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Parti discrètement ce 28 octobre2017 comme il a vécu, Jacques Sauvageot, le « troisième homme » du mai 68 parisien était incontestablement l'homme le plus attachant du trio Cohn Bendit, Geismar, Sauvageot.

 

 

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Jacques Sauvageot : le militant discret

 

Il était à l'époque le vice-président de l'UNEF (l'Union Nationale des Etudiants de France), le principal syndicat étudiant de l'époque qui avait joué un rôle important lors de la guerre d'indépendance algérienne et qui connaissait un déclin certain – il était passé de 100.000 membres en 1962 à 30.000 en 1968 –. Il s'est trouvé mêlé malgré lui aux débuts de la révolte étudiante de mai 68. Le Recteur de l'Université de Nanterre avait fermé l'établissement suite aux contestations récurrentes menées par Cohn Bendit. Une manifestation de protestation fut organisée dans la cour de la Sorbonne, manifestation assez clairsemée, mais qui fut interdite par son Recteur qui craignait des bagarres avec l'extrême-droite. La police intervint et après de violentes échauffourées, les meneurs – Daniel Cohn Bendit pour Nanterre, Alain Geismar pour le SNeSup (Syndicat des enseignants du supérieur) et Jacques Sauvageot pour l'UNEF, furent arrêtés. Suite aux troubles consécutifs à leur arrestation, ils furent vite libérés et Jacques Sauvageot lança le mot d'ordre de grève générale des étudiants. Mai 68 était lancé.

 

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Le trio Geismar Sauvageot Cohn Bendit en mai 68. Sauvageot dira plus tard : "La photo où on nous voit tous les trois lever le poing était de circonstance, nous n'avions pas d'affinités particulières et nous n'avons pas de réunions d'anciens combattants"

 

Déjà deux gauches

 

Sauvageot né en 1943 d'une famille modeste était étudiant en histoire de l'art. Il était militant du PSU (le Parti Socialiste Unifié), petite formation de gauche non communiste qui comptait Michel Rocard dans ses rangs. Sauvageot fut un des organisateurs du grand meeting de la gauche de Charléty qui visait à ramener Pierre Mendès France au pouvoir à la place du pouvoir gaulliste en pleine déliquescence. Les jeunes progressistes préféraient Mendès France à François Mitterrand dont ils critiquaient le parlementarisme, son attitude lors de la guerre d'Algérie et ses compromissions avec la droite. Déjà, deux gauches se dessinaient !

 

Sauvageot, quant à lui, voulait à la fois éviter la violence qu'il considérait comme une arme « inefficace » et rapprocher le mouvement étudiant et le mouvement ouvrier qui s'était déclenché après les violences au Quartier latin le 10 mai 68. Charléty fut pour lui la grande occasion pour ce faire. Le mouvement social fut toujours la préoccupation première de Jacques Sauvageot.

 

Malheureusement, malgré l'évidente réussite de ce rassemblement, ce fut un coup d'épée dans l'eau. Le 30 mai, de Gaulle reprit les rênes et les élections amenèrent une forte majorité de droite à l'Assemblée nationale. Jacques Sauvageot quitta l'avant-scène et acheva ses études. Il fit son service militaire à Solenzara en Corse – le service à la coopération lui avait été refusé – et, après, il eut toutes les difficultés à trouver un emploi. Il en trouva un comme OS (ouvrier spécialisé) dans une usine de transformateurs électriques qui fit faillite, puis il fut éphémère enquêteur agricole. Par après, il obtint une charge de professeur d'histoire de l'art à l'école des Beaux Arts de Nantes. Il devint par après directeur de l'école des Beaux Arts de Rennes et écrivit des ouvrages sur sa passion, l'architecture.

 

La fibre sociale

 

Sur le plan politique, Sauvageot milita au PSU jusqu'en 1972 et puis participa à plusieurs groupuscules d'extrême-gauche, mais l'éparpillement de l'extrême gauche en une myriade de chapelles et de groupuscules finirent par le fatiguer. Il abandonna cette forme de militantisme en 1976 et s'investit dans la création de radios libres, alors interdites par le pouvoir giscardien, notamment à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique).

 

Sans jouer aux « anciens combattants soixante-huitards », associé au cinquantenaire du PSU, en 2010, Jacques Sauvageot fut le secrétaire de l'Institut tribune socialiste, qui gère les archives et anime des débats avec des anciens du PSU et des militants sensibles aux idées et pratiques de ce parti dissous en 1989, mais qui a marqué l'histoire de la gauche politique et syndicale.

 

Comme l'écrit Robert Falony : « Mai 68 en France fut aussi un échec « hormis dans le domaine des mœurs ». Si Cohn Bendit représenta bruyamment la libération des mœurs lancée en 1968 et aussi le virage néolibéral pris allégrement par bon nombre de « soixante-huitards », Jacques Sauvageot garda toute sa vie la fibre sociale.

 

C'est cette gauche là que l'ancien vice-président de l'UNEF représenta, à laquelle il milita toute sa vie dans l'efficacité et dans la discrétion. Jacques Sauvageot était des nôtres. Il était un exemple.

 

Bon vent, camarade !

 

Pierre Verhas

 

Bron: http://uranopole.over-blog.com/2017/10/mort-d-un-camarade.html