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À l’approche des élections européennes, le patronat et les multinationales lancent une offensive antisociale tous azimut et sans précédent.

Des propositions sont faites de transformation fondamentale des relations sociales et de travail par le Medef en France et en Belgique par le patronat via le consultant Roland Berger avec la collaboration de l’économiste ultralibéral, ancien chef de cabinet de Reynders, ancien patron de la Bourse de Bruxelles, académicien et professeur à l’Université Catholique de Louvain, Bruno Colmant.

Ces propositions relèvent d'une « logique esclavagiste » ! Ce n'est pas Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche français), ni Raoul Hedebouw (porte -parole du PTB belge) qui disent cela, mais Laurence Parisot, ancienne patronne du Medef !

De quoi s’agit-il?

Des jeunes aux plus âgés

Place aux jeunes ! Pierre Gattaz le nouveau patron des patrons français, homme très puissant qui a une (trop) grande influence sur le gouvernement Hollande – Valls, préconise un SMIC « jeunes » inférieur au SMIC, qu’il appelle pudiquement « salaire transitoire » à 800 Euros mensuel. Rappelons que le SMIC français s’élève à 1445,38 Euros par mois. Certes, Valls a rejeté cette proposition, mais, sans conteste, elle fait partie d’une offensive de démantèlement de l’Etat social, d’autant plus que cette initiative n’est pas la seule.

Et pour les vieux !  Les « quatre mesures pour sauver les pensions ». Ces mesures consistent en gros à liquider le système de pension par répartition et à supprimer tous leurs avantages sociaux pour les cotisants, c’est-à-dire les travailleurs salariés des secteurs public et privé.

Il s’agit d’abord de réduire le montant des pensions progressivement de 8 % à 44 % de 2020 à 2050…, ensuite d’augmenter les cotisations des travailleurs en portant le taux d’imposition des ménages qui est aujourd’hui de 20 % à 32 % en 2030, en troisième lieu d’augmenter le taux de la TVA qui est aujourd’hui en moyenne de 14 % en Belgique à 24 % en 2050. Il va de soi, quatrièmement, qu’il conviendra également de travailler plus longtemps en portant l’âge légal de la pension à 70 ans.

Les auteurs du rapport sont conscients qu’aucune de ces quatre mesures ne pourra être acceptée « séparément », qu’elles susciteraient une levée de boucliers, voire la révolte. Aussi, les économistes du consultant Roland Berger proposent ce qu’ils appellent ce qu’ils appellent cette « quadrithérapie optimale » en y allant progressivement. On n’est jamais trop prudent !

Rappelons au passage que les pensions en Belgique sont parmi les plus basses de toute l’Europe occidentale. Cela prouve une fois de plus que ce genre de proposition s’inscrit dans une vaste opération de démantèlement de l’Etat social.

Les arguments avancés sont classiques. L’économiste français de mouvance « économie de l’offre » Jean-Luc Ginder affirme : « Pour lutter contre le fléau du chômage, il est impératif de réviser le coût du travail et dans cette idée, il faudra accepter de compresser le Smic sachant qu'il est populaire et cher pour chacun d'entre nous.

Cette mesure n'est pas une provocation mais une attitude réaliste. »

Cette question du « coût du travail » est d’ailleurs obsessionnelle pour Ginder. Dans sa chronique dans « Les Echos », il écrit le 25 février dernier : « Ce qui est en cause ce n’est pas le salaire c’est le fait qu’une série de choses auxquelles nous tenons fondamentalement dans notre modèle repose sur le travail. Dans un même temps, nous sommes dans un univers de compétition fiscale. Beaucoup de pays ont misé sur des réformes qui basculent une partie de la fiscalité qui pesait sur le travail sur l’impôt.

Ces mesures permettent aux entreprises d’être en situation de compétitivité. Là encore sur ce terrain, toi État tu ne prends pas la mesure du danger et tu laisses s’installer un niveau de coût de travail surtaxé qui fragilise encore les entreprises, qui nourrit le chômage et brise la productivité française, ton "made in France" si recherché. »  

Donc, au lieu de combattre cette « compétitivité fiscale » au niveau européen – là, l’Union européenne ferait œuvre utile –, il faut s’attaquer au sempiternel « coût du travail ». On dirait que pour ces gens-là, payer un travailleur un Euro de l’heure serait encore trop cher !

Lamy qui vous veut du bien.

En outre, Gattaz a un soutien de poids pour sa proposition : Pascal Lamy, l’ancien patron de l’OMC, étiqueté « socialiste », ex-chef de cabinet de Delors à la Commission européenne, un des pionniers du fameux « Acte Unique » à l’origine des dispositions ultralibérales des traités de Maastricht et des autres qui ont suivi.

Pour Pour Lamy qui avait d’ailleurs lui-même lancé cette idée, la proposition de Gattaz est un progrès considérable et il va jusqu’à insulter ceux qui s’y opposent. Il déclare : « C'est l'état d'esprit des Français qui est le problème (...) C'est un état d'esprit défensif ». Et il ajoute : « Aussi longtemps que cette pédagogie ne sera pas faite, je pense que nous resterons, en quelque sorte, tétanisés, coincés, peureux. » Donc, les travailleurs sont des lâches qui refusent d’être « offensifs » pour le plus grand intérêt du marché.

Il est symptomatique de constater qu’un des principaux décideurs mondiaux préconise pareille chose. Voilà donc leur conception de la « mondialisation heureuse ». Tout pour l’entreprise, tout pour le capital, rien pour le travail, l’humanité étant réduite à devenir consommatrice dans le marché le plus vaste possible.

C’est un cauchemar, mais on finit toujours par se réveiller d’un cauchemar.

La civilisation coûte trop cher!

Donc, aussi bien les jeunes, à peine sortis des études, et les anciens – allons, disons-le carrément, les vieux – se trouveraient précarisés parce que tout simplement l’être humain coûte trop cher pour une classe possédante dont la cupidité égale la puissance.

Ce n’est pas un hasard si des deux côtés de Quiévrain, ce genre de propositions est lancé. Il s’est mis en place une stratégie en vue de détruire notre contrat social, notre mode de vie, notre pacte entre générations. Bref, notre civilisation ! La civilisation qui s’est progressivement mise en place à partir de la Renaissance visait en définitive à donner à l’être humain sa dignité en lui accordant progressivement le droit d’intervenir librement dans la vie de la Cité et le droit de jouir équitablement des richesses qu’il produit par son travail. Elle est remise en question par cette classe dominante qui a réussi à conquérir les marchés mondiaux.

L’esclavage revient en force.

Madame Parisot a déclenché, sans doute à son corps défendant, un vaste débat sur la question de la dégradation du travail qui vire de plus en plus à de nouvelles formes d’esclavage.

L’esclavage, bien qu’il soit juridiquement aboli depuis longtemps, n’a jamais réellement disparu. Il y a celui que nous côtoyons dans nos villes et sur lequel nous détournons les yeux, comme la prostitution où des milliers de femmes sont à la merci de « protecteurs » prêts à tout pour empocher un maximum d’argent sur leur dos, quitte à les enchaîner et les torturer, voire les éliminer. Celui où des hommes et des femmes provenant en cachette de terres lointaines sans aucune protection, travaillent dans des ateliers clandestins de confection, de boulangerie-pâtisserie, dans de grands hôtels internationaux, etc., celui de domestiques étrangers en séjour illégal à la merci de riches familles, de diplomates sans scrupules qui sont à la peine jour et nuit pour leurs « maîtres » avec pour seule rémunération l’enfermement dans un placard dans une soupente de grenier ou dans une cave.

Il ya l’esclavage dans les grands travaux essentiellement dans les pays dits émergents comme le Brésil pour la coupe mondiale de football et aussi le Qatar pour la suivante. Et on peut se poser la question du régime réel des travailleurs « détachés » au sein de l’Union européenne.

À l’exception de quelques associations, aucune des grandes ligues de défense des droits de l’homme ne se mobilise sur cette question. Certes, la CSI (Confédération Internationale des Syndicats) et la CES (Confédération Européenne des Syndicats) réagissent régulièrement, mais c’est largement insuffisant. Cette faiblesse de ce qu’il reste du mouvement ouvrier est inquiétante.

Les beaux films hollywoodiens

Ah oui ! On réalise de beaux films hollywoodiens sur l’esclavage qui font pleurer les belles âmes et gagner beaucoup d’argent à leurs producteurs et aux banques qui les financent et qui tirent aussi profit de l’esclavage contemporain, mais face à l’esclavage d’aujourd’hui, face à l’esclavage quotidien, face à la volonté manifeste de dégradation du travail vers l’esclavage, il n’y a pas de soulèvement ! Marx proclamait à la fin du « Manifeste » : « Les prolétaires n’y ont rien à perdre que leurs chaînes ! Ils ont un monde à y gagner ! »

Dans la très vénérable revue trimestrielle française inscrite dans la tradition« Révolution prolétarienne », à laquelle ont jadis collaboré des gens comme Victor Serge, Simone Weil, George Orwell, Albert Camus, etc., Jacques Demorgon écrit au sujet de l’esclavage, dans le numéro 781 daté de juin 2013 : «  Abdennour Bidar [philosophe français président de l’Observatoire de la laïcité et collaborateur à la revue Esprit] (…) pose une « capabilité » de l’humanité entière. Il pense que jusqu’ici les religions ont été le support imaginaire de la toute-puissance. Par la suite, les humains ont commencé à s’approprier la toute-puissance. Cela commença par une modernité critique des autoritarismes théologico-politiques ou politico-religieux. En s’appuyant sur une association de l’information technoscientifique et de l’économie, elle entraîne une succession de révolutions industrielles grâce aux puissances de la machine à vapeur, de l’électricité, de l’atome et de l’informatique.

Toutefois, cette modernité n’a pas assez distingué entre « travail d’asservissement et travail d’accomplissement ». »

Demorgon ajoute : ce qui compte, c’est moins le travail que ce qu’il produit. Il poursuit : « Or, le travail d’accomplissement de chacun est autrement plus producteur pour tous que le travail d’asservissement de multitudes humaines. »

Le travail (d’accomplissement) rend libre.

Cependant, par la dégradation matérielle et qualitative du travail, le patronat, les multinationales, la finance, tout ce « nouveau » capital qui domine le monde rétablissent l’esclavage. Seul le travail d’asservissement compte pour eux.

Il est vrai que le travail d’accomplissement peut être dangereux, car il apporte l’épanouissement, donc la liberté. Ce n’est pas la « liberté » proclamée à Auschwitz à des millions d’esclaves forcés n’ayant que la mort au bout du chemin, ni l’esclavage des ateliers clandestins, ni celui de millions de gens n’ayant comme alternative la précarité dans l’esclavage ou la misère dans le chômage, c’est ce travail là qui fait des hommes et des femmes libres.

Des femmes et des hommes libres, c’est en effet très dangereux.

Pierre Verhas - 21 avril 2014 (publié antérieurement sur osons.le.socialisme.over-blog.com)