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Ce 9 février, le Parlement fédéral a voté une proposition de loi visant à permettre la reconnaissance de la filiation paternelle hors mariage dès le début de la grossesse.

 

Le Conseil des Femmes Francophones de Belgique met en garde les élu-e-s, les femmes et les citoyen-ne-s en général, contre les dangers que fait courir cette modification législative qui rappelle les tentatives en cours de donner un statut à l'embryon et au fœtus. Le CFFB mettra tous les moyens possibles en œuvre pour faire échec à ces attaques de plus en plus directes, au droit fondamental des femmes à décider de poursuivre ou non une grossesse.

 

Si les motivations avancées pour voter ce texte peuvent paraître louables, elles sont sans commune mesure avec les risques évidents que comporte une telle reconnaissance de filiation avant toute viabilité du fœtus: s'attaquer in fine à l'Interruption Volontaire de Grossesse.

 

Dans le contexte actuel, le vote de cette loi est indissociable du projet du ministre de la Justice, de son parti le Cd&V et de la NVA contre lequel le CFFB a déjà pris position: en effet nous refusons que soit supprimé l'article 80 bis du code civil ainsi que le délai légal de reconnaissance d'un enfant mort-né - soit 6 mois de grossesse - comme nous refusons la délivrance d'un « acte de naissance » à tout stade d'une grossesse accidentellement interrompue.

 

Lors de la séance plénière du 9 février, l'auteure de la proposition de loi, Stéphanie Thoron (MR), s'est d'ailleurs félicitée du soutien total du Ministre Koen Geens dans ce dossier. Rien d'étonnant. Les confusions sémantiques sont les mêmes que dans le dossier de reconnaissance des fœtus: on parle d'enfant alors qu'il s'agit d'une grossesse de moins de six mois. Ici aussi, la loi octroie un document d'état civil, ainsi qu'un lien de filiation, deux des quatre attributs nécessaires à l'attribution d'une personnalité juridique...

 

Si la proposition du Cd&V sur les fœtus est actuellement bloquée en Commission Justice, grâce entre autres aux auditions des professionnel-le-s de la santé, mais aussi du CFFB, ne nous réjouissons pas trop vite! Le Ministre de la Justice a déclaré le 7 février au JT de la VRT qu'il ferait passer ce texte via le gouvernement. Quand on ne peut passer par la porte, on passe par les fenêtres. Une première étape vient d'être franchie avec le vote du 9 février!

 

C'est pourquoi le CFFB a décidé d'exprimer ses profondes inquiétudes et son opposition à ce qui s'apparente à une offensive déguisée contre les droits fondamentaux des femmes.

 

En effet, les arguments avancés pour faire voter la reconnaissance d'une filiation anténatale sans délai minimal de grossesse ne résistent pas à l'analyse. Harmoniser les pratiques entre les administrations communales? Certes, il y avait un vide juridique et certaines communes permettaient cette reconnaissance avant 6 mois de grossesse. Mais ce n'est pas le cas de la majorité d'entre elles qui, en toute logique, calquent leur pratique sur ce délai de 6 mois, prescrit par l'article 80 bis du Code civil, à la fois pour reconnaître officiellement qu'un enfant est mort-né, mais également, en cas de fausse-couche, pour permettre au père non marié qui n'a pas encore reconnu l'enfant de le faire, moyennant le consentement de la mère.

 

Autre motivation avancée: il s'agirait d'éviter à la maman, en cas de décès prématuré du père, des démarches douloureuses. Selon nous cet argument ne tient pas non plus: en effet, l'article 324 du Code civil indique clairement qu'à moins qu'il n'existe des doutes sur la paternité, celle-ci est présumée si des relations sexuelles avec la mère sont établies pendant la période légale de la conception. De toute façon, aujourd'hui, les tests ADN sont rapides et fiables à 99%.

 

Une nouvelle fois on prend prétexte d'aider les femmes confrontées à une dure épreuve, (très rare, s'il en est) - des femmes dont nous sommes solidaires et qu'il faut soutenir et encadrer - pour modifier le statut du fœtus dans le Code civil. C'est inacceptable.

 

En revanche, pas un mot sur la réalité du vécu de très nombreuses femmes au cours de la grossesse, qui a toute son importance ici: en effet, toutes les études démontrent que la violence dans les couples est un fléau généralisé et que, dans 40% des cas, les premiers coups apparaissent avec la grossesse. De plus, une IVG sur 5 est directement liée à des violences (viols, violences conjugales, violences familiales). En permettant cette reconnaissance de paternité précoce, le législateur offre, sans s'en rendre compte, un moyen de pression légal à un compagnon violent pour empêcher la femme enceinte de demander une IVG; ce n'est ni une hypothèse, ni un risque mineur: il s'agit d'une réalité objective et dramatique.

 

Le Conseil des Femmes Francophones de Belgique met donc en garde les élu-e-s, et poursuivra son combat contre les reculs en matière des droits des femmes, et spécifiquement leurs droits sexuels et reproductifs, cette fois directement en cause mis par le parlement et le gouvernement belges, comme c'est malheureusement le cas dans un nombre croissant de pays européens.