Carte Blanche Le Vif-L'Express - 25 juillet 2017 - À l'heure où les sans-papiers invitent les citoyens à les rencontrer, force est de rappeler que, ces derniers mois, les mesures répressives à l'égard des personnes sans papiers se sont intensifiées et diversifiées, dans un climat de discours toujours plus alarmistes et criminalisants vis-à-vis des étrangers. LIRE LA SUITE
Cette répression va à l'encontre des valeurs fondamentales que notre société prétend incarner. Elle fonde la légitimité d'une gestion sécuritaire de la société dans son ensemble et érige des murs entre les citoyens.
Les sans-papiers - c'est-à-dire des personnes qui vivent sur le territoire belge sans s'en voir reconnaitre le droit - seraient aujourd'hui plus de 150 000 en Belgique, et leur nombre augmente au fil des refus de demandes d'asile et de séjour de la part de l'État belge. Des dizaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants, qui viennent pourtant de régions dévastées par les injustices et la violence. Ces personnes se retrouvent condamnées à la clandestinité, à l'invisibilité, au bout de la chaine des droits et de la citoyenneté.
Par "répression" à l'égard des sans-papiers, nous entendons toute mesure qui vise directement ou indirectement à empêcher ces personnes d'exercer leurs libertés les plus fondamentales et de vivre dans la dignité. Et ce, au nom de leur contravention aux conditions extrêmement strictes et largement arbitraires en vigueur en matière d'octroi de titres de séjour.
Les mesures de cet ordre, qui tendent à devenir monnaie courante sous cette législature, sont désormais mises en oeuvre chaque semaine. Il peut s'agir d'évacuations d'occupation collectives, qui jettent des personnes hors d'hébergements déjà très précaires dans la rue, du jour au lendemain, sans qu'aucune alternative ne leur soit proposée, sur base de motifs - réels ou factices - souvent disproportionnés par rapport au drame humanitaire causé. Il s'agit également d'arrestations administratives, de plus en plus fréquentes, hors respect des balises légales. Par exemple, lorsqu'elles impliquent la violation du domicile, lorsqu'elles se déroulent sur la base d'une convocation mensongère de la part de l'administration ou de motivations non conformes à la loi, lorsqu'elles constituent des rafles en raison de leur dimension collective et potentiellement ciblée, comme c'est le cas des contrôles de plus en plus réguliers opérés par les forces de police dans les transports en commun. Au sommet de cette triste liste, se situe l'instrument phare de la politique actuelle en matière de migrations, les centres fermés, dans lesquels le gouvernement Michel prévoit de détenir à nouveau des enfants - qui n'ont commis d'autre délit que celui d'être des enfants de personnes qui ne disposent pas de titre de séjour - et dont le Secrétaire d'État à l'asile et à la migration souhaite doubler la capacité.
Ces mesures sont appuyées par une cascade de lois télégraphiques, votées à la va-vite, qui s'en prennent aux étrangers au nom de présupposés abus, ou de prétendues violations de l'ordre public et de la sécurité nationale. C'est le cas de la réforme destinée à faciliter les évacuations ou l'infraction de domicile, de celle permettant d'accélérer le processus d'expulsion dans certaines conditions, de celle fragilisant l'accès à une aide juridique de qualité. Ou de l'introduction récente d'une amende pour entrée irrégulière sur le territoire, de l'augmentation de la redevance pour toute introduction d'une demande de séjour et du retrait du bénéfice automatique du titre de séjour pour les enfants dont un seul des deux parents est en séjour régulier. D'autres mesures encore, ne ciblant pas explicitement ni directement les personnes sans papiers, ont de graves répercussions sur ces dernières: c'est le cas de la loi qui impose de s'identifier au moyen d'un document d'identité valable lors de l'achat d'une carte de téléphone prépayée.
Ces évolutions rendent le quotidien des personnes sans papiers en Belgique invivable, en s'attaquant à la possibilité de voir leurs droits défendus en justice, de vivre en famille, ou simplement de se déplacer et de communiquer. Elles éloignent aussi la possibilité pour les personnes migrantes d'obtenir le droit de séjour et les condamnent à clandestinité. En d'autres mots, le politique déploie de plus en plus d'efforts et de moyens pour réprimer des situations qu'il a lui-même créées.
Nous ne pouvons laisser nos responsables politiques prendre ce virage extrêmement serré sans dire mot. De plus en plus de voix citoyennes sont prêtes à s'élever, comme celles de quarante chauffeurs de la STIB qui, récemment, écrivaient au gouvernement pour se désolidariser des contrôles massifs effectués par les forces de police à la sortie des bus, trams et métros bruxellois. Comme ces six passagers appelés à comparaitre devant le tribunal le 31 mai, pour s'être opposés à une expulsion violente dans un avion à destination du Cameroun. Ou encore ces policiers qui, le 21 mai, refusaient d'embarquer de force dans un avion le père de deux jeunes enfants, dont la détention en centre fermé avait été jugée illégale par trois décisions de justice. Sans compter tous ces citoyens qui, anonymement et solidairement, hébergent des personnes auxquelles l'État demande de disparaitre.
Nous ne pouvons qu'encourager vivement ces sursauts de démocratie, de résistance face aux atteintes aux droits des plus exclus, préfigurant un modèle de société plus inégalitaire encore, susceptible de balayer nos libertés à toutes et tous.
Bron: http://www.liguedh.be/espace-presse/138-communiques-de-presse-2017/2876-stop-a-la-chasse-aux-sans-papiers