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Le risque est trop grand !

 

Le dilemme se pose depuis dimanche 23 avril : le fascisme ou le néolibéralisme. Et en définitive, il n'y a pas grande différence : instauration d'un « pouvoir fort », régression sociale, démantèlement de l'économie, carcan d'une pensée unique, etc. Nous vivons en réalité le choc de deux extrémismes.

 

Le Pen, c'est l'extrême-droite classique revêtue de la « post-modernité ». C'est avant tout l'exclusion, la haine de l'Autre. L'Autre, c'est l'Arabe, c'est le Juif (enfin, on le pense, mais on n'ose pas le dire ... sauf quand on se lâche, comme sur le Vel d'Hiv), c'est l'Europe, c'est « Bruxelles ». C'est le retour au pétainisme, c'est la résurrection de Maurras. Et on use de la même stratégie que les « anciens » : on recouvre tout cela d'un vernis « social », miroir aux alouettes pour une classe ouvrière en détresse.

 

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Ne vous fiez pas à son air rassurant !

 

Ainsi, va-t-on connaître la violence de la guerre contre tout ce qui gêne le pouvoir, celle de la traque d'un bouc émissaire – essentiellement l'étranger, l'allochtone –, celle de la militarisation de la société, celle d'un Etat brutal, celle – et cela ne concerne pas que la France – d'un Frexit qui isolera le pays de Voltaire comme jamais il ne l'a été.

 

Macron, c'est l'extrême-centre. Pour le philosophe québécois Alain Denault, cité par « le Soir » du 27 avril : « Le discours centriste de Macron est extrémiste dans la mesure où il est destructeur du point de vue de l'écologie, inique d'un point de vue social et impérialiste d'un point de vue diplomatique. Il se présente abusivement sous les jours de la pondération. »

 

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Emmanuel Macron et sa femme. A-t-il le bon profil pour le poste ?

 

Ainsi, va-t-on connaître la violence d'un pouvoir privé, celle des usines que l'on délocalise, celle de l'exclusion par le chômage, celle de la précarité, celle d'un choc culturel qui balayera un édifice intellectuel, artistique, scientifique façonné depuis des générations, celle de la fin du progrès, au nom du progrès.

 

C'est donc choisir entre Charybde et Silla qui est demandé aux électeurs français. Aussi, la tentation est grande de renvoyer dos à dos les candidats représentant ces deux extrêmes.

 

Jean-Luc Mélenchon l'a fait le soir du scrutin. Il laisse à chacun le soin de prendre ses responsabilités. Tollé de l'establishment et des médias ! Une occasion de plus de « diaboliser » le leader de « France insoumise » qui est accusé d'être l'allié objectif de KriegsMarine Le Pen ! Michel Onfray, de son côté, prétend que cette élection est très bien combinée : le challenger de la candidate d'extrême-droite est certain de l'emporter ! Pour lui, ce scrutin est une élection à un tour.

 

Sans doute, mais c'est sans compter les aléas d'une campagne pour le deuxième tour qui est très mal partie pour le « favori ». En effet, Emmanuel Macron, sa victoire à peine connue, s'est montré d'une arrogance sans pareil. Et cela a commencé le soir même du premier tour.

 

La bulle Macron

 

Il prononça le dimanche soir un discours de victoire sans queue ni tête où il n'a parlé que de lui et de... sa femme, pour terminer la soirée dans une brasserie avec ses proches. Dans ce Fouquet's au rabais, il a fêté sa « victoire » à la première mi-temps ! Pas très sérieux tout cela ! Pas très « pro », le banquier !

 

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Macron avec Stéphane Bern à la Rotonde le dimanche 23 avril. Son Fouquet's au rabais...

 

L'essayiste américain David Goldman dit à propos de Macron : « Macron is pure bubble ! » Il est une bulle telle celle qui se forme régulièrement sur les marchés financiers. Mais toutes les bulles finissant par éclater ! Aussi, on peut penser que KriegsMarine cherche une aiguille...

 

Suite à cela, un de mes correspondants, Luc-Paul Badet, a posé sur Facebook les questions pertinentes :

 

Pourquoi Macron, lors de sa victoire au premier tour, n'a-t-il pas parlé de la montée et du danger frontiste ?

 

Pourquoi ne s'est-il pas adressé à celles et ceux qui se sont ralliés à lui, non par adhésion, mais par raison ?

 

Pourquoi ne s'est-il pas adressé aux gens qui souffrent de la mondialisation, de la fracture sociale, de l'endettement, de la pauvreté ?

 

Pourquoi Macron n'a-t-il pas parlé de la Laïcité, de son programme concernant la montée des Frères musulmans en France ?

 

Pourquoi Macron n'a-t-il fait un discours fondateur, basé sur un socle de valeurs inaliénables ?

 

Pourquoi Macron n'a-t-il pas proposé un gouvernement d'Union Nationale, s'il était élu ?

 

Sans doute parce qu'il est justement cette bulle ! Son discours est vide, comme son programme. Ses attitudes sont arrogantes et agacent tout le monde. En plus, avec ses hurlements, il donne l'impression de ne pas se contrôler. Ce n'est pas rassurant pour un candidat à la magistrature suprême.

 

La suite de la campagne s'avère aussi chaotique. D'ailleurs, en deux jours, le « banquier » a perdu 2 points en faveur de son adversaire. Même la presse étrangère qui lui est favorable exprime son inquiétude. Ainsi, le New York Times mardi 26 avril a appelé le centriste français à retenir les leçons de l'arrogance mortifère de la campagne Clinton, enjoignant le candidat au «travail» et à « l'humilité ». En aparté, lors d'un déplacement à Laval, François Hollande a lui aussi distribué les mauvais points : « Il n'y a pas eu de prise de conscience de ce qui s'est passé dimanche. Rien n'est fait parce qu'un vote, ça se mérite, ça se conquiert, ça se justifie, ça se porte. »

 

Sa visite à Whirpool à Amiens a tourné à la catastrophe. Macron s'est fait rappeler à l'ordre par François Ruffin, le réalisateur du film Merci patron, qui est par ailleurs candidat de France insoumise » au législatives à Amiens.

 

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Emmanuel Macron et KriegsMarine Le Pen à Whirpool : un lamentable fiasco

 

« Vous êtes chez les vaincus de la mondialisation. Malheureusement les gens que vous avez autour de vous, ils peuvent tous citer plusieurs plans sociaux. Vous ne pouvez pas venir dire ici que la mondialisation et l'européanisation elle est bonne, alors que depuis 30 ans on se prend des coups dans la tronche. »

 

Et KriegsMarine Le Pen a brûlé la politesse à Macron en rendant une visite éclair juste pour faire des « selfies » avec des travailleurs de Whirpool. D'ailleurs, le même François Ruffin a déclaré :

 

« On s'excuse auprès de Marine Le Pen de ne pas lui avoir rappelé que dans ses 144 engagements n'apparaissent ni les mots « actionnaires », « PDG », « dividendes », « multinationales » : sa visite surprise, ça a été un passage trop éclair... »

 

Là aussi, il convient d'insister : les coups de gueule ouvriéristes de Le Pen sont du vent. Que les travailleurs ne tombent pas dans le piège qu'elle leur tend avec son ombre, Philippot et l'avocat raté Collard.

 

Une conclusion identique

 

Alors, quelle leçon tirer de cela ? Plusieurs analystes français qui vont de la droite à la gauche, comme Alain de Benoist, Jean-Pierre Le Goff, Christophe Guilluy, Jacques Julliard, Henri Slama, Michel Onfray et d'autres arrivent à la conclusion : le clivage Macron-Le Pen recouvre dans une très large mesure l'opposition entre la « France périphérique », celle des couches populaires humiliées, laissées pour compte, qui s'estiment à juste titre victimes d'une exclusion à la fois politique, sociale et culturelle, et celle des métropoles urbanisées où vivent les cadres supérieurs et les bobos, les classes possédantes et la bourgeoisie intellectuelle intégrée, qui profitent de la mondialisation et aspirent à toujours plus d'« ouverture ». D'un côté la France qui gagne bien sa vie, de l'autre celle qui souffre et qui s'inquiète.

 

Mais cette opposition spatiale, particulièrement bien explorée par Christophe Guilluy, a aussi (et surtout) le sens d'une opposition de classe. « La lutte des classes ressurgit politiquement à la faveur d'un duel de second tour qui oppose le libéral Emmanuel Macron à la souverainiste Marine Le Pen ».

 

« Derrière cette lutte des classes, ajoute Slama, se cache un affrontement entre deux visions du monde : la vision libérale et universaliste, qui ne croit ni en l'État ni en la nation, et la vision que l'on nomme aujourd'hui populiste ou encore souverainiste, qui veut restaurer l'État, les frontières et le sens de la communauté face aux ravages de la mondialisation ».

 

L'erreur symétrique de la droite et de la gauche classiques a toujours été de croire que la politique pouvait s'extraire des enjeux de classe – la droite par allergie au socialisme et au marxisme, la gauche parce qu'elle croit que la classe ouvrière a disparu et que le peuple ne l'intéresse plus.

 

Il est symptomatique que des intellectuels d'horizons les plus divers, voire farouchement opposés, arrivent à une conclusion quasi identique.

 

Opter pour le moindre mal.

 

Ajoutons que cette élection montre que nos valeurs fondamentales sont menacées de part et d'autre : la mondialisation dite heureuse cache mal un projet totalitaire destructeur de nos liens sociaux qui ont été tissés depuis les débuts de la révolution industrielle et notre édifice culturel qui a réussi à allier l'universel et le particulier.

 

Le repli sur soi, la haine de l'Autre, le retour à des pratiques nauséabondes sont inacceptables. Il ne peut être question de prendre le moindre risque de voir la candidate du FN s'installer au château de la rue du Faubourg St Honoré.

 

George Orwell écrivit un jour : « La plupart d'entre nous persistent à croire que tous les choix, et même les choix politiques, se font entre le bien et le mal et que du moment qu'une chose est nécessaire, elle doit être bonne. Il nous faudrait, je pense, nous dépouiller de cette croyance qui relève du jardin d'enfants. En politique, on ne peut jamais opter que pour un moindre mal. »

 

Et le moindre mal, c'est à notre corps défendant, voter Macron. Mais, comme disait le professeur Phlippe Marlière : « Le 7 mai, je vote Macron, le 8 mai, je le combats ! »

 

N'oublions pas que si le banquier croit qu'il a gagné le match à la première mi-temps. Il doit encore vaincre à la fin. Et, surtout, il lui faut emporter la troisième mi-temps, c'est-à-dire les législatives.

 

Et là, c'est loin d'être acquis et ce sera le moment de proclamer haut et fort : Ni Le Pen, ni Macron !

 

Pierre Verhas

 

Bron: http://uranopole.over-blog.com/2017/04/le-risque-est-trop-grand.html