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Notre ami Bernard Gensane a publié sur son blog un très intéressant article sur l’inquiétante évolution de la question du maintien de l’ordre et des droits démocratiques en Union européenne. Il décrit les conséquences du Traité de Velsen ratifié en septembre 2012 et qui constitue une force de gendarmerie européenne (EuroGenFor) peu connue en Belgique parce qu’elle n’a pas (encore?) adhéré à ce Traité.

S’agit-il d’une opération de coordination des forces de l’ordre dans l’Union européenne ou bien de la constitution d’un corps destiné à renforcer la machine répressive qui sévit dans certains pays comme la Grèce ou comme l’Espagne?

Récemment, un ami me faisait remarquer à Bruxelles : « Depuis le gouvernement Michel, n’as-tu pas observé que l’on voit bien plus de voitures de police dans les rues? ». En effet. Et c’est un leurre pour l’opinion publique. Cette présence policière rassure et adoucit quelque peu le sentiment d’insécurité qui règne dans les villes et les campagnes. Mais ne serait-elle pas là surtout pour réprimer tout mouvement spontané qui pourrait se déclencher suite aux chocs de la politique d’austérité qui jette les gens dans la misère comme cela va se produire le 1er janvier prochain avec l’exclusion massive de milliers de chômeurs.

Un incident est significatif. Les violents heurts qui ont suivi la grande manifestation syndicale du 6 novembre n’ont pas jusqu’à présent été expliqués. Plusieurs témoins ont fait part de la présence de militants d’extrême-droite dans le cortège et qui s’étaient attaqués à des allochtones. D’autres ont affirmé que ces éléments se trouvaient mêlés aux bagarres qui ont suivi la dislocation du cortège dans le quartier de la Porte de Hal, plusieurs centaines de mètres au-delà du lieu de la dislocation. On a reproché du laxisme au bourgmestre socialiste, Yvan Mayeur, mais les enquêtes qui ont suivi n’ont pas confirmé cette accusation. Par contre, plus rien sur les perturbateurs fascistes.

Les réactions quasi hystériques suite aux incidents mineurs de la grève générale du 15 décembre et notamment l’affaire « Raymonde » (Raymonde, une syndicaliste qui a un peu pété les plombs en voulant faire fermer une boutique de vêtements) ainsi que les projets d’encadrer le droit de grève et d’introduire la notion de « liberté du travail », cherche à casser les grèves en alliant la pression patronale à la répression des mouvements de grève.

Entretient-on volontairement la tension ? Les éléments les plus durs du gouvernement de droite de Charles Michel ne cherchent-ils pas l’affrontement ? Il est encore trop tôt pour le dire.

L’autre aspect est le renforcement manifeste de l’appareil répressif. Là aussi, il faut être vigilant. Dès son installation au pouvoir, Jan Jambon a laissé entendre qu’il souhaitait que l’armée vienne en renfort des forces de police pour assurer le maintien de l’ordre. Et en plus de l’armée, des milices privées sont les bienvenues pour épauler, voire remplacer la police dans des tâches répressives. Plus récemment, l’Office des étrangers dont le ministre de tutelle est le NV-A néo-nazi Théo Francken souhaite publiquement pouvoir effectuer des contrôles dans des habitations occupées par des immigrés sans autorisation d’un juge. Le viol du domicile privé serait ainsi soumis à l’arbitraire de l’administration!

Ces dérives ne sont pas propres à la Belgique. Elles sont encouragées par les dirigeants de l’Union européenne. Une force européenne de police s’installe peu à peu. C’est ce que nous montre Bernard Gensane.

Nous le verrons dans un prochain article. Nous sommes en train de franchir une étape nouvelle dans la destruction de l’Etat social au profit de la société ultralibérale. Le projet de loi Macron en France en est un exemple. Les négociations sur le TTIP (ou TAFTA) mieux connu sous le nom de Traité de libre échange transatlantique vont profondément bouleverser notre société démocratique si elles aboutissent.

La mise en place de cette véritable contre-révolution ne se fera pas sans heurts – voyez les mouvements sociaux en Belgique – et nécessitera donc pour ce faire l’appui d’un outil répressif efficace. C’est cela qui se prépare au niveau européen.

Pierre Verhas

Ne soyons pas alarmistes mais lucides.

Récemment, les États-Unis, le Canada et l’Ukraine, ont voté contre une résolution de l’ONU condamnant la glorification du nazisme. Les membres de l’Union européenne se sont abstenus.

La passivité de l’Union européenne face aux nazis, aux cryptos nazis et aux sympathisants nazis quand ils tiennent le haut du pavé ne doit pas surprendre. Un tropisme d’extrême droite s’est installé sur un vieux continent dont on aurait pu penser qu’il était vacciné contre la barbarie fasciste. Parmi les signes qui ne trompent pas, la création d’une force d’intervention militarisée de 3 000 hommes destinée à réprimer brutalement toute contestation populaire ne laisse pas d’inquiéter dans un ensemble qui compte des dizaines de millions de chômeurs et de pauvres.

Le rapport de forces mondial est malheureusement très clair. En mai 2013, la banque JPMorgan Chase – qui, comme Warren Buffet, sait qui a gagné la guerre des classes – pouvait se permettre de demander l’abrogation des constitutions démocratiques établies en Europe après 1945. La banque enjoignait l’Europe d’éradiquer les droits sociaux, les droits des travailleurs, leur liberté d’expression en particulier. La « mondialisation libérale », c’est aussi cela. Supprimer l’expression démocratique pour que les grandes banques, les fonds d’investissements puissent spéculer et engranger. L’austérité n’est pas une fatalité ou une douloureuse nécessité mais une arme pour faire taire les oppositions à l’hyperbourgeoisie.

Pour que l’ordre règne, pour que le capitalisme puisse mener sa guerre en paix, l’Union européenne s’est donc dotée d’une force d’intervention militarisée de 3 000 hommes, une gendarmerie européenne plus connue sous le nom de EuroGendFor. Elle est basée en Italie, à Vicence. Sa langue de travail est la langue des Parties mais, dans les faits, le Wall Street English.

On ne pourra pas éternellement jouer à faire revoter les peuples qui ont mal voté ou à contourner des référendums par des voies législatives honteuses. La démocratie formelle étant régulièrement bafouée, les expressions populaires seront de plus en plus radicales, violentes, désespérées. D’où la nécessité de prévoir des moyens de répressions coordonnés, européens quoi !

En 1935, Georgi Dimitrov définissait le fascisme comme la dictature terroriste ouverte de la frange la plus réactionnaire de la bourgeoisie impérialiste monopoliste. Il distinguait le fascisme de la dictature réactionnaire classique, l’élément discriminant étant le modernisme et le caractère de masse. On verra plus tard Franco désarchaïser l’économie espagnole avec les technocrates de l’Opus Dei, et surtout Pinochet être le premier expérimentateur des idées de Hayek et de Friedman. En tout état de cause, pour la bourgeoisie, le fascisme est le moyen le plus sûr de spolier les travailleurs, ce que mes concitoyens héninois finiront peut-être par comprendre.

Selon ses statuts, l’EuroGendFor, seule ou conjointement avec d’autres forces répressives, doit être capable d’effectuer toutes les missions de police durant toutes les phases d’une opération de gestion de crise. L’EuroGendFor peut être subordonnée à des autorités civiles ou militaires. Il est fait appel à elle pour des missions de sécurité et d’ordre public ; pour surveiller, conseiller, encadrer et superviser les polices locales dans leur travail quotidien ; pour surveiller l’espace public, régler la circulation, contrôler les frontières et effectuer des missions générales de renseignement ; pour effectuer des enquêtes criminelles, notamment découvrir des délits, retrouver les délinquants et les livrer aux autorités judiciaires compétentes ; pour protéger les personnes et les biens et maintenir l’ordre en cas de troubles publics.

Comme le jour viendra sûrement où les Grecs en auront assez de s’entendre dire par les Allemands qu’ils prennent trop de vacances, où les Français seront lassés d’entendre ces mêmes Allemands critiquer leurs services publics « pléthoriques » ou d’entendre les Britanniques leur reprocher leur code du travail trop rigide, une saine colère risque d’exploser. D’où la nécessité de déployer cette force européenne, pensée par l’ancienne ministre de la Défense Alliot-Marie après les batailles de rue dans les « quartiers » en 2005.

L’EuroGendFor cumule les fonctions de police, police judiciaire, gendarmerie (armée) et services secrets. Dans son langage, réprimer des révoltes se dit garantir la « sécurité en territoires de crise européens ». Plus cette police européenne sera nombreuse et compétente moins les États auront à utiliser leurs propres forces de répression.

C’est le Traité de Velsen (septembre 2012) qui règle les interventions d’EuroGendFor. Un « conseil de guerre », sous forme de comité interministériel composé des ministres de la Défense et de la Sécurité des pays membres de l’UE participants, décide de la stratégie d’intervention. La troupe peut être mise en marche soit sur demande, soit après décision de l’UE.

« EuroGendFor » est une troupe policière paramilitaire et des services secrets. Ne peuvent rejoindre EuroGendFor que les États disposant d'une police à statut militaire (la grande majorité des pays européens, donc). Elle unit tous les pouvoirs et moyens militaires, policiers et de services secrets qu’elle peut exercer en collaboration avec des troupes nationales de police et d’armée, après être mandatée par une cellule de crise interministériel dans chaque lieu pour la lutte contre des troubles, contre des révoltes et contre de grandes manifestations. Le ministère fédéral de la Défense a salué l’EuroGendFor en ces termes : « Police ou Armée : Une gendarmerie européenne promet la solution. »

De même que l’armée française affiche des slogans particulièrement creux (« Devenez vous-même », « Pour moi, pour les autres, s’engager »), que l’armée britannique met l’accent sur la formation des esprits (« Mind the gap »), la devise de la gendarmerie européenne est très rassérénante : « Lex Paciferat » (la loi apportera la paix). Cela dit, même si ses soldats doivent respecter le droit en vigueur de l’Etat dans lequel ils interviennent, tous les bâtiments et tous les terrains pris par les troupes sont exterritorialisés et ne sont plus accessibles, y compris pour les autorités nationales. Mais, pour les responsables européens, ne pas devoir utiliser leurs propres forces de répression sera un atout, d’autant qu’on imagine mal les « eurogendarmes » retourner leurs fusils contre leurs supérieurs.

La création de cette gendarmerie européenne sans état d’âme peut être replacée dans le contexte plus général du mercenariat. On peut se dire que, quand les Romains ont utilisé de plus en plus de mercenaires, ce fut le commencement de la fin de l’Empire …

PS: Les pays membres fondateurs de ce corps furent la France (Gendarmerie nationale), l’Espagne (Guardia Civil), le Portugal (Guarda Nacional Republicana), l’Italie (Carabinieri), les Pays-Bas (La Marechaussee royale – Koninklijke Marechaussee). La Roumanie a rejoint cette force d’intervention (Jandarmeria Romana). Sont partenaires: la Pologne (Gendarmerie militaire – Żandarmeria Wojskowa) et la Lituanie (Viesojo Saugumo Tarnyba). La Turquie a un statut d’observateur (Jandarma).

Bernard Gensane (introduction par Pierre Verhas) - (publié antérieurement sur uranopole.over-blog.com le) 26 décembre 2014