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Carte blanche - «L’intégration en enseignement inclusif: une question de droits»
L’intégration scolaire de tous les enfants, quel que soit leur handicap, est non seulement un droit fondamental, mais présente un intérêt pour tous les enfants et toutes les écoles.
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Michel Tonneau.

Par Jean-Pierre Coenen, président de la Ligue des Droits de l’Enfant, instituteur

La suppression de l’intégration temporaire totale fait couler beaucoup d’encre et suscite de nombreuses craintes tant dans les familles concernées que dans les milieux scolaire et associatif. Cette décision a été prise en catimini en fin d’une année scolaire bouleversée par la crise sanitaire, sans consulter les familles et les associations qui les représentent ou militent pour une école inclusive, pas plus que les professionnels de l’enseignement.

Cette décision ne serait que « temporaire », « compte tenu de la volonté du Gouvernement de supprimer le mécanisme d’intégration temporaire totale, à partir du 1er septembre 2020, au travers de son projet de décret relatif à la suppression de l’intégration temporaire totale dans le cadre des futurs pôles territoriaux » (1). Dès lors, pourquoi la supprimer avant que ces derniers ne soient mis en place et ainsi forcer des enfants à passer d’abord par une école spécialisée ? N’est-ce pas mettre la charrette avant les bœufs sans se soucier de qui est à bord ?

Un droit fondamental
Il n’est pas inutile de rappeler que l’intégration est tout simplement un droit fondamental. Ce droit avait déjà été défini une première fois par la Convention internationale des Droits de l’Enfant (ONU, 20 novembre 1989) qui, en plus du droit à l’éducation sur base de l’égalité des chances (art 28 de la CIDE), parlait de concevoir l’aide fournie « (…) de telle sorte que les enfants handicapés aient effectivement accès à l’éducation, à la formation (…), à la préparation à l’emploi et aux activités récréatives, et bénéficient de ces services de façon propre à assurer une intégration sociale aussi complète que possible et leur épanouissement personnel (…) » (article 23 de la CIDE).

Depuis 2006, la Convention des Droits des Personnes handicapée (ONU) a renforcé ce droit en affirmant que « Les États Parties veillent à ce que les personnes handicapées puissent, sur la base de l’égalité avec les autres, avoir accès, dans les communautés où elles vivent, à un enseignement primaire inclusif, de qualité et gratuit, et à l’enseignement secondaire » (également inclusif NDLA) (Art 24 & C).

La Fédération Wallonie-Bruxelles, a d’ailleurs renforcé ce droit, en son Décret anti-discriminations du 12 décembre 2008 dont l’objectif est de créer un cadre général et harmonisé pour lutter contre la discrimination fondée sur (notamment) « (…) un handicap ». Le Décret rappelle que « Toute discrimination fondée sur l’un des critères protégés est interdite, à savoir (…) 4º Le refus de mettre en place des aménagements raisonnables en faveur d’une personne handicapée (…) ».

Une suspension sans aucune garantie
Or, l’intégration temporaire totale est un aménagement raisonnable. Sa suppression (ou sa suspension, fût-elle « temporaire ») va discriminer les élèves qui pourraient en bénéficier durant cette année scolaire. Ne sachant pas comment va évoluer le Décret organisant l’enseignement spécialisé, ni si elles bénéficieront encore des aides de l’intégration, des écoles ne se lancent plus dans de nouveaux projets pour cette année scolaire. Cela implique que ces enfants seront amenés à fréquenter l’enseignement spécialisé alors que leur souhait est d’être intégrés à l’école du quartier, avec leurs pairs, de pouvoir se créer un tissu social et de se sentir des enfants comme les autres.

Et, au bout d’un an, seront-ils intégrés ? Rien ne le garantit car seules les écoles et PMS du spécialisé pourront encore proposer une intégration. L’intérêt de l’enfant sera-t-il privilégié partout ? D’expérience, j’ai des craintes…

Nous sommes tous concernés par l’intégration et les aménagements raisonnables. Aujourd’hui, il n’est pas une classe, pas un enseignant qui n’ait, face à lui, plusieurs enfants en situation de handicap, qu’ils soient physiques, intellectuels ou découlant d’un trouble spécifique de l’apprentissage ou « dys ».

Dès lors, l’intégration est un bénéfice pour tout le monde. Pour l’enfant intégré, évidemment, mais aussi pour les autres élèves, puisque sa seule présence dans une classe engendre la mise en place de pratiques pédagogiques spécifiques et d’aménagements raisonnables qui bénéficient aussi à tous les autres élèves. A commencer par ceux qui ont le plus de difficultés, ou qui ont des troubles spécifiques des apprentissages, qui connaissent mal la langue de l’enseignement ou ont une spécificité qui rend leurs apprentissages ou leur intégration en classe difficile.

Un déni de droits
Loin d’être un nivellement par le bas, l’intégration d’un enfant à besoins spécifiques permet à tous les élèves de progresser positivement. En outre, elle favorise le vivre ensemble, permettant aux enfants « ordinaires » de découvrir et d’apprendre à vivre avec la différence et donc, plus tard, avec toutes les différences.

La suppression (ou la suspension « temporaire ») de l’intégration temporaire totale est un déni de droits. Il est temps de suspendre le Décret qui l’abroge tant que les Pôles territoriaux ne seront pas une pleine réalité, avec tous les moyens nécessaires à l’accompagnement de tous les enfants en situation de handicap dans toutes les écoles.

(1) Arrêté du Gouvernement de la Communauté française de pouvoirs spéciaux nº38

Source: https://plus.lesoir.be/324895/article/2020-09-14/carte-blanche-lintegration-en-enseignement-inclusif-une-question-de-droits