Cette semaine, des dizaines de millions de citoyens européens seront invités à voter pour renouveler les 751 députés du Parlement européen. L’élection au suffrage universel de cette assemblée obtenue en 1979, plus de vingt ans après la fondation de la Communauté économique européenne, fut une bonne chose. Elle impliqua les citoyens dans la problématique européenne.
Cependant, comme les autres institutions européennes, le Parlement est une institution hybride. Il dispose de peu de pouvoirs qui ne peuvent en rien se comparer avec ceux des Parlements nationaux. Aussi, le taux d’abstention au scrutin européen est très élevé, car les électeurs ignorent les enjeux.
Pourtant, ils sont importants. En définitive, c’est le résultat des élections européennes qui sera déterminant pour nommer la Commission européenne. D’autre part, l’Assemblée européenne est à même de refuser ou d’amender des directives émanant de ladite Commission. Cela s’est fait dans des domaines fondamentaux comme l’environnement, la politique sociale, la politique économique. Cependant, ces pouvoirs restent insuffisants pour que le Parlement infléchisse, ou même ait une influence sur la politique de l’exécutif européen.
Le Parlement européen à Strasbourg, le long du Rhin : le symbole d'une unité inachevée
Et puis dans quelle Europe nous trouvons-nous ? Sur le plan de sa structure, les adversaires de l’idée européenne dénoncent son « fédéralisme » et les « souverainistes » prônent « l’Europe des nations ». L’écrivain Michel Gheude dit justement : « L’Europe des nations ? Mais, on y est ! »
En effet, la structure décisionnelle de l’Europe est avant tout intergouvernementale. L’exécutif européen est hybride : il y a le Conseil et la Commission. Le Conseil est composé des chefs d’Etat et de gouvernement des 27 Etats-membres de l’Union européenne. La Commission est composée de 27 commissaires nommés par leur gouvernement respectif. L’organe principal de décision est le Conseil qui se réunit en Sommet tous les six mois, ou plus s’il l’estime nécessaire. Le Conseil a un président nommé par lui – à l’heure actuelle, il s’agit du Polonais Donald Tusk – et chaque Etat-membre préside le Conseil tour à tour pour une période de six mois. Pour le moment, il s’agit de l’Autriche. Le Parlement européen nomme le prédisent de la Commission, ce qui est un pouvoir très important qui fait l'objet de transactions politiciennes qui n'ont pas grand chose à voir avec la détermination d'une politique européenne. La Commission, quant à elle, exécute les décisions du Conseil en édictant des directives qui sont soumises au Parlement européen. Elle est aussi la « gardienne des traités ». Autrement dit, elle a un rôle de gendarme, notamment en matière de concurrence.
L’initiative revenant au Conseil, la politique européenne est déterminée par des négociations entre les 27 Chefs d’Etat et de ministres. Et c’est évidemment le pays le plus puissant, en l’occurrence l’Allemagne, qui mène la danse. Et tout est bloqué à cause de la règle de l’unanimité. Toute décision dans les domaines les plus importants doit être prise à l’unanimité des membres. C’est la raison pour laquelle les sommets consistent en d’interminables négociations qui s’achèvent à l’aurore du jour suivant. Et le vainqueur est celui qui a la plus grande capacité de chantage. Et, dans la plupart des cas, c’est l’Allemagne. Il faut relire le livre de Varoufakis quand il décrit les palabres autour de la crise grecque de 2015 où Berlin l’emporta haut la main sur les autres Etats membres, notamment la France.
Yanis Varoufakis, ex-ministre des finances grec en 2015, fondateur du mouvement DIEM 25, avait vu juste.
Régis Debray a publié récemment un petit ouvrage intitulé « L’Europe fantôme » qui inaugure la collection tracts chez Gallimard. Dans une interview à l’Obs du 16 mai 2019 où il précise ses idées, il n’y va pas par quatre chemins : « Cette Europe-là n’est pas réformable. Les traités ne peuvent être modifiés qu’à l’unanimité des 27, donc ils ne le seront jamais. Et l’ordolibéralisme allemand donnant le « la » à l’ensemble. »
Autrement dit, dans l’état actuel des choses, l’élaboration d’une Europe réellement européenne au-delà des Etats nations qui la composent est impossible. Et on peut se demander si, dès le départ, ce ne fut pas une escroquerie.
Tout d’abord, les personnages qui ont été les « pères fondateurs » de l’Union européenne sont loin d’être clairs. Robert Schuman, un catholique de droite – cela a son importance – fut ministre du premier gouvernement Pétain en 1940. Jean Monnet, homme d’affaires avant tout, était totalement aligné sur les Américains. Le « socialiste » belge Paul-Henri Spaak, après avoir fait un bout de chemin avec le germanophile Henri De Man avant-guerre, est devenu un Atlantiste convaincu.
Mendès-France avait tout prévu !
Le socialiste français Pierre Mendès France fut le premier à dénoncer le piège du Traité fondateur de l’Union européenne – qui s’appelait Communauté européenne au départ – le Traité de Rome de1957. Voici ce qu’il en disait :
Pierre Mendès-France un des hommes politiques les plus lucides de l'immédiate après-guerre
« Le projet de marché commun tel qu’il nous est présenté est basé sur le libéralisme classique du XXème siècle selon lequel la concurrence pure et simple règle tous les problèmes. L’abdication d’une démocratie peut prendre deux formes, soit elle recourt à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit à la délégation de ses pouvoirs à une autorité extérieure, laquelle au nom de la technique exercera en réalité la puissance politique, car au nom d’une saine économie on en vient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement une politique au sens le plus large du mot, nationale et internationale. »
Mendès avait tout prévu ! La puissance politique est entre les mains de l’exécutif européen qui décide sur les budgets des Etats-membres de la zone Euro. La politique économique et sociale est soumise à l’approbation des instances européennes. Les gouvernements et les parlements nationaux sont donc devenus des coquilles vides, car toute la politique sociale et économique doit être conforme aux diktats européens.
Cependant, Mendès France n’avait pas pu deviner la montée en puissance de l’Allemagne. À son époque, en effet, ce pays était divisé par le Rideau de fer, mais si son poids politique était assez faible, grâce au plan Marschall, il développa une économie performante et une industrie moderne essentiellement exportatrice, tout en pratiquant une politique monétaire forte. C’était le début de l’ordolibéralisme qui peu à peu étendit sa domination sur toute l’Europe.
Et nous étions loin d’une Europe politique d’union entre les peuples. L’économie était la priorité absolue et le dogme de la concurrence, la base idéologique de la Communauté économique européenne.
Par après, la CEE s’est élargie. Ce fut en 1973 le Royaume Uni, l’Irlande et le Danemark. Ensuite, après la chute des dictatures fascistes dans les années 1970, l’Espagne, le Portugal et plus tard, la Grèce. Les pays scandinaves sont venus par après : Suède et Finlande. Et enfin, dans les années 1990, après la fin de l’URSS et la réunification allemande, les pays dits de l’Est, Pologne, Hongrie, Tchéquie, Slovaquie et puis la Roumanie et la Bulgarie.
Quel maintien de la paix ? La pax americana ?
Un des objectifs fondamentaux de l’Union européenne était le maintien de la paix sur le continent européen. Ce fut le cas sous la « protection » de l’OTAN, mais l’Europe n’a pas pu empêcher la guerre en ex-Yougoslavie. Les principaux pays de l’Union européenne, au lieu d’afficher une neutralité qui aurait pu imposer une paix juste et durable, ont pris parti. L’Allemagne a poussé à la reconnaissance de la Croatie et de la Slovénie qui avaient proclamé leur indépendance. Ce fut ensuite une guerre atroce avec les terribles « épurations ethniques » de part et d’autre. Les armées des pays européens engagés sous la bannière de l’ONU et plus tard de l’OTAN n’ont rien pu faire. Le conflit yougoslave fut le premier grand échec de l’Europe. Et sous la pression des Etatsuniens, l’Europe n’a pas eu le courage de prendre une position sur un conflit se déroulant sur son territoire.
L'Union européenne a été incapable d'empêcher les atroces épurations ethniques en "ex-Yougoslavie".
Aussi, il est plus que temps – surtout depuis les velléités bellicistes de Trump et du complexe militaro-industriel US – d’œuvrer pour une réelle indépendance de l’Europe aussi bien sur le plan économique que militaire.
L’échec suivant sera économique et monétaire.
Avec le Traité de Maastricht de 1992 qui instaure la « monnaie unique », l’Union européenne a clairement défini et élargi son objectif qui était déjà inscrit dans le Traité de Rome de 1957 : consolider un nouvel ordre capitaliste et monétaire.
Comme l’écrit le libéral Bruno Colmant dans son ouvrage « L’Euro : une utopie trahie ? », Renaissance du Livre, Bruxelles, 2017 : « Le nouvel ordre capitaliste (…) individualise les aléas de la vie et limite la protection collective. » En clair, un ordre néolibéral fondamentalement contraire aux principes et acquis de la civilisation européenne. De même, le Traité de Maastricht interdit la solidarité entre les Etats membres en matière monétaire.
L’Euro n’est pas une vraie monnaie.
La définition de la monnaie par Colmant a le mérite d’être claire : « La monnaie est un concept insaisissable. C’est à la fois un flux, créé par le multiplicateur bancaire, c’est-à-dire la séquence des dépôts et emprunts, et un stock créé par les banques centrales. » Et il ajoute : « Elle possède un rôle transactionnel puisqu’elle permet de remplacer le troc des biens et des services par une marchandise intermédiaire (…) la monnaie elle-même. » Enfin, « c’est un étalon de mesure des échanges et une unité de compte. »
La monnaie est créée essentiellement par les banques commerciales. Les banques centrales fixent les taux d’intérêt qui servent d’indicateur aux banques commerciales pour se refinancer elles-mêmes. Les banques centrales sont des prêteurs en dernier ressort. Elles créent donc de la monnaie mais uniquement à titre supplétif.
La monnaie créée par les banques commerciales qui servent donc de prêteurs à des autres agents économiques – entreprises, par exemple – par l’octroi de dépôts. L’entreprise utilisera les crédits en question pour des transactions qui iront dans d’autres banques qui créeront de la monnaie pour d’autres emprunteurs, etc. Ce système peut fonctionner et être sûr si les banques ne soient pas trop importantes pour pouvoir être sauvées tout en l’étant suffisamment parce qu’elles constituent le « mur mitoyen entre la monnaie et les Etats qui sont garants de la monnaie. » L’Etat a donc le droit régalien de battre monnaie, ce qui fait dire à Colmant : « Qu’elles soient nationalisées ou pas, les banques et les Etats représentent l’avers et le revers de la monnaie. »
Tout cela est très joli. Mais, à partir du moment où il n’y a plus de contrôle de la puissance publique, ou plutôt lorsque l’Etat se dérobe pour le « laisser faire, laisser aller » libéral, ou encore quand on prend comme nouveau dogme « la fin de l’histoire » du philosophe new-yorkais Fukuyama ou, comme l’écrit le journaliste libéral français François Lenglet dans un livre décapant intitulé « Tout va basculer ! » (Albin Michel, 2019) : « Pour justifier un tel engouement, les économistes ont inventé un nouveau concept : la « nouvelle économie ». Qui n’obéit plus, disent-ils, aux lois traditionnelles. Il n’y aura plus de cycles, donc plus de récession. En clair, c’est l’ascension perpétuelle, croit-on, qui garantit la prospérité sans limite. »
Notez que ces « analystes » et autres « responsables » ne cessent de fustiger les progressistes de gauche sur leurs « utopies » ! De plus, comme l’explique Lenglet, cette euphorie tout à fait irrationnelle rappelle à s’y méprendre la crise des années 1920. Un proverbe dit : Jupiter rend fou ceux qu’il veut perdre ! On pourrait parodier en affirmant : le dieu argent rend fou ceux qu’il veut ruiner !
L’Union européenne n’a pas réussi à surmonter la crise financière.
Eclate alors la crise de 2008 due principalement à la fameuse combine des « subprimes » qui consistait à consentir des prêts hypothécaires à des gens insolvables pour qu’ils puissent acquérir un logement. Il est arrivé ce qu’il devait arriver : les prêteurs insolvables ont soit été expulsés de leurs logements – ce qui était l’objectif des prêteurs pour poursuivre l’opération – soit, ont tenté eux-mêmes de revendre le bien qu’ils ne pouvaient plus payer. Cela a provoqué un effondrement du marché immobilier qui a entraîné la ruine des prêteurs ! Et ce fut le jeu de dominos que l’on sait avec l’effondrement de Lehman-Brothers, une des plus anciennes banques américaines.
L'Euro brille d'un très terne éclat devant la Banque centrale européenne.
On a vu que la crise de 2008 dont on subit encore les conséquences en Europe est en grande partie due à la taille trop importante des banques qui, en plus, n’ont plus séparées leurs activités commerciales de leurs spéculations financières. Les deux principales recommandations de l’après 2008 – diminuer la taille des banques et séparer leurs activités de dépôt et financières – sont restées lettre morte, ce qui fait prévoir par de nombreux économistes une nouvelle crise financière encore plus grave dans un proche avenir.
Revenons à l’Europe. Celle-ci a subi la crise financière de plein fouet, parce qu’elle était bien trop exposée, sas banques s’étant laissé piéger par les produits financiers toxiques US. L’Euro ne pouvait pas dans sa conception être une monnaie de protection. Aujourd’hui, l’Union européenne ne s’est toujours pas redressée, sans oublier la crise des dettes souveraines qui est venue s’ajouter.
On balaie la diversité de l’Europe.
Les contraintes imposées aux Etats-membres par les traités ne font pas de l’Euro une vraie monnaie dans le sens où Colmant la définit. La première critique de l’Euro provient du père de l’école de Chicago, Milton Friedman, qui a dit qu’une monnaie ne peut exister que si elle est sous l’autorité d’un Etat. Ce n’est évidemment pas le cas de l’Euro. La « monnaie unique » européenne est donc sous l’entier contrôle des banques et la BCE n’est pas une véritable banque centrale. Elle est une autorité privée qui fixe les taux d’intérêts et prend les mesures contre l’inflation. Ainsi, on l’a vu : lors de la crise grecque, Michel Rocard et Pierre Larrouturou ont dénoncé la manœuvre de la BCE : le traité de Maastricht interdisant aux Etats membres d’emprunter à la BCE, celle-ci prête aux banques privées à un taux ridiculement bas qui à leur tour prêtent aux Etats à des taux quasi usuraires !
Comme l’a écrit Stiglitz : « La zone Euro était viciée dès sa naissance. » Il y a deux grandes fautes qui ont présidé à la conception du système Euro. Il a divisé l’Europe du Nord et l’Europe du Sud, le fameux « Club Med ». L’Allemagne a voulu absolument imposer son système économique et monétaire par sa peur panique de l’inflation et son obsession d’une monnaie forte. C’était snas tenir compte des diversités aussi bien culturelles qu’économiques qui font la vraie richesse de l’Europe. La seconde erreur est l’interdiction de solidarité entre Etats membres afin d’imposer l’ordolibéralisme par la force avec les fameux critères de Maastricht sur les déficits et la dette, sans compter la contrainte purement antidémocratique du fameux traité budgétaire qui ôtent aux Parlements nationaux le pouvoir de voter les budgets comme ils l’entendent.
Et la situation ne s’améliore guère. Dans une interview à la Libre Belgique du 18 mai 2019, l’économiste libéral Geert Noels constate au sujet de la division de l’Europe : « Que la France n’a rien à envier à l’Italie, dont tout le monde parle pour le moment comme l’un des plus grands dangers de l’Europe « financière ». La France est, selon moi, le vrai problème de l’Europe. L’endettement public, le taux de croissance, la taille des banques de la France sont inquiétants. » Rappelons-nous : c’est exactement ce que Yanis Varoufakis disait il y a quatre ans. La crise grecque fut en grande partie due au risque de faillite des banques françaises et allemandes qui avaient imprudemment acheté des titres de la dette grecque. L’ex-ministre des Finances hellène estimait que le prochain pays victime d’une crise financière majeure serait la France. Cela expliquerait les mesures drastiques prises par Macron qui sont à la base de la révolte des gilets jaunes. Mesures dont on connaît les nuisances et l’inefficacité !
L’Euro n’est pas viable à long terme.
Geert Noels n’est guère optimiste : « Un scénario à la japonaise (…) pointe à l’horizon, sans que l’on sache véritablement comment nettoyer ces dettes, notamment parce que certaines institutions en Europe sont intouchables, comme certaines grandes banques, certains pays lourdement endettés et même la position de l’Euro. » Il ajoute que si on dévaluait l’Euro de 20 à 25 %, l’Italie serait un des moteurs de l’Europe. Cependant, la soi-disant unité imposée par l’Allemagne à l’Euro empêche pareil scénario. Et Noels plaide pour une réforme fondamentale de l’Euro. « Je ne crois pas que l’Euro soit une construction viable sur le long terme. Parce que pour avoir un noyau stable et, autour, de la flexibilité. » L’économiste rappelle qu’on a eu un système pareil avant l’Euro avec l’Ecu qui était composé d’un panier de valeurs. Cela a été bénéfique pour des pays comme la Belgique dans les années 1980 où elle subissait de plein fouet la crise de la sidérurgie et des difficultés budgétaires importantes. Geert Noels souhaite qu’on remette sur pied un mécanisme similaire.
Mais il y a très peu de chance que cela se fasse dans un bref délai.
Alors, que conclure en cette question complexe mais vitale de l’Union européenne ?
L’UE est basée sur trois principes : la liberté de circulation des capitaux, des biens et des services et des êtres humains.
Le capitalisme absolu
En ce qui concerne celle des capitaux, elle se fait sans aucun contrôle. Elle encourage donc la fraude fiscale, car il n’y a pas d’harmonie fiscale ou très peu au sein de l’Union européenne. Ainsi, la Belgique est un paradis fiscal pour les détenteurs de capitaux français. Plusieurs paradis fiscaux non membres de l’Union européenne sont accessibles sans aucun contrôle, tels Monaco, le Lichtenstein, San Marin, etc. Et bien sûr, il ne faut pas oublier le Grand-Duché du Luxembourg dont l’ancien Premier ministre est actuellement président de la Commission européenne. Remarquons en passant que c’est ce petit pays qui a donné le plus grand nombre de présidents de la Commission depuis la naissance de la CEE. Ce n’est pas un hasard !
Jean-Claude Juncker, le président luxembourgeois de la Commission européenne, achève un mandat terne et sans réussite.
Migrants : l’Europe a oublié ses principes fondamentaux.
La seconde liberté de circulation est celle des personnes, surtout depuis les accords de Schengen. Cependant, on l’a vu lors de la crise des migrants, elle est très fragile. Ainsi, par refus des quotas de migrants imposés par la Commission, plusieurs pays de l’Est européen ont fermé leurs frontières en totale contradiction avec les accords de Schengen. C’est très inquiétant non seulement sur le plan éthique, mais aussi sur l’avenir politique de l’Union européenne, car ces pays – particulièrement la Pologne et la Hongrie – s’éloignent des institutions européennes tout en percevant les subventions des Fonds structurels. On observe d’ailleurs que ces pays – à l’exception de la Pologne et des pays baltes – se rapprochent de la Russie. La crise des migrants a fragilisé sérieusement l’Union européenne.
Cette image d'un arrêt de bus vide à la Gare du Nord à Bruxelles est symbolique : les bus ne s'arrêtent plus à cause des migrants. On n'a rien trouvé de mieux que des les placer en centres fermés s'ils ne demandaient pas l'asile. Une Europe repliée sur elle-même est destinée à disparaître à terme.
Un autre aspect concerne les travailleurs détachés. Depuis la fameuse directive Bolkestein, le dumping social s’est installé, particulièrement dans l’Ouest de l’Europe. Ce système permet à des entrepreneurs d’engager de la main d’œuvre à bon marché et sous-protégée. Il s’agit là d’une régression sociale majeure. Il ne suffit pas aux syndicats européens de manifester régulièrement devant les bâtiments de la Commission et du Parlement européen à Bruxelles pour que les choses changent. La seule issue est d’instaurer un rapport de forces au niveau européen. Et ce n’est pas la Confédération européenne des syndicats qui en a les moyens, tant elle est faible !
Les lobbies gangrènent l’Union européenne.
Quant à la libre circulation des biens et des services, si, incontestablement, elle a apporté des progrès aussi bien sur le plan économique que social, elle est soumise via les institutions européennes à la pression des lobbies qui faussent le jeu. L’affaire du glyphosate en est la dramatique démonstration. L’Union européenne s’est laissé gangréner par les lobbies de toutes sortes. Les conflits d’intérêts sont légion, la protection des consommateurs et des producteurs est compromise. On l’observe aussi bien sur le plan environnemental, comme sur la pression faite sur des producteurs. L’exemple des fromages au lait pasteurisé accompagné de la volonté, pour de prétendues raisons de santé publique, d’interdire la production de fromages au lait cru est typique de la pression sur la Commission et le Parlement de l’industrie agro-alimentaire dominée par les entreprises transnationales. De plus, les producteurs extérieurs – particulièrement US – font aussi pression sur les institutions européennes. L’affaire de la viande aux hormones en est un exemple.
L’unité dans la diversité
Le tableau est donc très noir. Est-ce une raison pour en revenir aux Etats-nations d’antan ? Certainement pas. L’euroscepticisme ne conduira à rien. On le voit avec la saga du Brexit : la Grande Bretagne a toutes les difficultés pour se retirer de l’Union et pas mal de Britanniques s’aperçoivent des risques que cela comporte. C’est à une réforme profonde de l’Union européenne qu’il faut s’atteler.
L’Union européenne s’est laissé entraîner dans un capitalisme dur dont un des objectifs est de tout uniformiser afin de pouvoir mieux vendre les marchandises et services à des consommateurs qui ne seront désormais plus des citoyens mais les zombies du profit absolu dénués de tout esprit critique. C’est le Big Brother de l’ultralibéralisme.
La devise de l’Union européenne est « l’unité dans la diversité ». Cette diversité qui est le fondement même de notre culture, est menacée, l’unité n’est que de façade. Notre combat pour l’avenir est de les retrouver.
Alors, voter pour l’Europe ? Oui, bien sûr que oui ! Mais avec l’esprit critique.
Pierre Verhas
Source: http://uranopole.over-blog.com/2019/05/voter-pour-l-europe.html