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Savoir si Daesh a ou non à voir avec l’Islam n’a aucun sens. Toute la société, dans le Moyen-Orient est imprégnée par l’Islam. À l’exception d’Israël, l’Islam est majoritaire partout. Les autres religions sont en voie de disparition, soit par extinction naturelle, soit par des persécutions. Et même en Israël et en Palestine occupée, l’Islam s’étend au détriment des chrétiens qui sont partout minoritaires et isole les Juifs israéliens.

L’Etat islamique s’appuie sur cette évolution. Et il en est devenu le porte étendard. Mais, ce n’est pas la religion musulmane qui est à l’origine de cette organisation. Elle est née d’un rapport de forces géopolitiques. Et c’est de ce rapport de forces qu’est issue l’idée du califat qui est l’objectif de Daesh.

Lorsqu’au début de sa conquête, l’EI a franchi la frontière, détruit les postes de douane et effaça la ligne artificielle séparant la Syrie et l’Irak, ce fut considéré comme un moment de libération pour l’ensemble du monde arabe. C’était la première et réelle atteinte aux accords Sykes Picot (Voir volet I). Et ce fut fait au nom de l’Islam sunnite.

Pourquoi Etat ?

Daesh est l’acronyme en arabe de Dawla islâmiyya. La meilleure définition en est donnée par Nabil Mouline, politologue et historien, chercheur au CNRS français (« Monde diplomatique mars 2015) :

Nabil Mouline est un des meilleurs spécialistes du Moyen Orient.

Nabil Mouline est un des meilleurs spécialistes du Moyen Orient.

« Dawla, le terme traduit par «Etat», signifie à l’origine «cycle de domination», «dynastie». Il ne renvoie pas à l’imaginaire occidental de l’Etat, un mot importé au XIXe siècle. Dans la bouche de Daesh, il signifie bien pourtant Etat au sens occidental. Quant à islâmiyya, le terme renvoie à une construction identitaire largement inspirée des nationalismes européens, le panslavisme, le pangermanisme, le panhellénisme… Héritiers inconscients d’idées qui circulent dans certains milieux musulmans depuis le XIXe siècle, l’Etat islamique aspire - du moins dans son discours - à créer une super nation islamique homogène qui dépasse enfin les clivages sectaires, ethniques et linguistiques qui «minent» la oumma depuis des siècles. »

Ce super Etat est le califat.

Pourquoi un califat ? Depuis que le monde arabe s’est réveillé au début du XXe siècle, il a rêvé d’unité. C’était l’objectif du nationalisme arabe ou panarabisme incarné par Nasser et qui s’effondra au terme de la terrible défaite des Arabes à la guerre des Six jours de juin 1967.

La conquête de la partie orientale de Jérusalem et des lieux saints musulmans par les Israéliens lors de la guerre des Six Jours de juin 1967 a réveillé l'Islam radical et tué le panarabisme nassérien.

La conquête de la partie orientale de Jérusalem et des lieux saints musulmans par les Israéliens lors de la guerre des Six Jours de juin 1967 a réveillé l'Islam radical et tué le panarabisme nassérien.

Ce rêve ne s’est pas réalisé, car les rapports de forces entre les différents Etats de la région étaient trop déséquilibrés et il n’était tenu aucun compte des spécificités régionales. Cependant, cette idée d’unité est revenue avec la montée de l’islamisme qui a supplanté les nationalismes. C’est le califat.

Le dernier califat, celui d’Istanbul, qui a existé pendant plusieurs siècles a été officiellement dissous en 1924, deux ans après la proclamation de la république turque par Mustafa Kemal Pacha, nommé plus tard Atatürk.

L’empire ottoman ou le califat d’Istanbul était transnational et fondé sur l’allégeance religieuse des musulmans sunnites au calife- sultan. C’est cela l’objectif de l’Etat islamique : un califat mais qui ne soit pas fondé sur un empire donné. Son seul mais très puissant ciment, c’est la religion, mais une religion sans clergé qui n’est en définitive qu’un très efficace instrument politique de domination des populations par l’application de la charia – la loi islamique. Le califat ottoman était relativement tolérant (voir volet I) puisqu’il accordait un statut spécial aux Juifs et aux Chrétiens vivant dans l’immense territoire de l’empire.

L’Etat islamique s’inspire du califat abbasside de Bagdad. Pourquoi ? Parce qu’il est plus « pur » et il est Hachémite, les Hachémites étant considérés comme descendants du Prophète. Le dernier Chérif de la Mecque (voir volet I) était un Hachémite avant de laisser la place aux Saoudiens sous la pression des Britanniques. Sans doute, est-ce une des raisons pour lesquelles l’EI ne s’attaque pas à la Jordanie, dernier royaume hachémite.

Tous les califes sont en principe les descendants du Prophète Mouhammad. Les premiers califes furent les Omeyades qui étaient relativement tolérants.

Tous les califes sont en principe les descendants du Prophète Mouhammad. Les premiers califes furent les Omeyades qui étaient relativement tolérants.

Pour Nabil Mouline : «… le califat est considéré [par les djihadistes] comme la mère des institutions politico-religieuses de l’islam, le modèle par excellence. Il a échoué dès le IXe siècle mais, depuis, demeure idéalisé. A travers son rétablissement, l’objectif affiché est de refaire l’unité de la oumma, de redonner sa pureté, sa grandeur et sa prospérité à l’islam. En réalité, beaucoup de groupes ont essayé de l’instrumentaliser au fil des siècles pour légitimer leurs projets politico-religieux, justifier leur action sur le terrain et asseoir leur pouvoir absolu sur un territoire bien déterminé. » (Libération mars 2015)

Pourquoi l’Islam sunnite ? Parce que l’Etat islamique de l’Irak au Levant – c’est son nom d’origine – était au départ dirigé par d’anciens cadres de l’armée irakienne de Saddam Hussein qui était un sunnite. L’Arabie Saoudite ne voyait pas cela d’un mauvais œil en imposant à l’EIIL le wahhabisme. Ses moyens ? Sa manne de pétrodollars qui est « redistribuée » au gré de la volonté géopolitique du royaume saoudien. Le Qatar, le plus puissant émirat de la péninsule arabique aide aussi l’Etat islamique mais pour d’autres raisons. (Voir plus loin)

Le rôle majeur de l’Arabie Saoudite

L’Arabie Saoudite a donc joué et joue un rôle majeur dans cette partie d’échecs qui ensanglante tout le Moyen-Orient. Une fois de plus, il nous faut remonter l’histoire.

Au XIXe et au début du XXe siècle, le colonialisme a permis d’imprégner l’Islam d’idées occidentales. En réaction, plusieurs docteurs de la foi ont imposé une vision conservatrice de l’Islam. Ce fut avant tout le wahhabisme, du nom de son fondateur Wahhab qui était le conseiller religieux des Saoudiens.

« Le wahhabisme, avatar du hanbalisme (l’une des quatre écoles juridiques et théologiques du sunnisme), se conçoit dès son apparition au XVIIIe siècle comme la seule vraie religion. Son interprétation littéraliste, conservatrice et exclusiviste de l’islam doit donc s’imposer à tous ; ceux qui la refusent sont déclarés égarés, hypocrites, hérétiques, voire mécréants. Cependant, les autorités politiques et religieuses saoudiennes n’ont pas les moyens humains et financiers de réaliser leurs ambitions, d’autant que leur doctrine souffre d’une mauvaise réputation en raison des accusations d’extrémisme portées par ses détracteurs, non sans fondement. Les choses vont changer radicalement au lendemain de la première guerre mondiale. »

Le roi Abdel Aziz (dit Ibn Séoud), fondateur du royaume saoudien moderne, profite des accords Sykes Picot pour tirer son épingle du jeu. Le royaume saoudien était à l’époque le seul pays indépendant du Moyen-Orient, ce qui lui donna un prestige considérable auprès des peuples arabes.

Abdel Aziz dit Ibn Saoud avec Franklin D Roosevelt en 1945 pour négocier les accords sur le pétrole avec les USA. Une nouvelle phase de l'enlisement occidental au Moyen-Orient.

Abdel Aziz dit Ibn Saoud avec Franklin D Roosevelt en 1945 pour négocier les accords sur le pétrole avec les USA. Une nouvelle phase de l'enlisement occidental au Moyen-Orient.

Fort de cette autorité, Ibn Saoud entreprend une opération de grande envergure pour redorer le blason du wahhabisme, qu’il rebaptise salafisme. Il veut répandre cette doctrine estimée comme étant la seule conforme aux croyances et aux pratiques orthodoxes des salaf — les trois premières générations de musulmans. Il a réussi à séduire plusieurs intellectuels et oulémas influents. L’entreprise de réhabilitation, doublée du prestige d’être resté le seul pays arabe indépendant entre les deux guerres, permet à cette doctrine d’acquérir le statut de nouvelle orthodoxie.

Ce fut dans les années 1960 que le wahhabisme prit son expansion à la faveur de la lutte qui opposait l’Arabie Saoudite à l’Egypte de Nasser et aussi grâce à la manne pétrolière qui commençait à considérablement enrichir le royaume Saoudien. Il opposa l’Islam et ses traditions au nassérisme considéré comme athée. C’est ainsi que les analystes occidentaux évoquent souvent le nationalisme arabe, comme étant « laïque », ce qui n’a aucun sens.

La défaite de 1967 renforce l’influence saoudienne. Par des moyens de propagande, avec l’aide des Frères musulmans égyptiens et celle de la Ligue islamique mondiale, le salafisme se répand dans tout le Moyen Orient et même au-delà, au sein des communautés arabes émigrées en Europe. C’est ainsi que Riyad finance des centaines d’imams qui vont répandre la « bonne parole » dans les mosquées européennes.

Mais les choses changent dès la révolution iranienne de 1979 suivie par l’occupation soviétique de l’Afghanistan. L’Arabie Saoudite craignait l’expansion du chiisme iranien et redoutait les Soviétiques. Aussi, une nouvelle stratégie fut mise au point.

Comme l’écrit Nabil Mouline :

« Parallèlement aux voies institutionnelles, Riyad finance, généralement en toute discrétion, des individus, des groupes et des organisations qui servent plus ou moins ses desseins. Il aurait ainsi dépensé plus de 4 milliards de dollars pour soutenir les moudjahidines en Afghanistan durant les années 1980. »

De son côté, la CIA apporte des armes et des « conseillers » aux même moudjahidines. Et c’est ainsi que naquit Al Qaeda dirigée par un Saoudien du nom de Oussama Ben Laden.

Oussama Ben Laden fondateur et chef d'Al Qaeda - la base en arabe - était au départ un puissant allié des Etats-Unis.

Oussama Ben Laden fondateur et chef d'Al Qaeda - la base en arabe - était au départ un puissant allié des Etats-Unis.

L’invasion du Koweit par Saddam Hussein en 1991 changea à nouveau la donne. Elle donna prétexte aux Américains pour s’installer militairement dans la région, afin de protéger les ressources pétrolières. Cela permit à George Bush senior de proposer un « nouvel ordre mondial » que son fils appela par après le « grand Moyen Orient » qui consistait à placer toute la région sous le contrôle US. Cela ne s’est pas tout à fait produit comme prévu !

On connaît la suite. Al Qaeda s’est retourné contre ses anciens « alliés » américains par des attaques terroristes meurtrières et destructrices qui ont connu leur paroxysme le 11 septembre 2001. L’Afghanistan fut occupé par les Occidentaux juste après et en 2003, il y eut l’invasion anglo-américaine de l’Irak. Al Qaeda poursuivit ses campagnes terroristes mais s’affaiblissait progressivement laissant progressivement le terrain à Daesh.

L’Etat islamique s’est doté d’un double objectif stratégique – et c’est en cela qu’il a une vision mondiale : il a repris à Al Qaeda la diffusion de son idéologie mortifère par un terrorisme qui, aujourd’hui, frappe en Occident où et quand il veut les cibles les plus diverses. En second lieu, il combat ouvertement les Etats et organisations chiites et leurs alliés dans l’ensemble du monde arabe. Ainsi, si l’EI n’a pu encore frapper l’Iran des mollahs, il s’attaque au Hezbollah libanais et à son allié – pourtant non chiite – le Hamas palestinien, jusqu’à présent sans succès notoire. Et bien entendu, il combat le régime alaouite de Damas, mais subit d’importants revers depuis l’intervention de la Russie.

Daesh s’est étendu également à la Libye où il occupe Syrte entre la Tripolitaine et Cyrénaïque. Là aussi, l’Etat islamique ne parvient pas à étendre son influence, mais ne recule pas significativement jusqu’à présent.

Et ici, on se rend compte que l’EI a une stratégie comme Etat. Ainsi, il ne s’est pas étendu au hasard, par exemple en ne franchissant pas la frontière kurde d’Irak. Et même si, aujourd’hui, Daesh semble perdre du terrain, sa structure reste tout à fait opérationnelle.

Lisons l’analyse qu’a faite Nabil Mouline, pour le « Monde diplomatique » de décembre 2015 :

« Pour faire triompher ce qu’ils croient être la vraie religion, les djihadistes élaborent depuis le début des années 1990 plusieurs stratégies, à la fois concurrentes et complémentaires. Al-Qaeda fonde sa raison d’être sur l’idée que l’oumma est la cible d’agressions intérieures et extérieures incessantes. Les musulmans du monde entier ont l’obligation, selon elle, de porter secours à leurs coreligionnaires en détresse. Cette solidarité organique s’exprime à travers la pratique d’un djihad global, à la fois contre les grandes puissances et contre les régimes arabo-musulmans qui les soutiennent. L’objectif final est de chasser ces puissances de la demeure de l’islam, de renverser les régimes jugés apostats et de rétablir le califat. Se considérant comme l’avant-garde de la communauté des croyants, les membres d’Al-Qaida pensent faire de l’Afghanistan le foyer d’une nouvelle épopée. En 1998, Oussama Ben Laden et ses lieutenants prêtent d’ailleurs allégeance au chef des talibans, le mollah Omar, en tant que commandeur des croyants, et déclarent le djihad aux puissances occidentales. Une série de grands attentats s’ensuit, dont ceux du 11 septembre 2001.

Tirant les conséquences des échecs d’Al-Qaeda, l’OEI adopte une démarche « glocale », c’est-à-dire qu’elle développe sa capacité à penser globalement et à agir localement. Les dirigeants de l’organisation, qui se considèrent à leur tour comme les nouveaux élus, ont préféré tout d’abord se doter d’une plate-forme au cœur même du monde arabo-musulman et assurer leur autonomie financière avant d’envoyer leurs soldats à l’assaut du monde. Pour ce faire, ils ont suivi un plan en trois étapes, publié entre 2002 et 2004 : « De l’administration de la sauvagerie : l’étape la plus critique que franchira la communauté des croyants ». En des termes simples et directs, cet opuscule explique comment les djihadistes peuvent profiter des événements et des circonstances, sur le plan local ou international, pour mettre la main sur un territoire. Une fois conquis, celui-ci peut devenir une plate-forme, non seulement par le recours à une violence extrême et à une propagande implacable, mais également en s’inspirant de l’art de la guerre et du savoir-faire administratif occidentaux. La réussite partielle de cette stratégie et la proclamation d’un « califat » en juin 2014 ont fait des émules dans le monde musulman et ailleurs, au Sinaï, en Libye, au Sahel, en Tunisie, en Arabie saoudite et en France…» (Voir aussi le volet I : Le Mein Kampf de l’Etat islamique)

Daesh est également très riche. En plus des financements extérieurs, sans doute essentiellement de l’Arabie Saoudite et du Qatar, ses ressources proviennent en majorité du pétrole qu’il exploite sur les territoires conquis et qu’il revend via des circuits parallèles, des vols d’antiquités provenant des sites archéologiques démolis, comme quoi être iconoclaste n’interdit pas les petits profits, et de pillages divers. Enfin, selon les sources, l’Etat islamique peut compter sur entre 30 000 et 80 000 combattants sur le terrain et à travers le monde.

Mais ses richesses ne constituent-elles pas le point faible de cette organisation ?

La volonté n’existe pas.

Le juge d’instruction belge Michel Claise, spécialiste en fraude fiscale, n’hésite pas à affirmer dans un entretien à la Libre Belgique du 5 décembre 2015 – donc avant les attentats de Bruxelles : « Le blanchiment d’argent et la corruption représentent 6 % du PIB mondial, soit des milliers de milliards d’euros. Sans criminalité financière, il n’y a pas de massacre au Bataclan. Tout est imbriqué. Ce qui s’est passé à Paris est un épiphénomène. Il va y avoir d’autres attentats ou des cyberattaques importantes, si l’on n’agit pas. On est dans une situation telle qu’on va prendre une vague en pleine poire. »

Michel Claise estime que pour éliminer Daesh, il faut lui couper ses sources de financement.

Michel Claise estime que pour éliminer Daesh, il faut lui couper ses sources de financement.

Depuis longtemps, on dénonce le financement occulte de ce nouvel Etat qui par la stratégie de l’horreur déstabilise tout le Moyen-Orient et répand la terreur en Europe et même aux Etats-Unis.

L’aide financière provenant du royaume saoudien et/ou de grandes familles princières lui est essentielle et elle ne peut passer que par des circuits off shore. De même, la vente de pétrole par l’Etat islamique ne peut que prendre des circuits parallèles et son financement emprunte des filières illégales qui – par définition – échappent à tout contrôle international.

En outre, les bombardements effectués par la « coalition » sont inefficaces, meurtriers et générateurs indirects de terrorisme, alors que les grandes puissances ont les moyens de tarir, voire de couper ces circuits parallèles de financement et de récupérer l’argent « sale » qui y circule.

C’est donc la volonté qui n’existe pas. On peut même se poser la question : le souhaitent-ils vraiment ? C’est cela la culpabilité des puissances européennes et des USA.

Michel Claise constate : « C’est le cataclysme, la prise de pouvoir par les mafias, par l’argent sale. En Italie, 50 % de l’économie est dirigée par la mafia. Et si vous voulez tuer cette mafia, il faut s’en prendre à leurs avocats. Il n’y a pas de grande criminalité sans conseillers, institutions bancaires… Comme le dérèglement climatique, le dérèglement financier est irréversible. C’est la faute de l’homme et on ne peut plus faire marche arrière, mais on peut encore limiter la casse. Ce qui m’inquiète, c’est l’avenir des démocraties. Cette aggravation de la fracture sociale va entraîner des radicalisations et pas spécialement islamistes. »

L’enjeu

Mais, en définitive, en dehors de l’aspect « religieux », quel est l’enjeu de cette guerre interminable qui embrase le Moyen-Orient depuis près de quatre décennies ? Cet enjeu est évidemment la manne gazière et pétrolière. Et c’est ici qu’intervient le Qatar.

Tout porte à croire que le gaz est le vrai fond du problème de la guerre en Syrie. Un projet qatari, soutenu par les États-Unis, et concernant la construction d’un nouveau gazoduc vise à transporter le gaz du Qatar vers l’Europe via la région syrienne de Homs. Cette ville et sa région sont donc le « nœud » ou le « cœur géographique » de ce projet qui, du même coup, offrirait des avantages stratégiques à la Turquie et à Israël dans l’équation du commerce gazier mondial.

Un gazoduc en Syrie : enjeu majeur de cette guerre atroce et interminable

Un gazoduc en Syrie : enjeu majeur de cette guerre atroce et interminable

Ce nouveau gazoduc projeté en 2009 devrait emprunter une « voie terrestre » qui démarre du Qatar, traverse le territoire saoudien, puis le territoire jordanien évitant ainsi le territoire irakien, pour arriver en territoire syrien et plus précisément à Homs. À partir de Homs le gazoduc devrait bifurquer dans trois directions : Lattaquié sur la côte syrienne, Tripoli au nord du Liban, Turquie.

Le but principal de ce projet est d’acheminer le gaz qatari et israélien vers le continent européen pour le distribuer à toute l’Europe, avec un triple objectif. Le premier : casser le monopole gazier russe en Europe. Le second : libérer la Turquie de sa dépendance du gaz iranien. Le troisième : donner à Israël une chance d’exporter son gaz vers l’Europe par voie terrestre et au moindre coût.

De son côté, Bachar El Hassad a dévoilé sa vision des choses qu’il appelle la « stratégie des quatre mers » : la Mer Noire, la Mer Méditerranée, la Mer Caspienne et le Golfe. Le projet syrien est de devenir le centre pour le transfert des hydrocarbures du Moyen-Orient.

Un autre projet que celui du Qatar et émanant de l’Iran, envisageait un gazoduc passant par l’Irak et la Syrie jusque Lattaquié. En 2011, Assad accepte ce projet.

En y regardant bien, on observe que la Turquie est pénalisée. Et le projet qatari qui intéressait au premier chef le Qatar et l’Arabie Saoudite, est donc caduc. Cela crée un déséquilibre dans la région et comme par hasard, la guerre s’est déclenchée juste après.

Ajoutons que l’accord Iran – Syrie revient à une coalition entre Musulmans chiites au détriment des sunnites.

En plus, un élément nouveau vient s’ajouter : il y a de fortes probabilités qu’il y ait d’importants gisements de gaz naturel le long de la côte méditerranéenne du Levant, de la Syrie à Gaza. En 2013, un accord a été signé entre la Syrie et la Russie pour l’exploitation au large de la Syrie.

Enfin, en 2015, les Israéliens prospectent le Golan occupé depuis 1967, car ils pensent qu’il recèle d’importants gisements pétroliers. Israël pourrait devenir également un « émirat gazier » de première importance par l’exploitation du gaz au large de ses côtes et de celles de Gaza, ainsi qu’au Liban.

Cette course à la manne des hydrocarbures est évidemment l’enjeu numéro 1 de ce conflit interminable.

Dès lors, Daesh ne serait-il pas en définitive l’outil militaire destiné à écraser la Syrie de Assad et à combattre l’Iran, tout en répandant par le terrorisme la « bonne parole » islamique en Europe ?

Cependant, depuis 2015, la Russie s’est invitée et obtient des résultats sur le terrain. (1) La Syrie de Assad est loin d’être vaincue. Enfin, un nouvel élément s’est ajouté : depuis le vrai-faux coup d’Etat du 15 juillet, la Turquie de Recep Tayyip Erdogan effectue un rapprochement avec la Russie et avec l’Iran. Les cartes pourraient être redistribuées. Si cela se concrétise, cela se fera au détriment des monarchies pétrolières de la Péninsule arabique, d’Israël, des Occidentaux et… de l’Etat islamique.

Dès lors, Daesh ne serait plus qu’un pion dans cette gigantesque partie d’échecs pour le contrôle des hydrocarbures, le sang de l’économie mondiale.

On verra bien ! Ce sera après les élections américaines que l’on sera sans doute fixé.

Pierre Verhas - 22 août 2016

(1) On peut s’étonner de l’absence de résultats substantiels sur le terrain des actions de bombardements de la coalition qui comprend les Occidentaux, la Turquie, le Qatar et l’Arabie Saoudite, pays aux intérêts contradictoires dans ce conflit. Quel est donc l’objectif réel de cette coalition ?