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Les événements qui ont mené à l’écrasement de la Grèce, les attitudes et les propos des dirigeants de l’Union européenne, le projet de traité commercial transatlantique, la dissolution du processus démocratique, l’incohérence de la réponse à la crise des réfugiés, l’alignement systématique de la politique étrangère sur les intérêts américains sont autant de faits qui détournent du projet européen, l’opinion publique, bon nombre de politiques, d’intellectuels, de syndicalistes, de militants de terrain.

Certains à gauche comme à droite pensent que la réponse est le souverainisme. Le plus connu d’entre eux est l’ancien dirigeant de la gauche socialiste française, l’ancien ministre de François Mitterrand, Jean-Pierre Chevènement. À la gauche de la gauche comme on dit aujourd’hui, l’Union européenne n’a jamais été la tasse de thé, mais depuis la crise grecque, des hommes comme Mélenchon qui avaient toujours soutenu le projet européen, se tournent résolument vers le souverainisme. La social-démocratie devenue la « gauche libérale » soutient la politique européenne et à droite, l’idée européenne passe sans trop de discussions. Bien entendu, l’extrême-droite ne cache pas son hostilité ouverte à l’égard des institutions européennes, tout en ne rejetant pas le néolibéralisme.

L’euroscepticisme mène au fascisme

Dans les autres pays européens, ce qu’on appelle l’ « euroscepticisme » gagne des points. En Grande Bretagne, même si le parti de droite anti-européen UKIP connaît une régression, ses idées touchent une frange importante du parti conservateur au pouvoir. La gauche travailliste qui a le vent en poupe se montre également très critique à l’égard des institutions européennes. En Belgique, l’attitude du parti nationaliste flamand au pouvoir est ambiguë. Au Parlement européen, ses députés sont inscrits au groupe des eurosceptiques et au gouvernement, ses ministres font tout pour tenter de « dribbler » les décisions européennes, notamment en matière de sécurité.

Dans les pays scandinaves et dans les pays de l’Est européen, l’extrême-droite progresse de manière inquiétante et se trouve au pouvoir ou aux portes du pouvoir. La Hongrie viole depuis longtemps les principes fondamentaux de l’Union européenne sans que ses dirigeants ne s’en soucient outre mesure. L’extrême-droite est au pouvoir au Danemark et risque d’y arriver en Suède. Cela aussi remet en question les bases de la construction européenne.

Bref, l’idée européenne est menacée et la tentation d’un repli sur l’ancien Etat nation est de plus en plus forte. Lisons ce que disait déjà Jean-Pierre Chevènement dans un discours datant du 9 septembre 2001.

« La France ne sait plus où elle va. Son destin lui échappe. Les marchés financiers mondiaux en disposent. Notre politique monétaire se décide à Francfort, notre politique économique à Wall Street, nos engagements militaires à Washington. Dans quatre mois, le franc va disparaître. Et nous voici démunis de moyens pour faire droit aux exigences de nos concitoyens. Dans l’euphorie de la mondialisation heureuse, nos gouvernants considéraient la croissance comme garantie pour longtemps par l’essor des nouvelles technologies. Que la conjoncture se retourne, comme aujourd’hui, et nous découvrons la dictature des marchés financiers, les plans sociaux -Moulinex-, les délocalisations industrielles -Flextronics-, le creusement des inégalités, bref le retour à un archéocapitalisme du XIXème siècle !

En tous domaines, nos dirigeants ont laissé effacer les repères républicains. Ils ont bradé les valeurs de l’École Publique et découragé en Corse les Républicains. »

Cela pour le constat. Incontestablement, il est pertinent sur certains éléments : il n’y a pas eu un transfert de souveraineté de l’Etat nation vers une entité politique supranationale démocratique, mais une dilution de celle-ci dans des organes de décision non démocratiques comme la Commission européenne et la Banque Centrale Européenne.

Ce constat est impertinent sur un point essentiel : l’Union européenne est dirigée par un Conseil qui est composé des chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres, Conseil qui rédige les Traités européens et qui assure sa direction politique. Il ne s’agit pas d’un organe supranational mais de vingt-huit gouvernements qui prennent des décisions politiques, dans la plupart des cas, à l’unanimité.

Cela signifie qu’il s’établit un rapport de forces où ce sont les pays les plus forts qui emportent la décision. C’est le cas de l’Allemagne aujourd’hui, comme on l’a vu avec la crise grecque.

Donc, contrairement à ce qu’affirment les souverainistes, l’Etat nation est encore le décideur dans cet ensemble appelé Union européenne, mais dans un contexte d’affrontement permanent qui avantage le plus fort.

Cependant, un élément nouveau s’est inscrit et est passé quasi inaperçu : il y a eu transfert de pouvoirs vers un organisme qui n’est régi par aucun des traités : la troïka. Cet organisme né suite à la crise des dettes souveraines et particulièrement celle de la Grèce, est composé des créanciers qui sont représentés par la BCE, le FMI et la Commission européenne, trois institutions qui ne sont pas issues de la représentation démocratique. Et cette troïka acquiert de plus en plus de pouvoir au fur et à mesure du déroulement des événements au point qu’on se demande si ce n’est pas elle qui dirige l’Union européenne avec, il convient de le souligner, l’appui de l’Allemagne qui y voit d’importants avantages.

Le retour à l’Etat nation : une erreur historique

Mais, un retour à l’Etat nation consisterait une erreur historique et est tout à fait irréaliste.

En effet, il serait stupide d’affirmer qu’en plus d’un demi-siècle d’existence, l’Union européenne n’a rien apporté, n’a pas été jusqu’à la fin du XXe siècle, un facteur de progrès économiques, culturels, d’entente entre les peuples.

L’histoire de l’Union européenne a été bien des fois évoquée sur le blog « Uranopole ». L’idée de base en est positive, mais le projet a été vicié. Alors que les premiers partisans de la constitution d’une Europe fédérale voulaient une Europe politique, on a construit une Europe économique où le politique a été relégué au second plan. Cette Europe du « marché commun », comme on l’appelait, était basée sur la pensée libérale, mais il est indéniable qu’elle a permis le développement d’une ère de prospérité sans précédent, car les institutions européennes permettaient encore – avec réticence, certes – les politiques keynésiennes d’investissements publics. C’est après la deuxième crise pétrolière et la montée en puissance du néolibéralisme, notamment grâce à Thatcher, que la Communauté économique européenne a instauré par les traités successifs, allant de celui de l’Acte unique en 1986, en passant par Maastricht en 1992, le Pacte de stabilité et le Traité budgétaire de 2013.

Comme l’écrit le souverainiste de gauche Raoul-Marc Jennar : « Traité européen après traité européen, le suffrage universel a été vidé de sa substance. Le vote citoyen ne produit plus aucun effet. Puisque, comme le dit ce gangster placé à la tête de la Commission européenne, « il n’y a pas de vote démocratique contre les traités européens ». Ce qui fut arraché dans la fureur, le sang et les larmes en 1789, 1793, 1848, 1870 et tout au long des luttes politiques et sociales des XIXe et XXe siècles, est systématiquement remis en question au nom de l’Union européenne.

Une immense régression démocratique et sociale est à l’œuvre. Il nous faut l’arrêter. Par tous les moyens. Il y va de la survie d’un modèle de société, d’une vision humaniste du vivre ensemble. »

C’est tout à fait exact, mais la solution proposée est une lourde erreur stratégique. Jennar écrit : « Il faut mettre fin à l’Union européenne. En commençant par la quitter, car sans la France, et les pays qui s’empresseront de la suivre, elle ne survivra pas. Il faut que s’écroulent les institutions de nos malheurs nouveaux : la Commission européenne, la Cour de Justice de l’UE, la Banque Centrale de l’UE. Elles sont les instruments du pouvoir de l’oligarchie. Ce sont des Bastilles, symboles de l’absolutisme technocratique de l’UE et il faut leur réserver le sort de celle renversée en 1789.

Alors, mais alors seulement, il sera possible de construire, avec les peuples qui le souhaitent et qui l’auront exprimé, une union des peuples d’Europe vraiment solidaire et fraternelle. »

C’est équivalent du raisonnement marxiste qui voulait instaurer la dictature du prolétariat pour éliminer la bourgeoisie et ainsi construire une réelle démocratie. On a vu ce que cela a donné !

Revenir à l’Etat-nation en quittant l’Union européenne est non seulement impossible, mais complètement absurde. En admettant même qu’une majorité dans un Etat membre se dégage pour le retrait de l’Union européenne, ce sera quasi impossible à réaliser. Il faudrait revoir toutes les réglementations, la plupart des contrats, rétablir les droits de douane, rompre une série d’accords bilatéraux dans plusieurs domaines essentiels à l’économie et à la vie sociale. Cela aurait un coût énorme, d’autant plus qu’il faudrait rétablir une monnaie nationale.

Un « front » souverainiste ? Pas question !

Une tendance se fait jour chez les souverainistes de gauche en France. Ils cherchent à constituer un rassemblement avec les souverainistes de droite. Or, il s’agit de l’archéo-gaulliste Dupont-Aignant et du… Front national. On en arrive à ce que des militants de gauche soient dans un tel état de désarroi qu’ils en arrivent à tenter de s’allier avec l’extrême-droite ! Jean-Pierre Chevènement n’a jusqu’à présent pas été aussi loin, mais il « copine » avec Dupont-Aignant qui, lui, « copine » avec Marine Le Pen.

L’économiste Jacques Sapir, lui, a été bien plus loin. Il propose la constitution d’un « Front » qui regrouperait tous les souverainistes jusqu’au Front national !. Finis donc la priorité à la démocratie et le rejet de tout racisme et de tout fascisme !

Voici un extrait de l’excellente analyse de Sébastien Crépel parue sur le site du « Grand Soir » : « Jacques Sapir pousse la provocation jusqu’à invoquer pour son « front » l’exemple du Conseil national de la Résistance (CNR), qui rassemblait « des communistes aux militants de l’Action française » (AF). À cela près que le CNR – dans lequel l’AF, ralliée à Pétain, n’a jamais siégé, à la différence du PCF – unissait des sensibilités politiques diverses dont étaient précisément exclus les ancêtres idéologiques du FN, dans un but commun : chasser le fascisme, et appliquer un important programme démocratique, économique et social approuvé par ses composantes.

C’est toute la différence avec la focalisation unique sur la « sortie de l’euro », qui n’est pas en soi un projet politique de progrès. Non seulement elle n’en est pas une garantie, mais elle peut être la première pierre de son exact contraire. Jacques Sapir lui-même l’admet, en reconnaissant que « des politiques néfastes pour les économies peuvent être mises en œuvre hors de l’euro ». C’est précisément ce qui interdit tout « front » commun avec le FN, qui ne se distingue en rien des programmes d’austérité européens, allant jusqu’à reprendre dans son programme « l’obligation d’un déficit structurel égal à zéro ».

Du point de vue même d’un partisan de la sortie de l’euro comme Frédéric Lordon, qui cloue au pilori les « invraisemblables alliances avec l’extrême droite » de Jacques Sapir, ce dernier dessert en fait la cause qu’il prétend servir. Pour l’Économiste atterré, non seulement la « faute » de Sapir est « inexcusable », mais elle est un leurre complet : le FN est « aussi ce par quoi l’euro se maintient », par le rôle d’épouvantail qu’il joue pour « le parti eurolibéral »... Dans ce contexte, le « front » proposé par Sapir ne peut qu’alimenter l’entreprise de discrédit qui consiste, pour les tenants de l’Europe actuelle, à tirer un trait d’égalité entre FN et Front de gauche. »

Ajoutons un autre point et il a son importance : les souverainistes de gauche seraient minoritaires dans un tel « Front » étant donné le poids du FN et finiraient par servir de caution électorale au parti de Marine Le Pen !

La mise en garde de Paul Jorion

Et il y a une autre raison, plus fondamentale, celle-là : l’économiste belge Paul Jorion l’explique.

Pense-t-on sérieusement pouvoir lutter à l’échelle d’un Etat nation, fût-il la France, contre ces entreprises transnationales (ETN) qui contrôlent 70 % de l’économie mondiale ?

La réponse est qu’on le veuille ou non, au minimum européenne. Je ne peux suivre Raoul-Marc Jennar et les autres souverainistes quand ils affirment qu’il est impossible de réformer l’Union européenne.

Aux lobbies des ETN, répondons par notre propre lobbying !

Et pourtant, il y a moyen. Ce moyen, c’est celui des ETN : le lobbying. Ce sont leurs lobbies qui ont pénétré les institutions européennes. Eh bien ! Faisons de même !

Un lobby existe et fonctionne depuis des années, mais il est bien trop frileux : c’est la CES (la Confédération Européenne des Syndicats). N’est-il pas possible que les organisations syndicales dans les différents Etats-membres s’organisent pour donner une réelle efficacité à la CES en programmant de réels mouvements sociaux à travers l’Europe et pas seulement ces rachitiques manifestations à Bruxelles, regroupant des délégués des différents pays et qui font le pied de grue pendant une heure ou deux devant les bâtiments de la Commission européenne ou ceux du Parlement ? N’est-il pas possible de faire une réelle pression pour organiser une réelle concertation avec la Commission et le Conseil lorsqu’un projet touche aux droits sociaux ?

Ne peut-on constituer des lobbies pour faire pression sur les groupes politiques du Parlement européen afin de tenter de rectifier la politique ultralibérale de ces institutions.

Dans un article de Cédric Durand des « économistes atterrés » - publié entre autres par « Uranopole »  (http://uranopole.over-blog.com/2015/08/la-fin-de-l-europe.html ), l’auteur proposait un début de stratégie politique. Il écrivait : « La dynamique de développement combiné et inégal dans la périphérie européenne souligne la nécessité pour la gauche de passer d’une lutte défensive contre l’austérité à un ordre du jour positif délimitant des alternatives systémiques. L’expérience grecque démontre que, sur ce chemin, il n’y a pas d’autre choix que la rupture avec les institutions européennes néolibérales et la reconquête de la souveraineté démocratique sur les monnaies nationales.

Il y a là cependant une difficulté de taille. Les populations exténuées par la crise sont réticentes à supporter les coûts transitoires de la rupture, même si elles peuvent être convaincues des avantages qu’elle procurerait à plus long terme. Formuler des propositions politiques garantissant un filet de sécurité au cours de cette transition sera essentiel pour faciliter de nouvelles victoires électorales, à commencer par les élections en Espagne cet automne. Podemos et ses alliés des mouvements sociaux y ont une opportunité significative de l’emporter. »

Je reste cependant convaincu qu’une alternative systémique ne passe pas par la rupture avec les institutions européennes, mais par leur réforme en profondeur par l’intérieur, ce qui n’interdit pas, bien entendu, comme le dit Cédric Durand, de faciliter sur le terrain de nouvelles victoires électorales.

On peut s’attendre à ce que l’élite européenne soit impitoyable, prévoyait Cédric Durand. C’est évident et elle l’a déjà démontré, mais utilisons les mêmes armes qu’elle et notamment le lobbying.

Voilà donc une idée à creuser. D’autres peuvent s’y ajouter. Mais ne répondons pas à l’abominable TINA par une marche arrière ou par… un autre TINA !

Pierre Verhas - (publié antérieurement sur uranopole.over-blog.com le) 1 septembre 2015