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Il s’appelait Alain Vigneron, il avait quarante-cinq ans, il était sidérurgiste à Arcelor Mittal à Liège dans l’unité de Chertal. Il avait fait ses études primaires – que l’école primaire, diront les pédants – puis, par la force de sa volonté et de son intelligence, il a grimpé les échelons dans cette grande famille de l’acier pour terminer comme brigadier de production – un poste technique à haute responsabilité – et jusqu’à samedi dernier, luttait pour sauver son entreprise, les emplois de ses camarades et sa famille. À l’annonce de la fermeture définitive par les sbires de Lakshmi Mittal, il a décidé d’en finir. Il s’est pendu.

Ce suicide, selon ses camarades, n’est pas un hasard du calendrier : il a eu lieu deux ans après, jour pour jour, la premières annonces de la fermeture des aciéries et des hauts fourneaux. Deux ans de lutte acharnée. Epuisé, il a décidé d’y mettre fin.

Alain Vigneron laisse une lettre à sa famille, dont il a envoyé une copie à son délégué syndical.

« Chère famille, je vous dis mes derniers mots.
Je veux que vous respectiez ma femme et ma fille. Elles n’y sont pour rien. Je les ai fait souffrir énormément à cause de mon boulot pour monsieur Mittal. Il m’a tout pris, mon emploi, ma famille. Combien de familles va-t-il encore détruire? Moi je n’en peux plus de ce milliardaire. Vous savez, je me bats depuis 31 ans pour avoir un petit quelque chose et voilà, je vais perdre mon emploi et combien de familles vont le perdre, monsieur Mittal?
Cher gouvernement, allez vous enfin sauver les milliers d’emplois des familles qui en valent la peine?
Ma petite femme et ma fille, je veux que vous sachiez que je vous aime mais monsieur Mittal m’a tout repris : la fierté, la politesse et le courage de me battre pour ma famille.
Et que la presse soit au courant de mon acte. J’ai fait des panneaux, je voudrais qu’ils soient à l’église, que tout le monde voie pourquoi j’ai mis fin à mes jours. »

Quand va-t-on sortir du fatalisme et de la servitude dans lesquels les gouvernements successifs qu’ils soient de droite, de gauche, du centre ou encore du trou du cul, ont placé les travailleurs et le peuple ?

Le message d’Alain Vigneron ne doit pas rester sans réponse. Ce serait lâche et indécent. Un nouveau combat de longue haleine doit commencer pour retrouver le chemin de la dignité.

Les assassins de Vigneron s’appellent d’abord Mittal, mais aussi Barroso, Lagarde, Draghi, cette troïka qui a mis l’Europe sous la tutelle des multinationales. Ces gens qui jettent des milliers de familles, de travailleurs dans la misère, ces Attila en col cravate qui détruisent des régions entières, ces ignares arrogants sont coupables de crimes contre l’humanité – car c’est de cela qu’il s’agit.

Exigeons une Cour pénale internationale pour les juger et les punir. Cela calmera sans doute les autres.

Pierre Verhas - 15 octobre 2013