Veuillez lire, Monsieur le Secrétaire d'Etat à l'Asile et à l'Immigration du gouvernement belge, une très vieille adresse destinée à vos lointains prédécesseurs qui fut publiée le 27 mai 1871 au journal l'Indépendance.
Théo Francken, le Secrétaire d'Etat belge à l'Asile et à l'Immigration pratiquant la plus dure politique d'accueil conformément à son idéologie.
Le gouvernement belge a tort de refuser l'asile.
La loi le lui permet ; le droit le lui défend.
Moi qui écris ces lignes, j'ai une maxime : Pro jure, contra legem.
L'asile est un vieux droit. C'est le droit sacré des malheureux.
Au moyen-âge, l'Eglise accordait l'asile même aux parricides.
Quant à moi, je déclare ceci :
Cet asile que le gouvernement belge refuse aux vaincus, je l'offre.
Où ? En Belgique.
Je fais à la Belgique cet honneur.
J'offre l'asile, place des Barricades, 4.
(...)
Si un homme est hors la loi, qu'il entre dans ma maison ; je défie qui que ce soit de l'en arracher
Si on vient prendre chez moi un fugitif (...), on me prendra. Si on le livre, je le suivrai. Je partagerai sa cellule. (...)
Le gouvernement belge sera contre moi ; mais le peuple belge sera avec moi.
Dans tous les cas, j'aurai ma conscience.
Ce texte est signé par Victor Hugo, exilé à l'époque en Belgique, qui défendait, bien qu'il n'approuvât pas leur engagement et leurs actes, les hommes de la Commune de Paris qui venaient se réfugier en notre pays pour échapper à la mort. Il a écrit en plus :
Le célèbre écrivain et poète Victor Hugo n'hésita pas à compromettre son exil en Belgique pour défendre l'accueil des communards traqués en France.
Qu'un vaincu de Paris, qu'un homme de la réunion dite Commune que Paris a fort peu élue et que, pour ma part, je n'ai jamais approuvée, qu'un de ces hommes, fût-il mon ennemi personnel, surtout s'il est mon ennemi personnel, frappe à ma porte, j'ouvre : il est dans ma maison, il est inviolable.
Trois jours après, le 30 mai 1871, le roi Léopold II signa un arrêté du ministre de la Justice – un certain Prosper Cornesse – ordonnant son expulsion du royaume.
Mais, en dépit de cela, et sous pression de l'opinion libérale, plusieurs communards purent séjourner et même prospérer en Belgique en toute sérénité.
Voilà donc, Monsieur Théo Francken, une leçon issue du passé où, en définitive, le peuple de ce pays a accueilli les proscrits de la Commune souvent dans des conditions très difficiles. Et ce que beaucoup ignorent, ces communards pour la plupart ouvriers et artisans contribuèrent à la prospérité du pays et à l'expansion de la classe ouvrière.
Le député socialiste Louis Bertrand écrivit à leur sujet dans son ouvrage sur l'histoire du socialisme en Belgique :
« Dans nos ateliers, les ouvriers avaient peur du patron et du contremaître ; si deux, ou trois causaient entre eux, le patron étant absent, aussitôt qu'ils arrivaient, ils couraient à leur établi, faisaient silence et n'osaient plus lever la tête. Les ouvriers parisiens étaient plus libres, plus indépendants ; dans des cas semblables, ils continuaient à causer et ne se gênaient nullement pour discuter avec le patron. Cette attitude des ouvriers français releva certainement la dignité des ouvriers belges et atténua, dans une certaine mesure, leur esprit de soumission, leur veulerie à l'égard de patrons. »
Aujourd'hui, nous accueillons les « migrants » d'Afrique et du Moyen-Orient. Monsieur Francken, vous oubliez qu'ils sont tous des êtres humains et que nous leur devons assistance même s'ils se considèrent en transit en Belgique.
N'oubliez cependant jamais que le respect de l'étranger voyageur et la dignité sont les meilleurs atouts d'un pays qui veut s'inscrire en ce qu'on appelle le concert des nations.
Pierre Verhas