Dans le magnifique mouvement pour sauver le climat que nous connaissons en Belgique, une myriade de propositions et de sensibilités éclosent. Chacune essaie de capter l’attention des participant.e.s dans un échange d’idées, parfois constructif parfois antagoniste.
Il y a plusieurs domaines concernés par la lutte pour le climat : les principaux sont l’industrie, l’isolation, le transport, l’agriculture et la production d’électricité. Dans le domaine de la production d’électricité, il y a un large consensus pour condamner l’utilisation de charbon et de pétrole, les carburants fossiles les plus polluants. Le gaz naturel, d’origine fossile également, produit nettement moins de CO2 par kiloWattheure (kWh) produit et pourrait combler les lacunes laissées par le renouvelable actuel, dépendant du vent et de l’ensoleillement.
La droite pronucléaire a découvert récemment des vertus pro-climat aux réacteurs et essaie d’établir l’industrie électronucléaire comme un atout dans la lutte contre la catastrophe climatique. Qu’en est-il ? Nous présentons onze arguments :
1. Le nucléaire n’est ni pauvre en CO2 ni sans CO2.
Le nucléaire ne peut pas être considéré comme pauvre ou sans émissions de gaz à effet de serre. A l’heure actuelle, en prenant en compte le cycle de vie entier des matières fissiles, de la mine au déchet, le nucléaire émet par kWh entre 88 et 146 g de CO2, nettement plus que l’éolien (10 g), le photovoltaïque (32g) ou le géothermique (38 g). L’émission de CO2 est comparable à celui d’une centrale à gaz de type Turbine Gaz Vapeur (TGV). La pollution thermique des réacteurs à eau pressurisée n’est pas négligeable : seulement un tiers de l’énergie thermique du réacteur est transformé en électricité, les deux tiers restants sont éjectés dans l’atmosphère sous forme de vapeur d’eau et dans la rivière ou la mer voisine.
2. Le nucléaire occupe une place modeste par rapport à l’approvisionnement d’’énergie global.
Le nucléaire ne produit que 10% de l’électricité au niveau global, et moins que 5% de l’énergie totale. 85% de l’énergie produite mondialement provient du pétrole, du charbon et du gaz. Au niveau mondial, le nucléaire peut être abandonné en même temps que les fossiles. En Belgique, qui dépend aujourd’hui du nucléaire pour la moitié de son approvisionnement électrique, il faudra un plan pluriannuel pour sortir du nucléaire sans priver les ménages du droit au courant.
3. Le nucléaire contamine l’environnement et l’eau potable.
L’industrie électronucléaire génère 4 à 5 tonnes de déchets d’Uranium chaque année pour chaque kilo de matière fissile. Une fraction empoisonne la terre, l’air et l’eau potable. Les réacteurs produisent dans le monde 10.500 tonnes d’assemblages nucléaires usés par an, ainsi qu’une large gamme d’autres déchets et émissions radioactifs. Les réacteurs ont besoin d’énormes quantités d’eau pour leur système de refroidissement, jusqu’à 4.000 millions de litres d’eau par jour, réduisant la quantité d’eau potable et endommageant les écosystèmes aquatiques.
4. Le nucléaire ignore les droits humains et le droit à la terre.
Les mines d’Uranium actuelles se trouvent dans des zones habitées par des peuples indigènes, des peuples de couleur ou des populations à bas revenus. Les radiations est doublement nocive pour les femmes et les filles par rapport aux hommes. Elles sont très nocives pour les fœtus et les bébés, dont les soins incombent le plus souvent aux femmes.
La contamination radioactive va porter atteinte à l’environnement pendant des centaines de milliers d’années.
5. Le nucléaire bloque les énergies renouvelables.
Le nucléaire a besoin d’importants subsides directs et indirects. Il s’agit du financement, de recherche et développement, d’avantages fiscaux, de déplacement des responsabilités civiles, d’assurance par l’Etat, de reprise par le service public des déchets et de démontage : la liste n’est pas complète. Tout ceci détourne l’intervention de l’Etat du domaine où elle doit être utile : la recherche des sources d’énergie renouvelable.
6. Le nucléaire est dangereux.
Des catastrophes comme celle de Three Mile Island (1979), Tchernobyl (1989) et Fukushima (2011) peuvent porter atteinte ou même arrêter une économie nationale, créer de l’instabilité politique indésirée et faire dérailler des politiques d’énergie nécessaires à contrer la catastrophe climatique. En Belgique, la centrale de Doel, qui se trouve à 12 km de la Grand Place d’Anvers, dans une zone pétrochimique en soi dangereuse, fait planer une menace constante sur notre pays. Les réacteurs nucléaires de Doel 3 et Tihange 2, criblés de failles, doivent fermer immédiatement et définitivement.
7. Le nucléaire civil est indissociable du militaire.
Les réacteurs à eau pressurisée sont directement dérivés des moteurs des sous-marins nordaméricains, dérivés des bombes atomiques de Hiroshima et Nagasaki. Les usines de retraitements livrent des matières extraites des déchets des centrales civiles pour fabriquer des bombes. Les militaires sont utilisés pour cacher les problèmes du nucléaire sous le secret défense, et pour protéger les installations. Des bombes atomiques étatsunienne sont stationnées à Kleine-Brogel, sous les ordres du chef de l’Armée USA : le président Trump.
8. Le nucléaire coûte cher aux ménages.
La détention par deux firmes, ENGIE-Electrabel et pour 10% EDF-Luminus du parc nucléaire qui produit la moitié du courant permet de fixer le prix du courant sans tenir compte de la concurrence. Le prix de l’électricité vendu aux ménages est très élevé, alors que la grande industrie profite d’un tarif bas, pour empêcher les concurrents à entrer sur le marché. Le libre marché ne fonctionne pas en pratique.
9. Le nucléaire menace nos droits démocratiques.
ENGIE-Electrabel détient un tel pouvoir financier et électrique que la firme peut ignorer les lois votées au Parlement, ou même faire voter les lois qui lui conviennent. Ainsi, la loi de 2003 prévoit la sortie du nucléaire en mettant à l’arrêt les réacteurs après 40 années d’exploitation. Les trois réacteurs concernés ont été prolongés de dix ans ! Une loi spéciale a été votée pour faire porter le risque nucléaire par l’Etat (Convention de Paris 1960, loi Belge 1964-85). L’Agence Fédérale de Contrôle Nucléaire n’est pas en mesure d’effectuer les contrôles nécessaires. Une chaîne humaine de 50.000 personnes entre Tihange et Aix (juin 2017), une pétition de 500.000 signatures (juillet 2018) sont restées sans effet sur nos autorités à ce jour.
10. Le nucléaire est mauvais pour la santé.
Chacune des différentes étapes nécessaires à la production d’électricité nucléaire, chaque pas de son cycle de vie, peut porter atteinte à la santé humaine et animale à long terme. Il s’agit principalement de cancers telles que le cancer de la thyroïde ou la leucémie, mais aussi d’autres maladies et de problèmes génétiques comme les déformations congénitales, et cela même à des doses minimes pendant des longues expositions.
11. Le nucléaire est trop lent.
La construction de nouveaux réacteurs, moins dangereux que les modèles actuels, est beaucoup trop lente pour permettre de faire face au défi climatique, alors que les réacteurs existants doivent fermer leurs portes en 2025. Le réacteur EPR de Flamanville, dont la mise en service était prévue en 2011pour 2.5 milliards serait maintenant livré en 2020 au prix de 11 milliards d’Euros.
Conclusion : les solutions à la catastrophe climatique sont faciles à trouver
… et difficiles à appliquer.
Une solution rapide et socialement juste au défi climatique doit sortir la production du courant du fossile ET du fissile, du nucléaire. Il faut établir un réseau intelligent qui permet d’additionner les douze sources d’énergie renouvelable, le vent, la mer, les rayons solaires, la chaleur de la terre, le courant des rivières pour qu’elles comblent mutuellement leurs lacunes, doté de moyens d’accumulation du courant. Il faut diminuer l’utilisation du courant en éliminant les utilisation inutiles et même nuisibles et en augmentant l’efficacité de l’électricité dans toutes ses applications. Nous appelons cela les négawatts, les environ 30 % de l’utilisation du courant qui sont superflus en Belgique aujourd’hui.
Tout cela doit faire partie d’un plan publique d’équipement électrique, qui devra s’étaler sur 5 ans et coûter des dizaines de milliards d’Euros. Un tel plan est trop important pour être confié au Conseil d’Administration d’ENGIE à Paris, qui refuse depuis 2003 à le mettre en œuvre pour pouvoir faire face à la sortie du nucléaire décidée alors par le Parlement. Ce sont les citoyen.ne.s qui doivent déterminer leurs besoins et contrôler les moyens à mettre en œuvre pour y arriver. En attendant il faut fermer immédiatement et définitivement les réacteurs les plus dangereux : Doel 3 et Tihange 2.
Nucléaire Stop Kernenergie
22/02/2019