Suite à l’annonce de Céline Fremault, nouvelle Ministre bruxelloise de l’Environnement, de couper les subventions aux associations de 15 % de façon générale et jusqu’à 50 % pour certaines d’entre elles, ce sont pas moins de 22 associations environnementales actives à Bruxelles dans des secteurs très divers (qualité de l’air, alimentation, consommation d’énergie, gestion de l’eau, aménagement du territoire, protection de la nature en ville,...) qui se sont réunies pour publier une carte blanche dans La Libre Belgique et Brussel Deze Week ce mercredi 6 mai. Le même jour la Ministre était interpellée au Parlement bruxellois sur cette question.
Le secteur de l’environnement à sec
L’associatif environnemental n’échappe pas aux coupes budgétaires. Quitte à mettre à mal une stabilité difficilement acquise et à compliquer fameusement l’accès à l’éducation !
En ce printemps, de sombres nuages se sont amoncelés sur le secteur de l’environnement. Céline Fremault, nouvelle Ministre de l’Environnement, envisage de couper les subventions aux associations de 15 % de façon générale et jusqu’à 50 % pour certaines d’entre elles (c’est d’autant plus surprenant de la part d’une ministre CDH, parti qui traditionnellement soutient le milieu associatif). C’est tout un secteur vital dans une société confrontée à des enjeux environnementaux toujours plus criants qui se trouve ainsi brutalement fragilisé.
Certes on lui opposera le climat général d’austérité et la nécessité de contribuer à « l’effort de guerre »… mais de quelle guerre ? Jusqu’à nouvel ordre, la pression budgétaire sur le gouvernement bruxellois reste à démontrer tout comme la pertinence socio-économique de ces réductions dont les conséquences ne semblent pas évaluées.
À Bruxelles, les associations environnementales sont actives dans les secteurs de l’alimentation, la consommation d’énergie, la gestion de l’eau, l’aménagement du territoire, la protection de la nature en ville, la qualité de l’air, les déchets, le développement de potagers ou encore l’écologie sociale et urbaine… Elles jouent tout à la fois un rôle important d’information, de sensibilisation, d’éducation, de régulation, de relais et de pionnier pour faire de Bruxelles une ville porteuse d’un projet environnemental ambitieux et inventif au profit de tous ses habitants et usagers. Par leurs actions et leurs réflexions, elles contribuent à l’amélioration du cadre socio-économique de notre Région, à la création d’emplois qualifiés et diversifiés, qu’elles tentent de stabiliser tant bien que mal à l’aide des moyens restreints qui leur sont octroyés. En Belgique, plus d’un salarié sur dix travaille pour le secteur associatif qui représente une valeur ajoutée de près de 20 milliards d’euros, soit 5 % du PIB (Etude BNB, 2013).
Détricotage et incertitudes
La crise économique ne date pas d’aujourd’hui. Ceci n’avait pourtant pas empêché le précédent gouvernement bruxellois de faire appliquer une ordonnance permettant aux associations d’être agréées et par là d’obtenir un financement pluriannuel. L’agrément et les conventions pluriannuelles qui en découlent représentaient une avancée importante en matière de stabilité pour le secteur puisqu’ils assuraient un financement pour cinq années consécutives, moyennant des évaluations annuelles
positives.
Comme souvent en Belgique, les gouvernements passent et les dispositifs des uns trépassent quand les autres arrivent aux commandes. Non contente de faire sa place en réduisant d’emblée les subsides dans son secteur de compétence, la nouvelle Ministre de l’Environnement impose aux associations agréées une année de transition et fragilise une stabilité récemment acquise. Sans doute contestable en regard de la récente ordonnance, cette mesure replonge dans l’incertitude du régime des subsides annuels tout un secteur et les emplois qui y sont liés. Pour le moment, nos associations sont informées au compte-gouttes. Fin avril, un nombre important d’entre elles reste dans l’incertitude sur leur financement pour l’année en cours ! Comment mener à bien leurs missions alors que leurs travailleurs savent que des licenciements devront être mis en œuvre ? Pour des associations dont la part salariale dans les budgets tourne autour de 85 %, l’impact d’une diminution de 15 % voire plus, aura des conséquences directes sur l’activité et l’emploi ! Pour faire face aux diminutions budgétaires, certaines associations diminueront l’ampleur de leurs activités, d’autres seront contraintes d’augmenter le prix de leurs prestations (animations, formations, services…) : l’éducation à l’environnement sera-t-elle bientôt réservée à ceux qui peuvent payer ce qui n’est plus redistribué ? Vers une marchandisation de l’associatif ?
Par ailleurs, les associations agréées qui subissent une diminution de leurs subsides ont été invitées à déposer des projets pour des financements restreints et ponctuels dont l’acceptation reste incertaine. S’agirait-il de mettre à mal un travail environnemental cohérent, construit dans la durée ? De promouvoir le court terme et la visibilité au détriment de l’action pérenne, de la connaissance fine des terrains et de l’indépendance des associations ?
Loin d’agir chacune dans leur coin, les associations concernées se regroupent et se fédèrent ou agissent dans le cadre de plateformes de réflexion et d’action créant ainsi un tissu environnemental solidaire, diversifié et transversal. Quand le gouvernement renforce la tendance du subventionnement par projet et par appel d’offres, il exacerbe aussi la concurrence entre les associations et avec le secteur privé. Au moment où nombre d’observateurs s’inquiètent de la privatisation croissante, de la marchandisation des services, le monde associatif est de plus contraint à s’accommoder de la logique des marchés, quitte à y sacrifier ce qui ne serait pas « rentable ». Les nouveaux modes de financement participatifs (crowdfunding) sont également détournés par des politiques publiques pour mieux réduire leurs engagements vis-à-vis du réseau associatif bruxellois.
Dans un contexte de crise, plus que ses collègues, la Région bruxelloise parvient à maintenir l’équilibre de son budget. Pourquoi et pour qui faut-il alors sacrifier ce qui en fait une de ses richesses ? Pour maintenir ce qui contribue si fortement à la vitalité de notre territoire, nous appelons la Ministre à la transparence et au dialogue : nous lui demandons d’organiser une table ronde pour discuter conjointement des orientations de sa politique environnementale, du rôle de l’associatif, des réalités budgétaires… avant que ne soit prise toute décision.
Joëlle van den Berg (Réseau Idée) - Chloé Deligne (Inter-Environnement Bruxelles) - 6 mai 2015