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Pas d’hypocrisie: ce qui s’est passé au Caire le 3 juillet est un coup d’Etat militaire, même adossé sur un mouvement populaire démocratique. Et son mérite est de porter un coup d’arrêt à la montée d’un islamisme politique qui dénature la « révolution arabe », parce que la théocratie est par nature incompatible avec la démocratie.
Entre les Frères musulmans, les salafistes et même les djihadistes, les divergences portent plus sur les méthodes et les moyens que sur le type de société à instaurer : la vision politico- religieuse est la même, elle est rétrograde et totalitaire. Une idéologie qui refuse l’égalité des droits à la moitié de l’humanité, les femmes, se récuse d’elle-même.
On voit bien le double jeu d’Ennhada en Tunisie, la marche à la dictature d’Erdogan en Turquie. Qu’on nous épargne donc le discours conformiste sur un Morsi « démocratiquement élu ». La démocratie bourgeoise, d’ailleurs minée par les marchés financiers, n’est pas un article d’exportation clés sur porte.
Mais il importe de voir comment, en Egypte, le camp révolutionnaire, faute de clairvoyance, s’est fait duper.
Absence de stratégie unie du camp révolutionnaire.
Les forces qui ont fait tomber Moubarak en janvier - février 2011 représentent d’abord les couches urbaines éduquées, toute une classe moyenne, des milieux ouvriers et politisés. Elles auraient du  savoir qu’elles n’avaient  pas de prise sur l’Egypte profonde, rurale et religieuse, cette immense clientèle des Frères musulmans, qui n’ont pas fait la révolution de 2011 mais l’ont exploitée. Face à une armée dont les cadres supérieurs restent liés au système Moubarak, comme une bonne partie de la fonction publique et des forces de police, la seule stratégie valable était de rechercher l’alliance d’un secteur de l’armée qu’on pourrait encore qualifier de « nassérien », en tout cas de progressiste. Les divisions du courant de gauche ne l’ont pas permis, et encore moins la brutalité de la répression dans la période 2011-2012. Mais l’erreur fatale fut d’avoir, au second tour de l’élection présidentielle en juin 2012, fait élire Morsi contre le candidat « officiel » Ahmed Chafik, un général de l’armée de l’Air qui avait certes été appelé en première ligne  par un Moubarak aux abois, mais était le candidat de compromis par excellence. La poussée islamiste rendait cette option tout à fait déraisonnable.
Victorieux avec moins de 52 % des voix, les Frères musulmans se comportèrent en maîtres absolus pendant une année, voulurent imposer leur Constitution et bâtir leur Etat. En même temps, ils étaient incapables de faire face aux urgences économiques et sociales.
L’armée ne le sera pas davantage. L’Egypte survit avec des aides extérieures d’urgence, et le FMI lui présente se habituelles recettes, qui consistent à saigner le peuple. Il n’y a pas que les manifestants de la place Tahrir, il y surtout des conflits sociaux, des grèves. Face à l’agressivité des Frères musulmans, l’armée, avec son homme fort, le général Al-Sissi, a besoin pour un temps du soutien de la force populaire anti-islamiste : c’est la dernière bonne carte du camp révolutionnaire démocratique.
Toute la région est en feu…
Egypte, Liban, Syrie, Irak : toute la région est en feu, dans un inextricable nœud d’ambitions nationalistes (Iran, Turquie) ou de prosélytisme islamiste (Qatar, Arabie saoudite), plus les interférences des grands impérialismes. Les démocrates y sont bien seuls.   

Robert Falony (La lettre socialiste, numéro 45, Juillet 2013)
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