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EnergieplakkaatC

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Le séisme déclenché lors du Conseil d’entreprise d’ING Belgique au Cours Saint-Michel à Bruxelles le 3 octobre était prévu depuis longtemps.

Le drame de la petite Belgique qui se veut le « meilleur élève de l’Europe » en étant une économie ouverte sinon offerte, est justement sa faiblesse. Depuis l’affaire du holding Société générale en 1988, toute l’économie financière belge a été transférée à l’étranger : la Société générale a été absorbée par Suez (Paris), la banque Fortis est devenue BNP Paribas Fortis (Paris), la banque de Bruxelles est reprise par ING (Amsterdam). À partir du moment où les centres de décision se trouvent en dehors de la Belgique, il est clair que ces entreprises échappent à tout contrôle.

Tout le monde a été étonné de la brutalité de la décision d’ING qui a été transmise aux délégués syndicaux belges, à savoir pour la Belgique quelque 3.500 pertes d’emplois dont 1.700 licenciements secs et fermeture de 600 agences à travers le pays.

Calicot exprimant clairement l'avis des travailleurs devant le siège social d'ING à Bruxelles

Calicot exprimant clairement l'avis des travailleurs devant le siège social d'ING à Bruxelles

Pourtant, ce n’est pas nouveau. ING a subi plusieurs licenciements massifs

. - Début 1998, la banque belge BBL, issue de la fusion entre la Banque Lambert et de la Banque de Bruxelles en 1975, est rachetée par le groupe ING. Fin des années 90, le groupe néerlandais ING, créé en 1991, étend ses activités et son réseau en reprenant une série de banques (BBL, BHF-Bank, Banque Slaski, DiBa Bank) et des assureurs aux USA notamment.

- 2001: constitution de Record Bank, filiale belge au sein du groupe ING.

- 2003: la BBL, filiale d'ING, disparaît de l'environnement belge et devient ING Belgique S.A.

- 2005: ING rationalise son IT et supprime 450 emplois dont 50 en Belgique.

- Fin 2007-2008: la crise financière touche le secteur bancaire et ING n'échappe pas au phénomène planétaire. L'Etat néerlandais injecte 10 milliards d'euros dans le groupe, qui doit en contrepartie s'assainir et se désengager d'une partie de ses activités sur injonction de la Commission européenne.

- Novembre 2007: ING réforme son réseau d'agences et supprime 850 emplois en Belgique. ING réoriente ses activités vers plus de "direct banking" via internet et les centres d'appels. Quelque 850 emplois (équivalents temps-plein) sont supprimés en Belgique.

- Février 2009: ING annonce la suppression de 315 emplois en Belgique dans le cadre d'un plan de réduction des coûts de 100 millions d'euros. Ces suppressions ont été réalisées par des départs naturels. Les effectifs d'ING Belgique atteignent 8.700 unités à la fin 2009 en Belgique.

- Novembre 2012: ING annonce son intention de fermer 40 agences, principalement en Wallonie.

- Février 2013: ING annonce la suppression de 1.000 emplois d'ici la fin 2015, via des départs naturels.

Rien de surprenant à cette nouvelle vague qui, elle, ressemble à une lame de fond ! Il s’agit d’une décision globale prise par le Conseil d’administration de cette entreprise transnationale bancaire qui frappe durement la filiale belge, mais aussi, moins durement, la partie hollandaise d’ING. Et il y a eu pas mal de signes avant-coureurs. Rien de surprenant parce que nul ne peut entraver cette décision. Le gouvernement est désarmé et les organisations syndicales ne peuvent que tenter de limiter les dégâts sociaux.

Et même l’Europe ne peut rien faire, puisqu’il n’y a pas de réglementation européenne en matière de politique économique, de protection des travailleurs, etc. Bien au contraire, la vague ultralibérale empêche toute régulation.

Il est donc logique que le patronat d’ING ait décidé de frapper fort et avec brutalité.

Les prétextes avancés pour justifier un tel dégraissage valent leur pesant d’or.

Rik Vanderberghe, le CEO d'ING Belgique avec son sempiternel air gêné, expose les "raisons" qui ont amené ING à ce dégraissage.

Rik Vanderberghe, le CEO d'ING Belgique avec son sempiternel air gêné, expose les "raisons" qui ont amené ING à ce dégraissage.

Le premier facteur est relatif aux taux d’intérêts qui sont très bas. Mais il n’y a pas qu’ING qui est touché par ce phénomène. Tout le secteur financier et celui de l’assurance subissent cette baisse des taux imposée par la BCE.

Le second facteur concerne une baisse d’activités : il y a moins de crédits octroyés et les courtages boursiers diminuent. Cela n’est pas nouveau ! En refusant la séparation des activités de crédit des activités spéculatives, les banques – et pas seulement ING – ne jouent plus leur rôle dans l’économie dite réelle.

Le troisième argument porte sur la réglementation renforcée. En effet, d’après le porte-parole d’ING, les régulateurs imposent trop de normes. Pour lui, comme pour d’autres banquiers, cela entrave les activités bancaires. Assez piquant comme raison invoquée alors que on est en pleine dérégulation voulue par les banques !

Le quatrième motif – c’est la tarte à la crème – la digitalisation. Cela fait longtemps que la plupart des opérations bancaires se font en ligne. Et cette informatisation ne cesse de s’étendre. Il y a donc une adaptation à faire, mais cela est parfaitement prévisible et aurait pu faire l’objet de négociations entre le patronat bancaire et les organisations syndicales.

Le cinquième facteur est le nombre d’agences trop important d’après ING. Il est vrai qu’il y a eu une « inflation » d’agences dans les années 70-80 de la part de toutes les banques. Mais aujourd’hui, fermer 600 agences sur les 750 restantes, c’est énorme ! C’est évidemment cela qui est la principale cause de cette gigantesque perte d’emplois. Encore une fois, la brutalité de cette décision prouve qu’il y a une très nette volonté de bouleverser les activités d’ING.

Enfin, voici ce qu’écrit la Libre Belgique du 3 octobre 2016 :

« Une banque et une vache à… lait. Autre facteur plus spécifique à la banque ING : son actionnaire. On constate que les banques belges qui ont été reprises par des actionnaires étrangers sont souvent considérées comme des vaches à lait. Ce week-end, "L’Echo" rapportait que pas moins de 7,2 milliards d’euros de dividendes sont remontés d’ING Belgique vers sa maison-mère néerlandaise ces dix dernières années. Et lorsqu’il faut restructurer, ce sont souvent les filiales étrangères qui sont mises sous pression. Dans une banque détenue majoritairement par l’Etat belge, à l’image de Belfius par exemple, un tel scénario serait plus difficile à soutenir. Comme il le serait probablement dans une banque comme BNP Paribas Fortis car l’Etat belge est toujours le premier actionnaire (NdlR : à hauteur d’environ 10 %) de la maison-mère française, héritage du passage, il y a quelques années, dans le giron du géant hexagonal de l’ex-Fortis. »

Ajoutons que les 10 % que l’Etat belge possède à BNP Paribas ne lui permettent pas d’avoir une minorité de blocage. Et plus d’une fois, afin de procéder à des « économies » budgétaires, le gouvernement belge a émis le désir de retirer ses billes… C’est donc un siège éjectable. Quant à Belfius, certains membres du gouvernement nationaliste flamand-libéral souhaitent sa privatisation pure et simple ! Mais on n’en est pas encore là !

Et « La Libre » ajoute :

« Avec les restructurations annoncées ces dernières semaines, le secteur financier belge semble donc être entré dans une nouvelle ère : celle où des chocs sociaux plus brutaux par leur ampleur prendront la place d’ajustements successifs de l’emploi, certes réguliers et continus dans le temps mais dont l’onde de choc au niveau social était absorbée jusqu’ici par les départs naturels et le recours au sacro-saint système des prépensions, amortisseur de crise. Certes, l’emploi n’a cessé de reculer chez nous dans le secteur financier, hors secteur assurance - de 82 600 unités en 2000 à 65 400 en 2014, soit 17 200 emplois perdus en quatorze ans - mais sans passer par des restructurations "sauvages" avec des charrettes de licenciements secs.

Aujourd’hui, l’accélération de la mutation numérique des services financiers - le smartphone sera demain la première des agences bancaires - et la nécessaire adaptation des réseaux de distribution couplée à un carcan plus rigide au niveau des prépensions, pardon du régime de chômage avec complément d’entreprise (RCC) limitent grandement la marge de manœuvre des grands groupes. D’autant que certains d’entre eux n’ont pas vraiment anticipé les mutations en cours. C’est le cas d’ING. Dont le personnel va aujourd’hui malheureusement payer le prix fort… »

Donc, on a franchi une étape : finis les dégraissages « en douceur », on passe à la vitesse supérieure : les licenciements collectifs.

Mais, on ne parle guère du réel motif de ce carnage social !

Beaucoup de syndicalistes l’ont cependant deviné : c’est l’actionnariat qui est derrière tout cela. Et l’actionnaire, ce n’est pas n’importe qui. Ce sont les fonds de pensions qui se multiplient et qui, étant donné le vieillissement de la population, ont un énorme besoin de liquidités pour payer les pensions capitalisées. On voit le beau résultat du passage des pensions par répartition à leur capitalisation…

Le journal en ligne « Mediapart », sous la plume de Ludovic Lamant, note :

« Sur le terrain, la multiplication des annonces de plans sociaux n’a pas entraîné de regain de mobilisation syndicale. Le front des grandes centrales du pays a bien réuni plusieurs dizaines de milliers de manifestants dans les rues de la capitale belge le 29 septembre, mais la grève générale du 7 octobre a, elle, étrangement été reportée. Les grèves générales massivement suivies qui avaient mis la Belgique à l’arrêt fin 2014, en réaction aux premières annonces du gouvernement de Charles Michel à peine arrivé, semblent bien loin. Pourtant, la colère est palpable. Dans les sondages, le Parti du travail de Belgique (PTB) est à la hausse (entre 10 et 11 % dans les sondages), en Wallonie comme à Bruxelles, contestant l’hégémonie du PS pourtant lui aussi dans l’opposition à l'échelle fédérale. »

La mobilisation du 7 octobre devant le siège d'ING avenue Marnix à Bruxelles est impressionnante !

La mobilisation du 7 octobre devant le siège d'ING avenue Marnix à Bruxelles est impressionnante !

Alors qu’on n’a plus connu en Belgique de plans sociaux d’une telle ampleur depuis la crise de la sidérurgie à la fin du XXe siècle, on observe que les organisations syndicales sont plutôt passives face à cette catastrophe sociale. Certes, la manifestation du 29 septembre fut une réussite, mais on dirait que ce genre de manif « promenade » au centre de Bruxelles fait désormais partie des habitudes. Cela n’a donné aucune suite. La concertation sociale est bloquée. Et les leaders syndicaux autrefois si prompts à s’épancher dans les médias, se taisent ou sont d’une modération qui ne leur est pas coutumière.

La mobilisation des travailleurs d'ING n'empêche pas m'humour.

La mobilisation des travailleurs d'ING n'empêche pas m'humour.

Mais c’est la base qui bouge, comme on le voit ce 7 octobre ! Les dirigeants syndicaux vont être forcés d’en tenir compte.

Si la mobilisation n’est pas générale, elle est malgré tout réelle et très ferme et concerne des travailleurs du secteur privé et du secteur non marchand en plus de ceux du secteur public. La nervosité, aussi, est plus grande. Cela, à cause de la politique de pourrissement menée par le gouvernement et le patronat. Aussi, grâce à la base, le rapport de forces pourrait changer de camp.

Les travailleurs manifestent devant les usines. La base se mobilise !

Les travailleurs manifestent devant les usines. La base se mobilise !

Alors, si en haut, ça a l’apparence du calme, en bas, c’est très agité et cela ne s’arrêtera pas tant que des propositions concrètes et crédibles ne seront pas déposées sur la table.

Sinon…

Pierre Verhas - 7 octobre 2016