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Le 11 septembre est décidément une date propice au totalitarisme ultralibéral. 1973, la dictature de Pinochet qui a fait du Chili le laboratoire de l’économie dite de l’offre, 2001, les attentats qui ont permis de déclencher un état de guerre permanent au Moyen Orient dans le plus grand intérêt du complexe militaro-industriel qui est un des principaux lobbies économique et financier dans le monde.

Sans doute, ce 11 septembre 2015 signifie pour l’anthropologue belge spécialiste de la finance et analyste indépendant, la fin de sa carrière académique. Paul Jorion est démuni de sa charge professorale à la VUB (l’Université Libre de Bruxelles du rôle linguistique flamand Vrij Universiteit Brussel) parce que son influence de plus en plus grande dans les médias, au niveau du public et même des milieux académiques, commençait à gêner les tenants de la pensée unique derrière lesquels se cachent les grands lobbies financiers.

En effet, selon l’hebdo financier Trends Tendance : « Paul Jorion a reçu son préavis voici quelques jours. "Trois reproches me sont faits, explique-t-il. Le premier est que je ne parle pas l'anglais correctement. J'ai vécu 23 ans en Angleterre et enseigné à l'université de Cambridge. On ne m'a jamais dit que mon anglais n'était pas correct. Le deuxième est que les étudiants qui travaillent sont laissés à l'abandon. Ils ont pourtant accès aux vidéos et aux résumés de mes cours. Le troisième, ce sont les plaintes incessantes des étudiants. Pourtant, sur trois années, je n'ai pas eu connaissance d'une plainte d'un étudiant."

A moins qu'il s'agisse de plaintes « suggérées », procédé typique de la police de la pensée...

Pour Paul Jorion ces motifs sont "fantaisistes" et la véritable cause est à chercher ailleurs. "On ne vous dit pas: on n'aime pas la manière dont vous parlez d'économie". Mais pour l'anthropologue et ancien trader belge, c'est bien de cela qu'il s'agit. »

Paul Jorion était titulaire de la chaire «Stewardship of Finance» à la VUB. Il fait partie du Haut comité pour l’avenir du secteur financier belge ainsi que du Groupe de réflexion sur l’économie positive dirigé par le Français Jacques Attali, selon son curriculum sur son site. Il a enseigné aux universités de Cambridge, Paris VIII et à l’Université de Californie à Irvine. Il a également été fonctionnaire des Nations-Unies (FAO), participant à des projets de développement en Afrique. Paul Jorion a travaillé de 1998 à 2007 dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il avait préalablement été trader sur le marché des futures dans une banque française et est l’auteur de nombreux ouvrages. Il est en outre chroniqueur au « Monde » et à « l’Echo ».

Il s’explique dans cette vidéo. Et les conséquences sont sérieuses pour lui : non seulement il est écarté sur le plan professionnel, mais ses moyens étant réduits, il ne pourra plus s’exprimer comme avant.

Paul Jorion n’enseignait l’économie non dans une faculté de science économique, mais à la faculté de droit de la VUB. Pour expliquer son licenciement, il se réfère à un article de Laura Raim dans le Monde diplomatique du mois de juillet 2015, intitulé : « Police de la pensée économique à l’Université ». Il n’hésite pas à dire que ce n’est plus de la science que l’on enseigne en la matière, mais on diffuse de la propagande sous le couvert de formules mathématiques dont on assomme les étudiants afin qu’ils ne puissent exercer leur esprit critique.

Pour Jorion, la véritable science économique est l’économie politique liée à l’histoire de l’économie et non cette économie mathématique réductrice et basée sur les dogmes du néolibéralisme, comme, par exemple, le « pouvoir autorégulateur » du marché mieux connu sous le nom de « main invisible » d’Adam Smith, ou encore la « rationalité » de l’individu face au marché, rejetant ainsi toute structure sociale.

Laura Raim qui parle surtout de la situation française, mais qui est similaire à celle d'autres pays européens dont la Belgique, dont, comme on vient de le voir, la Belgique, explique :

« Les représentations et préconisations des économistes exercent une forte influence sur les politiques publiques. Or, depuis une vingtaine d’années, les chercheurs hétérodoxes, c’est-à-dire tous ceux qui ne souscrivent pas à l’école néoclassique, soit à peu près un tiers des économistes français, sont exclus des positions-clés de la profession. S’ils parviennent encore à se faire recruter comme maîtres de conférences, le courant majoritaire leur verrouille l’accès au grade supérieur de professeur des universités. (…)

Comment en est-on arrivé là ? L’école néoclassique monte en puissance depuis l’avènement de l’économie moderne, à la fin du XIXe siècle, puis reflue dans les années 1930. L’approche de John Maynard Keynes, qui tire les leçons de la Grande Dépression en conférant à l’Etat un rôle central, s’impose alors comme nouvelle orthodoxie économique des politiques publiques. Lorsque le keynésianisme atteint à son tour ses limites face au contexte de stagflation (faible croissance et forte inflation), à la fin des années 1960, la théorie néoclassique revient en force avec les monétaristes et le courant des anticipations rationnelles.

Les hétérodoxes actuels émergent au même moment, en opposition à cette résurrection du paradigme néoclassique. Marxistes, postkeynésiens, régulationnistes et conventionnalistes ont en commun d’inscrire leur discipline dans le champ des sciences sociales et de porter une attention particulière aux aspects historiques, juridiques et politiques du fonctionnement de l’économie. Cherchant à décrire la société telle qu’elle existe vraiment, ils s’opposent à une représentation mécaniste et individualiste dans laquelle des agents mus par une rationalité instrumentale interagissent dans des multitudes de marchés.

Intégrant au fur et à mesure les critiques hétérodoxes, la théorie néoclassique se polit, admettant que l’information peut être asymétrique et la concurrence imparfaite... Reste que « les néoclassiques ne se sont pas imposés par la force ou la justesse de leurs idées, mais par des stratégies de colonisation institutionnelle », insiste Sophie Jallais, maîtresse de conférence à Paris-I. Dans la plupart des disciplines, pour être recrutés comme maîtres de conférences ou comme professeurs, les candidats doivent être « qualifiés » par le CNU, avant d’être sélectionnés par les « commissions de spécialistes » de chaque université. Mais, jusqu’à l’année dernière, la section d’économie dérogeait à ce principe pour le recrutement des professeurs, qui passait principalement par le concours d’agrégation du supérieur. (…)

La situation française reflète ce qui se passe ailleurs. Les universités anglo-saxonnes ne recrutent plus que des professeurs néoclassiques, susceptibles de publier dans les revues bien cotées. Au Royaume-Uni, par exemple, l’ancien bastion keynésien de Cambridge s’est progressivement vidé de tous ses professeurs hétérodoxes. « Le grand épistémologue et historien de la pensée économique Tony Lawson n’a plus le droit de donner des cours d’économie ; il est obligé de donner des cours d’économétrie et de mathématiques », raconte Dany Lang, maître de conférences à Paris-XIII. Après la crise, à l’université de Kingston, quelques postkeynésiens ont essayé de développer un master critique. Ils ont notamment recruté Steve Keen, qui s’était fait renvoyer de sa faculté en Australie alors qu’il était l’un des seuls à avoir anticipé la crise des subprime. Aux Etats-Unis, mis à part à la New School de New York, « l’hétérodoxie a été décimée partout. Il ne reste plus que des postkeynésiens isolés, éparpillés et trouvant souvent refuge dans les facultés de sciences sociales, les business schools ou dans les premiers cycles des petites universités publiques », constate l’économiste américain James Galbraith. (…)

Le retour en vogue de Keynes et de Karl Marx que l’on observe dans la presse et dans l’édition n’atteint pourtant pas le monde de la recherche, imperméable à toute remise en cause. Dans sa missive, Tirole s’enorgueillit des « centres d’excellence en économie qui ont émergé en France ces trois dernières décennies » et qui « forment aujourd’hui des économistes que les régulateurs, organismes internationaux et entreprises s’arrachent ». Le fait que ces « centres d’excellence » n’aient pas produit des économistes critiques, susceptibles d’alerter sur les dangers de la financiarisation, ne l’effleure manifestement pas. Droit dans ses bottes, il continue de mépriser souverainement les courants minoritaires, parlant d’eux comme d’un « ensemble hétéroclite en difficulté avec les normes d’évaluation internationalement reconnues », et les rappelle à l’ordre : « Chercher à se soustraire à ce jugement [des pairs] promeut le relativisme des connaissances, antichambre de l’obscurantisme. »

Donc nous nous trouvons en matière d’enseignement de l’économie devant

1) Un refus d’inscrire l’enseignement de l’économie dans le contexte des sciences sociales et de porter attention aux aspects historiques, juridiques et politiques du fonctionnement de l’économie.

Celle-ci devient une sorte de religion absolue se trouvant au-dessus des hommes et refusant la moindre objection, le moindre regard critique.

2) On assiste à une colonisation institutionnelle de l’université qui impose l’économie orthodoxe et rejette toute critique keynésienne et bien entendu, marxiste. Elle empêche ainsi aux économistes hétérodoxes de s’exprimer et encore plus d’enseigner.

C’est la police de la pensée au service du Big Brother ultralibéral qu’on a affublé du visage cireux d’Adam Smith.

Et il est de notre devoir de permettre à Paul Jorion de pouvoir continuer à diffuser ses idées et sa pensée comme avant.

Oui, nous sommes vraiment le 11 septembre.

Pierre Verhas - (publié atérieurement sur uranopole.over-blog.com le) 11 septembre 2015