La Plateforme Justice pour tous rassemble une vingtaine d’acteurs du monde associatif et judiciaire. En vue des élections de mai 2019 et dans le cadre de la campagne des 66 jours pour sauver la Justice2, elle tire la sonnette d’alarme. L’accès à la justice est plus que jamais en danger.
La plateforme a écrit aux différents partis belges. L’objectif était double : exprimer ses inquiétudes et revendications et découvrir les positionnements des partis quant au droit fondamental d’accéder à la Justice.
La plateforme a identifié trois types d’obstacles à l’accès à la Justice : les barrages financiers (TVA sur les prestations des acteurs de justice et augmentation des droits de rôle), les barrages matériels et temporels (diminution des lieux de Justice et arriéré judiciaire), et barrages linguistiques et sociaux (complexité du langage utilisé).
Qu’en disent les partis ?
CD&V, CDH, DEFI, Ecolo-Groen, MR, N-VA, Open VLD, PTB-PVDA, PP, PS et SPA ont répondu à notre courrier. Tous affirment l’importance d’une Justice accessible au plus grand nombre comme condition sine qua non de la démocratie. La plupart reconnaissent que les barrages identifiés par la Plateforme sont de réels obstacles.
Les réponses sont disponibles dans leur intégralité en ligne : https://pjpt-prvi.be/fr. La Plateforme a notamment relevé les prises de position suivantes :
Le PP nous a renvoyé vers son programme en ligne : il y insiste sur l’accessibilité, la fermeté et l’efficacité de la justice, mais aucune réelle proposition n’est formulée pour rendre effectif le droit d’accéder à un juge.
Le PS défend une mutualisation de la justice et, s’inspirant du modèle québécois, souhaite mettre en place des maisons de justice mêlant travailleurs sociaux et avocats indépendants salariés de l’Etat, afin de pouvoir appréhender les problématiques des citoyens dans leur globalité. Il insiste sur la nécessité d’alléger les conditions d’accès à la Justice, de garantir un accès gratuit et fiable aux sources de droit et de « conscientiser » les citoyens à leurs droits.
Le SPA insiste pour augmenter le budget global de la Justice. En outre, il propose de revoir le système actuel d’aide juridique en instaurant une troisième catégorie de services partiellement gratuits et un système de financement en enveloppe ouverte. Il suggère également de mettre fin au monopole de défense des avocats en permettant aux associations de représenter leurs membres.
La N-VA justifie l’augmentation des frais de justice alignés sur le coût réel des procédures. Elle souhaite attendre l’évaluation de la réforme de 2016 sur l’aide juridique mais insiste sur la nécessité de renforcer la lutte contre les fraudeurs en assurant un examen approfondi de l’ensemble des ressources du demandeur d’aide. Elle souhaite également revoir le système Pro Deo en augmentant la rémunération des avocats qui soutiennent les règlements à l’amiable.
Le CD&V s’inscrit dans la droite ligne des réformes menées par l’actuel ministre de la Justice Koen Geens et défend son projet The Court of the future afin d’assurer une justice proche, accessible et ponctuelle. Il prône également un ajustement des seuils d’accès à l’aide juridique et une évaluation du fonctionnement des tribunaux de la famille.
Le MR propose d’augmenter le budget de l’aide juridique et, tout comme le PS et Ecolo, propose de revoir les seuils d’accès à cette aide à la hausse. Avec la NV-A et le CD&V, il soutient l’octroi d’incitants fiscaux pour la souscription à des assurances juridiques étendues. Il souhaite également rénover les tribunaux, recruter davantage de magistrats et d’assistants juridiques et aller vers une mise en œuvre de la loi sur la gestion autonome de l’ordre judiciaire.
Ecolo-Groen défend également une autonomie de gestion pour la justice et une revalorisation du monde judiciaire, tant en termes de moyens humains que financiers. Il encourage par ailleurs les formes alternatives de résolution des conflits et souhaite améliorer l’aide juridique de première et deuxième ligne.
L’Open VLD prône une proximité de la Justice avec le citoyen par le développement des nouvelles technologies. Il n’est pas opposé à l’augmentation des seuils d’accès à l’aide juridique mais insiste sur la nécessité d’en apprécier la faisabilité et de limiter les risques de surconsommation de la Justice. L’Open-VLD rejoint la NV-A sur la nécessaire augmentation des droits de rôle.
DEFI fait seize propositions concrètes en matière d’accès à la Justice, notamment : augmenter les plafonds d’accès à l’aide juridique ; rémunérer trimestriellement les prestations d’aide juridique des avocats dans le cadre d’une enveloppe ouverte ; ouvrir l’aide juridique aux personnes morales indigentes ; inciter les assurances « protection juridique » moyennant réduction d’impôt ; et diminuer les droits de rôle.
Le PVDA-PTB souhaite s’attaquer à la justice de classe. Parmi ses propositions se trouvent la réduction des frais de justice, l’extension de l’aide juridique et la suppression de la TVA sur les services d’avocats. Il prône également un refinancement de la Justice et un renforcement des droits de la défense. Il souhaite aussi s’attaquer au système pénal en supprimant la loi sur la transaction pénale, en renforçant la poursuite des infractions financières graves et en prônant les sanctions réparatrices et éducatives.
Le CDH s’engage aussi pour la réévaluation des plafonds d’accès à la Justice. Il plaide pour une simplification administrative de l’aide juridique. Il défend une réduction d’impôt sur les primes payées pour les titulaires d’une assurance juridique étendue, ainsi qu’un refinancement massif, à hauteur de 500 millions d’euros, en vue de contrer l’arriéré judiciaire et de remédier au manque de personnel judiciaire.
Malgré leurs positions divergentes, bon nombre des partis s’accordent sur l’importance d’assurer une justice de proximité, une clarification et une simplification dans le langage juridique utilisé, ainsi qu’une plus grande informatisation de l’institution judiciaire belge.
Il est frappant d’obtenir un consensus de la part des partis sur la réalité des barrages pointés par la Plateforme, sans, toutefois, qu’ils se soient attelés à les lever au cours des dernières législatures.
Les Nations Unies ont visé, comme objectif de développement durable d’ici à 2030, le fait de « donner à toutes et tous accès à la justice dans des conditions d’égalité »4. La Plateforme Justice pour tous en appelle aux électeurs, et aux partis, pour qu’ils fassent de l’accès à la Justice une priorité. Il y a urgence.
La Plateforme Justice pour Tous
Associations membres : Association de Défense des Allocataires Sociaux, Association pour le Droit des Etrangers, Association Syndicale des Magistrats, Atelier des Droits Sociaux, Caritas International, Centre d’Action Laïque, CIRE, Collectif Solidarité Contre l’Exclusion, DEI-Belgique, Espace Social Télé Service, Jesuit Refugee Service, Ligue des Droits Humains, Linksecologisch forum, Netwerk Tegen Armoede, Progress lawyers Network, Réseau de Lutte contre la Pauvreté Belge, Forum Bruxellois de lutte contre la pauvreté, Réseau Wallon Lutte contre la Pauvreté, Samenlevingsopbouw, Service Droits des Jeunes, Syndicat des Avocats pour la Démocratie, Vrouwenraad