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Une vaste négociation internationale est en cours sur une réforme de la fiscalité internationale. Les 29 et 30 janvier dernier, 137 pays étaient réunis à l’OCDE pour approuver ses grandes lignes. S’il y a bien la volonté de finaliser le travail en 2020, le chemin de la justice fiscale est encore long.

L’instauration d’un taux minimum mondial d’imposition des bénéfices des entreprises et une fiscalité unitaire des multinationales, tels sont les deux grands piliers de la négociation et les principales revendications du CNCD-11.11.11 qui mène depuis la rentrée 2019 une campagne sur la justice fiscale.

La conférence qui s’est clôturée le 30 janvier a débouché sur des progrès mitigés. Si ces deux principes ont été validés [1], de nombreux bémols sont à relever.

LA TAXATION UNITAIRE, MAIS PARTIELLE

Sur le premier « pilier » des négociations, relatif à la « révision des règles relatives au lien et à la répartition des bénéfices », le champ d’application du nouveau système concerne désormais les « services digitaux automatisés » et les entreprises « tournées vers les consommateurs » [2]. Sont donc exclus, explicitement ou implicitement, le secteur extractif (extrêmement important dans les pays en développement), le secteur financier et les activités économiques destinées aux entreprises plutôt qu’aux consommateurs.

Par ailleurs, une partie seulement de profits des entreprises en cause (le montant A selon la terminologie de l’OCDE) serait soumise au principe de la fiscalité unitaire, en vertu de laquelle la base taxable serait le bénéfice global consolidé de l’entreprise plutôt que les profits déclarés par la ou les filiales locales (principe de fiscalité par entité séparée, le système actuellement en vigueur). La détermination exacte de la part des bénéfices ainsi soumise au nouveau régime est cependant renvoyée à une négociation ultérieure.

Ce « montant A » serait ensuite réparti entre les pays de « marché » sur base notamment du volume des ventes. Cette clé de répartition est structurellement défavorable aux pays en développement, car ils sont typiquement plus orientés vers la production que vers la consommation.

Il n’y a pas encore de décision sur la demande états-unienne visant à rendre ce nouveau système facultatif, au choix des entreprises en cause.

UN IMPÔT MINIMUM MONDIAL, REMIS À PLUS TARD

Quant au deuxième pilier, la « proposition globale de lutte contre l’érosion de la base d’imposition (GLOBE) », sorte de taux d’imposition minimum mondial, qui permettrait aux Etats de mettre en œuvre toute une série de mécanismes défensifs, afin d’empêcher que des profits soient détournés vers des filiales implantées dans des pays pratiquant des taux d’imposition inférieurs au taux minimum, les travaux sont moins avancés. La question centrale du taux exact est renvoyée à une négociation ultérieure.

Un tel taux d’imposition minimum des profits des entreprises serait en tout cas un effort bienvenu pour briser le cercle vicieux du dumping fiscal.
Un tel taux d’imposition minimum des profits des entreprises, sous réserve des modalités pratiques d’application, serait en tout cas un effort bienvenu pour briser le cercle vicieux du dumping fiscal. En effet, la moyenne mondiale des taux a baissé de plus de 40% en 1980 à moins de 25% en 2015. Si le mouvement se poursuit au même rythme, la moyenne mondiale devrait atteindre 0% en 2052 [3].

LES NÉGOCIATIONS CONTINUENT

En résumé, les négociations avancent mais donnent des résultats partiels très mitigés : l’application partielle de la taxation unitaire, une clé de répartition de la base taxable défavorable aux pays en développement, alors que la solution à de nombreux problèmes épineux est renvoyée à plus tard (la détermination du taux minimum mondial, la demande états-unienne d’un système facultatif au choix des entreprises en cause, ou encore l’arbitrage secret contraignant comme méthode de résolution des conflits). Les négociations vont donc continuer tout au long de cette année 2020 dans l’espoir d’aboutir en novembre 2020 avec un paquet global qui remettra de l’équité dans la fiscalité internationale.

ANTONIO GAMBINI 5 FÉVRIER 2020

[1] OECD (2020), “Statement by the OECD/G20 Inclusive Framework on BEPS on the Two-Pillar Approach to Address the Tax Challenges Arising from the Digitalisation of the Economy – January 2020”, OECD/G20 Inclusive Framewrk on BEPS, OECD, Paris. www.oecd.org/tax/beps/statement-by-the-oecd-g20-inclusive-framework-on-beps-january-2020.pdf
[2] Une liste non-exhaustive des biens concernés (fournie par l’OCDE) : les logiciels informatiques, les applications de domotique, les téléphones portables, les vêtements, les cosmétiques, les biens de luxe, l’alimentation et les rafraîchissements, les modèles franchisés tels que les licences pour les restaurants et les hôtels, les automobiles.
[3] Eurodad, “Tax Games : the Race to the Bottom”, 2017, p. 14, https://eurodad.org/files/pdf/1546849-tax-games-the-race-to-the-bottom-1512547011.pdf