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Delen van artikels

La couverture médiatique des évènements d'Ukraine a donné lieu à un déferlement de ce qu'il faut bien appeler une propagande à sens unique, doublée du goût très vif de la sensation. Menace de guerre! C'est à peine si on voulut bien signaler que l'Ukraine n'est pas couverte par l'Otan. Il se trouva des commentateurs, journalistes ou hommes politiques, pour évoquer la Tchécoslovaquie de 1968, voire Hitler. Et l'éditorialiste du "Monde" du 26 mars se laisse aller à écrire que le maître de la Russie veut "redécouper les frontières de l'Europe"!

En août 2013, on titrait cette "Lettre": "L'Occident a le Poutine qu'il mérite...". Maintenons cette affirmation.... Que l'on s'interroge sur l'extension continue vers l'Est de l'Otan et de l'Union européenne!

Il faut néanmoins être clair: l'annexion de la Crimée à la Russie est effectivement une violation du traité de garantie de 1994 en faveur de Kiev. Mais le droit international "pur" fut-il pris tellement au sérieux dans l'affaire du Kosovo , un nouvel Etat toujours non reconnu par nombre de pays  redoutant les sécessions? George Bush attaquant et détruisant l'Irak sur base d'un mensonge d'Etat éhonté était-il un champion du droit international ?  Et celui-ci est-il seulement concevable quand il s'agit du Mali ou de la Centrafrique, lorsque le droit humanitaire se substitue à tout autre?

Il est certain que Poutine, qui, en passant, ravive le nationalisme grand russe pour renforcer son emprise sur la Russie, a saisi la Crimée comme un gage, en compensation d'avoir été floué par le soulèvement de la place Maïdan.

On peut observer les silences troublants des médias sur  des faits pourtant indiscutables: le passé historiquement russe de la Crimée; la bizarrerie d'une Union européenne forcée de ratifier une prise du pouvoir par la force à Kiev,  alors même que trois de ses ministres venaient de conclure un accord avec le déchu Ianoukovitch (lequel a d'ailleurs été un incapable même du point de vue de Moscou); enfin le fait que le moteur de la révolution survenue à Kiev est un nationalisme très marqué à droite, avec une minorité d'activistes qu'on peut effectivement qualifier de néonazis. L'aveu s'en trouve dans tel reportage honnête ("Monde" du 26 mars) qui montre les groupes paramilitaires d'extrême-droite à la pointe d'un soulèvement encouragé par des hommes politiques américains et européens...

L'aspect social. Oligarques kleptomanes...

Les médias dissimulent autre chose: le niveau de vie du plus grand nombre, en Ukraine, est  encore plus bas qu'en Russie. Des deux côtés, certes, la fin de l'URSS a signifié, par les privatisations à tout va, l'appropriation des moyens de production par la nouvelle classe dirigeante. Ce sont ces oligarques qu'on peut aussi bien appeler des kleptomanes. Il est vrai qu'à l'Ouest, le capitalisme se criminalise aussi...

Quand le FMI veut aider l'Ukraine à éviter la faillite, ce sera au prix de sacrifices sociaux à côté desquels ce qui a été exigé des Grecs sera léger, en particulier dans l'Est industriel.

Le seul service qu'une diplomatie indépendante de Washington pourrait rendre au peuple ukrainien serait d'exclure ce pays de la sphère d'influence de l'Otan et de négocier avec Moscou sa neutralisation, dans le cadre d'un régime fédéral très poussé conservant l'unité extérieure des deux Ukraine. Mais les vautours de la nouvelle guerre froide n'en veulent pas, ils misent sur l'écroulement de l'économie russe. Dans un monde où toutes le économies  sont interdépendantes,  ces idéologues ne font qu'aggraver les tendances persistantes à la récession. Ils préparent de nouvelles crises. Un siècle après les folies de 1914, ils n'ont toujours rien compris.     

Robert Falony - 14 mars 2014