Ce fut du grand art ! Nicolas Hulot, les larmes aux yeux, annonçant sa démission du gouvernement Macron – Philippe devant une Léa Salamé abasourdie, comme s'il l'avait décidée à ce moment. Faux ! Il l'affirme par après : il a pris sa décision la veille au soir. Mais, comme personne ne l'a remarqué, cela apparaît à tous comme spontané ! Chapeau l'artiste !
Nicolas Hulot annonçant sa démission du gouvernement Philippe sur France Inter. Du grand art médiatique !
Mais, une fois de plus, la fausse sincérité médiatique n'a rien à voir avec la réelle sincérité. Hulot n'est pas, comme il se présente et comme les médias le clament à longueur d'émission, un homme descendu de sa forêt pour défendre les grands enjeux environnementaux dans un gouvernement préoccupé uniquement de croissance économique et de déréglementation ultralibérale. Il a fait partie de ce gouvernement à part entière et il en connaissait parfaitement les règles, les enjeux et les rouages.
Nicolas Hulot a toujours été proche du pouvoir. Il a élaboré le « Pacte écologique » signé entre autres par Nicolas Sarkozy lors de la campagne des présidentielles de 2007. Il fut la cheville ouvrière du « Grenelle de l'environnement » initié par le même Sarkozy, avant de prendre ses distances. Plus tard, il fut nommé « envoyé spécial pour la protection de la planète » par François Hollande, pour préparer la COP 21, grand-messe internationale s'étant déroulée à Paris fin 2015 et qui a abouti comme d'habitude à une belle et unanime déclaration finale sans aucun effet concret, pour la plus grande gloire d'un Laurent Fabius en fin de carrière.
Laurent Fabius aux côtés de Ban Ki Moon, ex-secrétaire général de l'ONU et de François Hollande, ex-président de la République française après la déclaration finale de la COP 21 : le triomphe des ex !
Nicolas Hulot est aussi un homme d'affaire avisé. Il a mis sur pied la Fondation Ushuaïa consacrée à l'éducation à l'environnement en lien avec l'éducation nationale qui vend en plus des produits dérivés écolos dont il touche les royalties. Il est également le propriétaire d'une société Eole qui gère ses droits d'auteurs. La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique évalua en 2017 son patrimoine à plus de 7,2 millions d'Euros. Au sein du gouvernement Philippe, Hulot est le deuxième derrière Muriel Pénicaud, la ministre du Travail. L'ex-ministre de la Transition écologique est propriétaire de neuf véhicules à moteur, dont un bateau, un scooter électrique, une moto et six voitures, qui ne rentrent pas toutes dans la catégorie des véhicules propres. Bref, un parc de véhicules très écologique !
L'écologisme baba cool a fait son temps.
Cependant, la spectaculaire démission du ministre écologiste a d'autres conséquences. Outre qu'elle affaiblit encore plus la position d'un Macron emberlificoté dans les affaires Benalla et Kohler, ayant perdu sa crédibilité intérieure et internationale, battant largement le record d'impopularité de son prédécesseur, elle montre que l'écologisme baba cool a fait son temps.
La position de Hulot au sein du gouvernement devenait intenable. Il n'a quasi remporté aucun arbitrage sur des questions environnementales. Il s'est planté sur le glyphosate et fut tellement maladroit qu'il s'est mis les agriculteurs à dos, il n'a pu obtenir une renégociation du CETA, en matière énergétique, ce fut un bide. Le lobby nucléaire n'en a fait qu'une bouchée. Il est donc difficile de rester ministre dans ces conditions.
Cependant, sa spectaculaire démission a le mérite d'avoir déclenché une prise de conscience. Une phrase de sa déclaration prononcée au début de l'interview à France Inter est significative.
« La planète est en train de devenir une étuve, nos ressources naturelles s'épuisent, la biodiversité fond comme neige au soleil. Et on s'évertue à réanimer un modèle économique qui est la cause de tous ces désordres. »
Enfin, et c'est en cela que l'écologie bobo ou baba cool qui servait de bonne conscience à la classe moyenne supérieure ou, si vous préférez, les « bourges », est désormais par terre.
Il n'y a pas d'écologie sans lutte des classes.
Quand comprendra-t-on qu'il n'y a pas d'écologie sans lutte des classes ? Le capitalisme finit par montrer ses nuisances. On vit d'ailleurs dans une véritable schizophrénie : d'un côté, les médias défendent le modèle économique et culturel de l'ultralibéralisme, de l'autre, elles dénoncent les dangers mortels pour la planète !
Le réchauffement climatique en est un exemple probant. Et cet été caniculaire qui n'est sans doute pas uniquement causé par celui-ci, a lui aussi provoqué une prise de conscience : le climat a une influence majeure sur l'activité humaine, comme cela a d'ailleurs toujours été, mais cette fois-ci avec des conséquences dramatiques.
Ce n'est pas le fait de bûcherons fous.
Prenons un exemple : la déforestation massive au Brésil qui a une influence directe sur le climat n'est pas le fait de bûcherons fous. Elle a pour objet de créer des terres d'élevage de bovins et d'ovidés pour la production massive de viandes et de laines destinée à des entreprises transnationales comme Mc Donald et Benetton. En outre, ces élevages intensifs ont pour effet une augmentation importante du fameux effet de serre. Tout cela avec cette obsession de la croissance afin d'engranger un maximum de profit pour les actionnaires sous forme de dividendes.
La déforestation en Amazonie brésilienne est gigantesque.
Cette carte mon l'ampleur de la déforestation au Brésil et dans les pays limitrophes du côté andin.
En matière énergétique, on est dans la même schizophrénie. Ignore-t-on que le bilan énergétique de l'électricité éolienne est négatif ? Autrement dit que l'on consomme plus d'énergie que les éoliennes en produisent ? En ce qui concerne le photovoltaïque – les panneaux solaires – on ne prend pas conscience du fait que la fabrication de ces panneaux nécessite l'extraction de métaux rares qu'on ne trouve que dans certains gisements en Afrique où sont exploités des milliers d'esclaves. En plus – il ne faut pas être physicien pour cela – les panneaux solaires comme les éoliennes ne fonctionnent pas 24 heures sur 24 et ne produisent pas la totalité de l'énergie nécessaire à fournir l'électricité indispensable à alimenter les différentes activités humaines actuelles.
Les énergies alternatives dites vertes, essentiellement l'éolien et le solaire, procèdent en plus d'une économie faussée. Elles ne peuvent fonctionner que si elles sont subventionnées. Ce qui, soit dit en passant, est en contradiction avec la pensée antiétatique des ultralibéraux. Il s'agit donc d'un secteur où on investit énormément et qui s'avérera non rentable à moyen terme. L'éolien nécessite un entretien et des remplacements coûteux et le solaire s'use rapidement.
Eoliennes off shore au large de Zeebrugge (côte belge) : coûteuses, polluantes et... energivores.
Tout cela montre que les « énergies renouvelables » dites même « durables » sont un leurre entretenu par le capitalisme actuel avec la complicité de la propagande écologiste. Certes, certaines sources d'énergie dites « durables » peuvent être utilisées, mais elles ne sont pas la panacée. Il faut trouver d'autres solutions. Mais c'est impossible avec le lobbying capitaliste dénoncé par Hulot et qui paralyse toute décision politique en ce sens.
Ainsi, Nicolas Hulot a démontré sans doute involontairement que le capitalisme est incapable de répondre à l'urgence écologique, ou plutôt qu'il est la cause anthropique majeure de la catastrophe écologique.
On oublie aussi un aspect important : dès le premier « choc pétrolier » en 1973 – cela commence à dater – des dirigeants ont tiré la sonnette d'alarme. Ce fut le fameux « halte à la croissance » du club de Rome. Les recommandations qui figuraient dans son rapport sont restées lettres mortes. On ferait peut-être bien de les relire !
Le problème des ressources
Pourtant le problème des ressources et les questions environnementales sont vitales. Or, qu'a-t-on fait jusqu'à présent, sinon les marchandiser ? Meadows, dès 1972, attirait l'attention de l'opinion sur l'inadéquation entre la limitation des ressources naturelles et la recherche perpétuelle de la croissance économique. C'est la question essentielle : les matières premières coûtent de plus en plus cher parce qu'elles se raréfient. Les débats sur le pic pétrolier, les forages pour le gaz de schiste, les recherches pétrolières en zones extrêmes et en mer, témoignent de cette raréfaction des ressources.
Richard Meadows démontrant la nécessité vitale de stopper la croissance
Il y a en outre le gaspillage : ainsi, chaque année, un tiers des récoltes mondiales est détruit. C'est donc la répartition des richesses qui est ici en cause. Elle est essentielle dans le débat et – est-ce un hasard ? – on ne l'aborde que très peu, voire on la nie : les économistes libéraux se gaussent de la question de la répartition des ressources.
A cela, il faut évidemment ajouter la pollution qui devient catastrophique dans les fameux BRICS, notamment la Chine et l'Inde. Des millions de gens respirent et ingurgitent du poison. On remarquera en Europe les procès qui se multiplient concernant d'anciennes pratiques industrielles particulièrement nocives, comme l'amiante, par exemple.
En finir avec les « blocs » !
Des solutions existent. Elles impliquent un changement profond de nos procédés industriels, mais surtout une meilleure adéquation entre les besoins réels et les capacités productives. Elles impliquent un autre mode de vie moins individualiste, plus solidaire et le rétablissement de la notion de l'intérêt général. Elles impliquent un autre rapport à l'économie. Elles impliquent aussi d'autres relations entre les pays industrialisés et les pays non développés, et surtout entre les peuples : il faut en finir avec les « blocs » si on veut en sortir. Hulot l'avait compris en tentant de s'opposer au fameux traité de libre-échange Canada – Europe, le CETA.
L'ultralibéralisme a montré son dramatique échec, mais on est loin de l'avoir éliminé. Il s'agit d'un combat de longue haleine qui doit être le fruit d'une stratégie globale.
En finir avec le capitalisme !
Les écologistes, eux, ont montré la faiblesse de leur pensée et de leur action par trop réductrice et partant souvent de faux a priori. Hulot, spectaculairement, vient de le montrer ! C'est un combat global qui permettra aux hommes de retrouver le chemin du progrès. Et cela implique une chose essentielle : En finir avec le capitalisme.
Ce sera un combat dur et de très longue haleine. Mais – nous en reparlerons bientôt – le capitalisme si arrogant commence à montrer des signes d'essoufflement. Tout espoir n'est donc pas perdu.
Et de toute façon, tout cela a démontré une chose : l'écologie ne sera efficace que si elle s'inscrit dans le mouvement social. C'est cela le « nouveau monde » et non le leurre d'ultralibéraux comme Macron. En espérant que les dirigeants des partis et mouvements écologistes en prennent conscience. Cela dépend d'eux et de leur base qui semble avoir été quelque peu négligée.
Pierre Verhas
Source: http://uranopole.over-blog.com/2018/08/la-demission-de-nicolas-hulot-la-fin-des-ecolos-bobos.html