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En ce samedi 21 mars, nous vous proposons de revenir sur les derniers évènements qui ont secoué cette longue semaine : matériel, appel aux dons, fond blouses blanches, etc.

- Le manque de matériel :

Force est de constater qu’en dépit du discours rassurant de l’Etat, nous sommes en pénurie de matériel de protection. Cette pénurie est cachée et compensée par une révision à la baisse des normes de précaution et une politique d’économie des stocks. En effet, pour éviter de devoir consommer trop de matériel, les directions hospitalières donnent des directives très restrictives à son personnel quant au port de protections, ce qui les met, ainsi que leurs patients, en danger. De cette façon, ils inversent le discours en faisant porter la responsabilité de la pénurie de matériel sur le personnel soignant qui en utiliserait selon eux abusivement, alors que la réalité est que l’Etat a failli et n’a pas produit et ne compte toujours pas fournir du matériel en suffisance pour protéger tout le personnel hospitalier ou extra hospitalier.

Le résultat est alarmant : dans la plupart des unités de soins, le personnel ne dispose pas de matériel adéquat et en suffisance ! Pire, le personnel est mis sous pression pour NE PAS mettre les protections nécessaires, sous prétexte de gaspillage !

Quelles sont les conséquences d’une telle politique ?

Tout d’abord, le personnel de santé, même s’il n’est pas testé, est très certainement fortement porteur du Covid-19. Effectivement, il n’est pas confiné et est en contact direct avec des potentiel•le•s porteur•euse•s du virus (les patient•e•s et les collègues). En somme, le personnel de santé, en contact avec des patient•e•s infecté•e•s non testé•e•s, est non seulement contaminé, mais contamine également à son tour ! Dans le cadre de son travail, le personnel de santé NE PEUT PAS respecter les normes de distanciation sociale. Il DOIT donc se protéger. Interdire à ce personnel de porter un simple masque chirurgical est donc un scandale sanitaire !
Ensuite, ce même personnel de santé rentre chez lui en fin de journée et a de grands risques de contaminer son entourage.
La politique de rationnement expose donc les patient•e•s, le personnel de santé et son entourage à un risque sanitaire grave ! C’est une politique dangereuse qui contribue à la propagation de la pandémie ! Nous réclamons des protections pour toutes et tous immédiatement, et ce à l’instar de plusieurs pays asiatiques qui ont réussi à endiguer l’épidémie en fournissant du matériel de protection à toutes personnes ne pouvant pas respecter le confinement (caissières, soignant•e•s, personnel d’entretien, éboueurs etc.).

Soigner et travailler dans les secteurs indispensables OUI, mais NON nous ne sommes pas de la chair à canon !

- Le manque de respirateur :

La situation en Chine puis celle en Italie nous avaient mis•e•s en garde : ce qui va manquer, ce sont également les respirateurs. L’atteinte critique des voies respiratoires impose la mise sous respi des patient•e•s.
Au plus on a de respi, au plus nous pourrons sauver des vies ! Simple.
Sinon, nous serons amené•e•s à devoir faire des choix. Horrible.

Par contre ce qui nous paraît un peu particulier, c’est de solliciter la population pour suppléer ce besoin en matériel. Certes les gestes de solidarités sont les bienvenus, d’ailleurs ils font chaud au cœur. Mais ne serait-ce pas plutôt à l’Etat de subvenir aux besoins premiers des hôpitaux ?

En effet, cette demande de dons de la part du CHU Saint-Pierre, et de plusieurs autres hôpitaux depuis, nous a abasourdi•e•s ! Le secteur de la santé est définancé depuis des années. Nous le savions, nous l’avons dénoncé, mais l’Etat préfère investir son énergie à la marchandisation des soins plutôt qu’au refinancement du secteur de la santé. C’est dans le cadre de la lutte contre cette logique que nous avons réussi à obtenir un refinancement de 400 millions d’euro pour le secteur fin 2019 (nous y reviendrons).

L’austérité qui impacte le secteur, depuis longtemps maintenant, a eu raison des budgets hospitaliers. C’est dans ce contexte que le CHU Saint-Pierre, encore plus pauvre avec cette crise, devient dépendant de la bonne volonté de la population. Incroyable ! Incroyable d’en arriver là, incroyable de faire dépendre la santé de l’aumône… Quand on pense qu’un respirateur coûte 50 000 euros et que le secteur, sous le mandat De Block, avec la bénédiction de la ministre du budget de l’époque, Sophie Wilmès, a subi une restriction budgétaire de plus de 2 milliards d’euros !

De plus, pourquoi le matériel, qui est donc disponible puisqu’en vente par les firmes pharmaceutiques, ne peut-il pas, comme en temps de guerre, être réquisitionné dans les entreprises qui les fournissent ? Ces biens sont de première nécessité, et nous pensons que la situation le justifie. La notion de profit ne devrait-elle pas être mise de côté lorsque l’on parle de la vie de centaines, voire de milliers de personnes ?
Solidaires oui, mais pas stupides !

- Le fond blouses blanches :

Lors de notre lutte de 2019 pour un refinancement des soins de santé, nous avions obtenus de l’Etat un fond structurel de 400 millions d’euros par an pour faire face au manque d’effectifs dans les hôpitaux. Toujours pas d’application, ce fond devait répondre en partie à la difficulté de soigner toujours plus de patient•e•s avec toujours moins de personnel. Résultat (nous nous répétons) d’années de définancement du secteur.

Aujourd’hui, paraît-il que ce fond sera absorbé par l’Etat, avec la bénédiction de certaines directions syndicales, pour lutter contre le Covid-19. N’aurions-nous pas pu trouver de l’argent ailleurs que dans nos conquêtes sociales ? Dans les cadeaux fiscaux faites aux grandes firmes pharmaceutiques, dans les centaines de milliards cachés dans les paradis fiscaux, par exemple ?

Nous donnons chaque jour de nos personnes pour soigner, nettoyer, brancarder, ravitailler… N’est-ce pas suffisant ? Doit-on en plus de ça sacrifier le peu de moyens obtenus par notre lutte ?
Le personnel de santé se retrouvera, après la crise Covid-19, épuisé, sans un sou, toujours en manque d’effectifs, à devoir reconquérir le peu d’avancée sociale obtenue au bout d’une année de lutte, de grèves et de manifestation…
Merci, vraiment, on n’oubliera pas.

- Une « avance » d’un milliard d’euros :

Enfin, la baisse d’activité ‘traditionnelle’ des hôpitaux engendre une baisse considérable des ‘revenus’ de ces derniers. C’est pourquoi, le ministère de la santé va faire une « avance » d’un milliard d’euros aux hôpitaux pour faire face aux ‘pertes’. "L'avance d'un milliard d'euros permet aux hôpitaux de disposer d'une liquidité suffisante pour continuer à faire face à leurs dépenses. Le versement des salaires du personnel est primordial, mais il s'agit par exemple aussi de dépenses liées à la commande de matériel médical ou autre. Une partie du budget servira à compenser la baisse d'activité des prestataires de soins". Cette « avance » sera donc à rembourser, l’Inami s’en chargera "plus tard"... Encore et toujours cette même logique, l’hôpital devra se débrouiller pour être encore plus ‘rentable’ afin d’éponger la dette…

L’État prête à sa population pour qu’elle puisse se soigner (survivre ?), celle-ci va devoir rembourser...

Pour conclure, nous observons que derrière un discours d’unité nationale, de solidarité, d’entraide, ce sont toujours les mêmes qui s’y collent, qui mettent la main à la pâte : les travailleur•euse•s ; les mêmes qui souffrent toujours plus : les personnes précaires, sdf, réfugié•e•s, les petit•e•s indépendant•e•s...

Il serait temps de revoir notre échelle de valeur et de construire les bases d’une société plus égalitaire. La crise nous met face aux incohérences de notre système et à la hiérarchie sociale qui en découle, tout ça nous semble de plus en plus insupportable.

Merci pour vos applaudissements tous les soirs, mais nous vous demandons surtout de ne pas oublier ce qu’il se passe maintenant et de continuer à nous soutenir dans nos futures mobilisations. Une fois le confinement levé, nous aurons de quoi dire et nous aurons de quoi faire. Et nous aurons besoin de vous !

Au-delà des applaudissements, pensez surtout à relayer nos revendications, pour des solutions concrètes.

Voici ce que nous réclamons, en cette période de crise :
1) Des moyens et un refinancement à la hauteur des besoins.
2) Une gestion des stocks de matériel à l’échelle fédérale, une réquisition des stocks privés et une redistribution en fonction des besoins.
3) La réquisition des respirateurs là où ils sont produits, plutôt que d’augmenter les bénéfices des fabricants avec l’argent offert par la population.
4) Du matériel de protection pour tout•e•s les travailleur•euse•s maintenu•e•s en activité ; pour assurer les besoins premiers à la population (supermarchés, hôpitaux, ramassage des poubelles, soins à domicile, entretien ménager, etc.)
5) Dépistage de tout le personnel à risque et mesures de réorganisation, pour ne pas mettre en jeu la santé des travailleurs et des travailleuses, ni les épuiser.