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Mon camarade et ami Bernard Gensane, linguiste, fin connaisseur de la langue anglaise et de George Orwell, professeur retraité, blogueur, membre actif du site le « Grand Soir », vient de publier sur Facebook un courriel circulaire d’une de ses collègues et amies, professeur de littérature et spécialiste de la poésie, collègue et amie dont il ne donne pas le nom, et pour cause.

image 0933244 20210330 ob e7a8ba bernard gensaneBernard Gensane, un analyste de George Orwell et un défenseur infatigable des valeurs fondamentales progressistes et universalistes

Cette dame se trouve menacée par une partie de ses élèves pour « racisme », « conservatisme », propos « discriminants », et j’en passe. Son crime ? Avoir constitué un dossier de presse destiné à son cours de traductologie sur la poétesse noire, pardon afro-américaine, Amanda Gorman. On se rappelle que la traduction de ses poèmes en français a déclenché un tsunami de protestations parce que la traductrice était une Française « blanche » !

image 0933244 20210330 ob b65d24 amanda gorman smiles at loc 2017Amanda Gorman à la bibliothèque de Washington

Et ce n’est pas tout : dans son dossier, ladite prof a ajouté un article d’une traductrice béninoise Sika Fakambi. Une Européenne « blanche » qui parle d’une Africaine « noire » ! Quel scandale ! Mais, le pire est à venir : notre enseignante a dit à ses étudiants qu’elle s’apprêtait à traduire les poésies d’une poétesse britannique d’origine juive-allemande, arrivée en Angleterre avec le Kindertransport (1) et « auteur de poèmes bouleversants » sur la Shoah ! Quelle abomination ! Traduire les textes d’une Juive, donc forcément d’une Sioniste ! (2)

Bernard ne nous informe pas encore des suites de cette affaire. Cette professeure a-t-elle pu donner son cours ? Y a-t-il eu des troubles ? Ou bien, a-t-elle renoncé ? On l’apprendra incessamment.

En tout cas, ce nouveau scandale perturbe l’enseignement supérieur en France comme en Belgique. Le cas de cette enseignante française est à mettre en parallèle avec celui de Nadia Geerts évoqué récemment sur Uranopole (https://uranopole.over-blog.com/2021/01/nadia-geerts-aux-armes-citoyens.html), enseignante et militante laïque et féministe qui, elle aussi, est menacée pour ses prises de position et son refus des signes religieux dans les écoles. Il y a cependant une différence fondamentale : Nadia Geerts est militante, tandis que l’enseignante évoquée par Bernard Gensane n’est engagée en rien dans des mouvements politiques, philosophiques ou syndicaux. Cela dit, ces menaces sont inadmissibles !

C’est cela qui est très grave. On accuse une pédagogue non pour ses prises de position, mais sur la philosophie même de son enseignement. Ce mouvement « décolonial », « racisé », « woke » constitue une grave dérive de l’antiracisme, mais aussi de la pensée. Il crée un véritable apartheid intellectuel en voulant interdire à une traductrice ou à une enseignante « blanche » de traduire ou de professer les œuvres d’auteurs « noirs » ! Un doctorant qui soutient la professeure de traductologie s’inquiète de cette dérive « augurant fort mal de l’avenir intellectuel de notre pays. »

On peut se poser la question : n’est-ce pas ici la clé de ce mouvement « intersectionnel » qui a éclaté en Europe depuis l’assassinat de George Floyd et le mouvement « Black lives matter » ? Même la fondatrice de l’intersectionnalité, la juriste californienne Kimberlé Crenshaw (voir Uranopole : https://uranopole.over-blog.com/2020/06/le-debat-oui-mais-pas-le-baillon.html), a déclaré que toute cette violence est excessive et dangereuse.

Aussi, demandons-nous : n’y a-t-il donc pas derrière tout cela une volonté de destruction ? Mais dans quel but et par qui ? Nous aurons l’occasion d’en reparler.

ob 4400ba audrey pulvarAudrey Pulvar aurait mieux fait de s'abstenir de débiter ses conneries à BFMTV.

En tout cas, on peut compter sur les « idiots utiles » [c’est volontairement que j’use de cette expression] pour en rajouter. Songeons à la journaliste, présentatrice de télé et candidate PS aux élections régionales en France, Audrey Pulvar qui a déclaré sur BFMTV qu’elle « préfère les réunions “réservées à“ [aux noirs] que les réunions “interdites à“ [aux blancs]. Si une femme ou un homme blanc venait à y participer, il serait prié de se taire. »

Quand on sort ce genre de connerie, il ne faut pas s’étonner d’ouvrir un boulevard à l’extrême-droite. Merci la gauche bobo !

Pierre Verhas

  1. Le Kindertransport est une opération humanitaire menée par la Grande-Bretagne neuf mois avant la Seconde Guerre mondiale et au cours de laquelle elle accueillit près de dix mille enfants principalement juifs d'Allemagne, d'Autriche, de Tchécoslovaquie et de la ville de Dantzig.
  2. Les lecteurs d’Uranopole connaissent notre position sur la question palestinienne. Il n’y a aucune ambiguïté à ce sujet. Très bientôt, nous publierons un article au sujet d’un professeur palestinien et de son analyse politique. Mais, en l’occurrence, il s’agit d’une confusion manifeste entre « Juifs » et « Sionistes ». Les accusateurs de la prof française de traductologie feraient bien de se référer à la toute récente déclaration de Jérusalem sur l’antisémitisme qui clarifie la question. Nous l’évoquerons bientôt.

AGRESSIONS VERBALES (EN ATTENDANT LES PHYSIQUES) DANS L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR : ÇA CONTINUE.

Bernard Gensane

Je viens de recevoir un courriel circulaire d'une de mes collègues et amies. Elle est professeur de littérature, spécialiste de poésie, à 1 000 lieues de tout enseignement polémique et politique.

« Je veux vous entretenir du résultat de l’expérience que j’avais menée auprès de la promotion d’étudiants de M2 Recherche de notre Département en leur soumettant, dans le cadre du cours de traductologie que j’assure, un dossier de presse réuni sur la question du poème d’Amanda Gorman.

J’avais terminé la séance précédente, mardi dernier, en les informant de ce dossier de presse et en évoquant la fameuse « équivalence sans identité » de Ricœur, mais aussi Berman et la traduction comme terre d’hospitalité, en lisant un petit article remarquable de la traductrice Sika Fakambi, Béninoise qui a eu à cœur de traduire des auteurs de divers horizons et plaide pour cette ouverture. J’ai ajouté que je m’apprêtais à traduire un volume de poésie d’une poétesse britannique d’origine juive-allemande venue en Angleterre avec le Kindertransport et auteur de poèmes bouleversants sur la mémoire de la Shoah, et que tout en n’étant pas juive moi-même je m’engageais dans l’aventure avec la conviction née d’une résonance intime avec cette poésie, ses images, sa musique, son partage humaniste en forme d’ombre et de lumière.

La réaction fut longue, et je ne l’ai apprise que ce soir. Mon prochain cours avec eux est demain, et j’ai la tentation de fuir. Une de mes étudiantes, choquée, m’a appelée ce soir pour me dire qu’elle avait vu hier l’explosion d’une véritable cabale à mon encontre : je suis une « sale raciste », « conservatrice », mes propos sont « honteux » et « discriminants », et le dossier de presse en question « pue le racisme ». Sur trente, une vingtaine s’est déchaînée de la sorte, allant jusqu’à m’insulter (je n’ai pas cherché à savoir la teneur de ces insultes, ne cherchant pas à souffrir davantage). Il paraît même que certains d’entre eux sont prêts à m’insulter en cours.

Je tiens à préciser que, normalement, j’ai de très bons rapports avec les étudiants (quoique n’étant certainement pas le phœnix des hôtes de ces bois, je pense être humaine, douce et bienveillante). Trois doctorants, avec lesquels j’ai eu l’occasion de parler ce soir, sont profondément choqués par le traitement qui m’a été réservé, qu’ils jugent non seulement très injuste à mon égard mais aussi inquiétant car augurant fort mal de l’avenir intellectuel de notre pays. Je suis, pour ma part, profondément blessée et triste, en proie à un désarroi grandissant face à cet emballement d’une médiocrité dont on mesure plus les assauts, à un délabrement inexorable, à une envie de baisser les bras et de tout abandonner.

Demain sera peut-être un autre jour, même si je n’y crois plus… »

PS (BG) : la photo du scandale. Une traductrice blanche avait été initialement choisie pour traduire une autrice noire. Moi qui fus un professeur de littérature BLANC mais qui ai osé — honte à moi – enseigner des auteurs noirs, ces paradoxes à la con m'excitent à la folie !

image 0933244 20210330 ob c28ee4 traductrice

Source: https://uranopole.over-blog.com/2021/03/une-nadia-geerts-francaise.html