Nous reproduisons ci-dessous l’article très documenté de Jérôme Henriques paru sur le site du « Grand Soir » le 9 septembre 2015. Par les nombreux chiffres, les nombreuses références qu’il nous fournit, il remet les montres à l’heure et démontre que la crise des réfugiés est dramatiquement accentuée d’un côté par les attitudes répressives des autorités et de l’autre par leur passivité. C’est un éclairage important.
La crise dite des réfugiés met en lumière pas mal de choses. Tout d’abord, à ceux qui ne cessent de crier que l’Europe est oppressante et envahissante, ils doivent bien constater que dans une tragédie humaine comme celle-ci, l’Europe n’existe pas !
La fameuse intégration européenne est une plaisanterie quand on voit les pays de ce qui fut la « Mitteleuropa » se replier sur eux-mêmes en refusant toute forme de solidarité à l’égard de l’afflux des réfugiés, solidarité impliquant le partage des tâches de sauvetage et d’hospitalité par une répartition la plus équitable possible. La Charte des droits fondamentaux qui figure au TFUE (le Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne) est un chiffon de papier depuis que Viktor Orban a modifié la constitution hongroise pour y implanter un régime autoritaire au caractère nettement fascisant.
Ensuite, l’opinion publique européenne ne sait plus où donner de la tête. D’un côté, la droite et l’extrême-droite infestent les médias et les réseaux sociaux du virus de la peur : ils crient à la fin de la civilisation, à l’invasion de milliers de terroristes qui vont mettre nos villes et nos villages à feu et à sang et, bien entendu, ils ajoutent un zeste de racisme en proclamant la fin de l’homme blanc et l’islamisation généralisée de la vieille Europe. De l’autre, les autorités officielles se montrent impuissantes, travaillent au jour le jour, ne prennent quasi aucune décision. Et les seules mesures prises sont inadéquates.
Des organismes indépendants tentent, parfois maladroitement, de ramener les choses à leur juste proportion en démontrant, chiffres à l’appui, qu’il ne s’agit pas d’une invasion, que c’est une guerre interminable en Syrie, en Irak et en Afghanistan qui est la cause de cet afflux de réfugiés en provenance du Moyen Orient. Les Africains qui traversent la Méditerranée fuient avant tout les guerres civiles qui ensanglantent l’Afrique centrale et aussi la misère la plus totale.
Et il y a aussi une polémique tout aussi odieuse qu’inutile : qui sont les migrants « économiques » et qui sont les réfugiés « politiques » ? Ne sont-ils pas l’un et l’autre ? Après tout, ceux qui fuient la guerre, fuient aussi la misère.
Cela dit, il ne faut pas se leurrer. Les classes moyennes européennes déjà ponctionnées par les violentes politiques d’austérité, voient d’un très mauvais œil cet afflux de réfugiés. Au moment où la seule croissance réelle est celle de la précarité, que de plus en plus de gens sont dans l’incapacité d’assurer l’essentiel pour vivre – encore aujourd’hui, le « Soir » nous apprend que 5 % des Belges n’arrivent pas à payer leur consommation d’eau –, les appels à la solidarité, s’ils touchent avant tout les « bobos associatifs » des grandes villes, restent lettre morte auprès de la population en général.
Or, c’est justement la solidarité qui sera le facteur pour en sortir. C’est la solidarité populaire qui pourra devenir la meilleure arme pour abattre les oppresseurs qui s’appellent entreprises transnationales et magnats de la finance qui voient en ces réfugiés la potentialité d’une main d’œuvre à bon marché taillable et corvéable à merci au détriment des travailleurs autochtones.
C’est justement dans ce piège-là qu’il ne faut pas tomber. L’unité des travailleurs d’où qu’ils viennent est essentielle, car elle a toujours été efficace.
Et puis, n’oublions pas ce précepte éthique essentiel : « Respecte l’étranger voyageur, aide-le, sa personne est sacrée ».
Pierre Verhas - (publié antérieurement sur uranopole.over-blog.com le) - 18 septembre 2015