sans assise populaire, dominé par les intérêts des entreprises transnationales et sans contrôle. Il faut lui substituer le concept d’Etat fédéral européen.

Pourquoi faire dépendre le Parlement européen des Parlements nationaux ? Non, le Parlement européen doit être doté de réels pouvoirs avec un seul mode da scrutins et non 27, la responsabilité des députés, de pouvoirs de contrôle et de censure, un pouvoir d’initiative législative, et la nomination et la sanction du gouvernement européen.

Un gouvernement européen impliquerait la suppression du Conseil et de la Commission. Le Président de ce gouvernement pourrait être élu soit au suffrage universel dans toute l’Europe, soit par le Parlement.

Enfin, si on veut un Etat fédéral européen, il faut mettre sur pied des services publics européens, des règles sociales communes comme, par exemple, un SMIC européen, les mêmes droits pour les travailleurs, etc, une harmonisation fiscale notamment pour la TVA et la taxe sur les transactions financières. Tout cela n’est pas exhaustif, mais pourrait permettre d’enfin faire avancer le schmilblick.

L’Europe, oui, mais une Europe qui accorde les droits fondamentaux à ses citoyens, une Europe ouverte, une Europe où plus personne ne crève de faim et de maladie par la cupidité des financiers qui, par leur lobbies, ont flétri cette belle idée née de la Résistance.

Pierre Verhas - 7 juillet 2016