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Le 21 août, le Bureau du PS, c'est-à-dire Elio Di Rupo, décide d'un « changement profond » du Parti suite aux affaires qui l'ont ébranlé et suite à l'éviction du PS du gouvernement wallon. Bon nombre pensent, et non des moindres, comme Paul Magnette, l'ancien ministre président de la Wallonie destitué par un coup politique de la droite, bourgmestre de Charleroi et candidat proclamé à la succession d'Elio Di Rupo, que cela peut sonner le glas du Parti socialiste en Belgique francophone.

 

Alors ? Ce « changement profond » va-t-il tout à coup inverser le cours des choses ? On peut en douter.

 

N'est-ce pas plutôt une énième opération de « com » dont Di Rupo a le secret depuis des années ? Cerise sur le gâteau : tout cela est accompagné de la parution à grande publicité d'un livre dont l'auteur est l'actuel président du PS, qui s'intitule : « Nouvelles conquêtes » dont la bande proclame : « A gauche pour un monde plus juste »... Le choix du titre, on s'en doute, a fait éclater de rire les réseaux sociaux où certains ne se sont pas privés de se livrer à des jeux de mots plus ou moins scabreux. De plus, l'accueil des médias est plutôt mitigé.

 

 

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Elio Di Rupo présentant son livre. Une belle opération de "com" dont il a le secret...

 

Le fameux « chantier des idées » qui a été initié par Di Rupo dès sa sortie du gouvernement fédéral en 2014 juste après s'être fait réélire président du PS alors que son mandat n'était pas terminé. Ce « chantier » qui a débuté en 2015 lors d'un rassemblement à Liège est censé faire un aggiornamento idéologique. Il semble enfin aboutir après s'être manifestement assoupi pendant quelques mois. Le voici tout à coup relancé ! Tout cela sera définitivement adopté lors d'un Congrès prévu le 26 novembre prochain.

 

On en sait relativement peu, mais ce qui a été livré au public montre une orientation inquiétante. Sous couvert « d'écosocialisme » de « gauche », c'est en réalité un socialisme libéral qui sera soumis aux « militants ».

 

On peut surtout douter que le « chantier des idées » réponde aux défis de notre temps tels que les expose Jean-Pierre Garnier dans le chapitre IV intitulé « Le capitalisme comme mode de destruction » de son ouvrage De l'escrologie. (Librairie Tropisme – Bruxelles – éd. Agone)

 

« Avec l'avènement du néo-libéralisme et l'effacement du mouvement ouvrier, puis l'effondrement du « socialisme réel » et l'évanouissement, provisoire sinon définitif, des idéaux d'émancipation collective, le capitalisme est entré, depuis les années 70, dans une nouvelle période historique caractérisée par la disparition progressive des entraves politiques à son développement. En même temps que la bourgeoisie, désormais transnationalisée, retrouvait ainsi sa pleine liberté, a ressurgi la barbarie dans toute son ampleur : généralisation de la misère, jusque dans les sociétés « développées », multiplication des « guerres préventives » au nom du « droit d'ingérence humanitaire », institutionnalisation des représailles de masse contre les populations civiles sous la forme embargos mortifères, et de la torture au nom de « la lutte contre le terrorisme », montée de l'obsession sécuritaire justifiant une gestion policière de la question sociale, et, last but not least, dégradation accélérée de « l'environnement ». Exclusivement tourné vers sa reproduction illimitée, le mouvement « aveugle » du capital se trouve ainsi au cœur d'une crise de civilisation planétaire.

 

L'accroissement des inégalités et, pour une partie de l'humanité, de la précarité et de la pauvreté, la fréquence des situations conduisant au déchaînement de la violence d'État et les atteintes aux conditions géophysiques de la reproduction de la vie sur le globe terrestre ne sont pas des phénomènes sans liens entre eux, mais différentes manifestations d'un système socio-économique dont les dérèglements sont enracinés dans ses fondements. Loin d'être, en effet, le système rationnel que ses apologistes décrivent, la société fondée sur le « marché » est marquée par une irrationalité profonde, si profonde qu'elle porte en elle-même son autodestruction. »

 

Aucun de ces constats n'apparaît clairement dans les travaux du « chantier des idées ». Les propositions qui sont faites consistent en un catalogue de mesure sans aucune ligne directrice. N'osons pas dire sur le plan idéologique. Et ce n'est pas « l'écosocialisme » proclamé par le président du PS qui fera illusion !

 

Il est en premier lieu proposé d'abandonner ce qui fut un des piliers fondamentaux du PS depuis sa fondation en 1884 : la lutte des classes qui est inscrite dans la Charte de Quaregnon qui, elle, répondait aux défis de l'époque. C'est la raison pour laquelle elle servit de pilier à un mouvement politique qui marqua profondément la vie sociale en Belgique pendant plus d'un siècle. Aussi, même si la Charte méritait un aggiornamento, cet abandon du principe fondamental est inacceptable pour un socialiste. La lutte des classes est une réalité que des millions d'êtres humains vivent quotidiennement et dans bien des cas tragiquement. Nier sa réalité ou considérer qu'il s'agit d'une vieillerie idéologique est tout simplement aberrant !

 

Quand une entreprise délocalise laissant sur le carreau des centaines de travailleurs, n'est-ce pas un épisode de la lutte des classes ? N'est-ce pas un affrontement entre ceux qui détiennent le capital et ceux qui louent leur force de travail souvent au prix le plus bas, où le rapport des forces est bien inégal ?

 

Lorsque Caterpillar a fermé à Gosselies provoquant non seulement plusieurs centaines de sans-emplois et entraînant la faillite de plusieurs entreprises qui travaillaient en sous-traitance avec le géant américain et donc une catastrophe économique pour la région, n'est-ce pas là aussi une forme de lutte des classes où les détenteurs de la puissance disposent à leur gré des plus faibles qu'eux ?

 

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Les travailleurs de Caterpillar Gosselies en grève suite à l'annonce de la fermeture pure et simple d'une des plus grandes entreprises du pays de Charleroi. N'est-ce pas de la lutte des classes ?

 

Lorsqu'un patronat surpuissant impose le démantèlement du droit du travail ainsi que la traque et la précarisation des chômeurs à un gouvernement présidé par un Socialiste, n'est-ce pas là aussi un aspect de la lutte des classes ?

 

Rappelons que ce n'est pas la première fois que des dirigeants du PS ont souhaité supprimer la référence à la lutte des classes. Ce fut le cas en 1982 lorsque Guy Spitaels, alors tout puissant président du PS, a inscrit dans la révision des statuts à l'occasion du Congrès « Rénover et agir II », la suppression de la mention « lutte des classes » de l'article 1er. Il y eut à l'époque une telle opposition que Spitaels dut renoncer. Mais le ver était dans le fruit.

 

Privatisations et fédéralisation de la Sécu...

 

Lorsqu'il était Premier ministre, Elio Di Rupo a accepté sous la pression du patronat la dégressivité des allocations de chômage, cela déclencha un tollé dans le monde du travail. Il ne mesura l'ampleur du mécontentement que lorsqu'il était devenu chef de l'opposition et il a osé déclarer que face aux conséquences de sa propre mesure, « son cœur saignait. » ! Il saignait pour un énième épisode de la lutte des classes, tout simplement.

 

D'ailleurs durant sa longue carrière ministérielle au gouvernement fédéral, Di Rupo a d'ailleurs directement ou indirectement participé aux nombreuses privatisations des services publics en commençant par la Sabena, puis ce fut Belgacom, puis la Poste, sans compter les organismes publics de crédit comme le Crédit communal qui est devenu Dexia avec le résultat catastrophique que l'on sait. Elio en fut même administrateur. Tout cela sans qu'il n'y eut de réelles contestations au sein du PS ; ce qui prouve qu'il a été caporalisé. Trop de membres devaient leur carrière, même au plus bas niveau, au PS. Aussi, régna l'omerta.

 

Cette permanente confusion entre la « communication » et des idées de plus en plus floues est insupportable. Le terrible défaut de la social-démocratie, car il y a belle lurette que nous ne sommes plus à l'époque des « socialistes », est le double langage. Côté cour, on tient un discours de gauche teinté de moralisme, de l'autre, on prend des décisions et des positions qui vont à l'encontre du discours.

 

Ensuite, on en est arrivé à appliquer les décisions exigées par le monde du capital. Alors, Elio a trouvé la parade : « Si nous n'étions pas là, ce serait pire ! ».

 

Autrement dit, nous devons être absolument au pouvoir pour maintenir, voire « sauver » les acquis sociaux, garder intact le « modèle social », ne pas toucher à la Sécu qu'il n'est pas question de régionaliser. Ah oui ?

 

La sixième réforme de l'Etat qui fut l'œuvre du gouvernement Di Rupo (premier et... dernier) a eu pour conséquence de régionaliser les allocations familiales et plusieurs branches de l'assurance maladie. Une fois de plus, le double langage et la capitulation devant les diktats des ultralibéraux et des flamingants qui font pour le moment un bout de chemin ensemble pour démolir tout ce qui peut encore l'être. Merci Elio !

 

A quoi sert désormais le PS ?

 

Cet attentisme, cette soif du pouvoir pour le pouvoir ont profondément changé la structure et la sociologie du Parti. Les militants se sont effacés pour faire place à de jeunes ambitieux avides de places dans les nombreux organismes d'intérêt public (OIP) générés par les gouvernements fédéral comme régionaux où le PS y exerçait le pouvoir. L'Institut Emile Vandervelde, le bureau d'études du PS, est devenu le cabinet des cabinets. Il est composé de jeunes universitaires recrutés pour la plupart dans les universités wallonnes sans qu'il leur soit demandé un engagement à l'égard des principes fondamentaux censés guider le Parti socialiste. C'est donc le règne des technocrates qui ont été dirigés pendant plusieurs années par une femme aussi redoutable que de grande qualité, Anne Poutrain, qu'on a surnommé la « Première ministre bis » à l'époque du gouvernement Di Rupo.

 

Si ce changement de structure fit preuve d'une grande efficacité reconnue d'ailleurs par les adversaires des socialistes, elle eut pour conséquence de dénaturer le Parti. La modernité, c'est très bien, c'est indispensable, mais cela ne doit pas effacer l'essentiel.

 

Et c'est justement cet essentiel qui est... essentiel.

 

Nul ne sait aujourd'hui où est et où va le PS. Par contre, on voit très bien comment la société se transforme au seul profit de l'ultralibéralisme.

 

Alors, la véritable question est : à quoi sert-il ?

Il est irritant de constater que le PS, pendant des années, a été le premier parti à Bruxelles et en Wallonie. Malgré cela, il n'est porteur d'aucune grande réforme où il aurait pu y poser sa marque. Il s'est contenté de gérer au fédéral. À Bruxelles, les Socialistes n'ont guère dépassé le stade de l'électoralisme et du municipalisme. En Wallonie, ce fut avant tout la mise en place d'une série d'OIP qui ont servi à placer des « amis » et à se soustraire au contrôle démocratique du Parlement wallon. Une véritable nomenklatura PS a été mise en place. De plus, le clientélisme s'est étendu au point qu'il est entré dans les mœurs.

 

Et même à autre niveau, l'Europe, le PS – et cela va bien au-delà de la Belgique francophone – s'avère incapable de réagir efficacement. Ainsi, c'est Philippe Moureaux qui l'a rapporté. Lors des négociations sur le traité de Maastricht en 1992, à l'époque où plusieurs Etats membres étaient dirigés par des majorités sociale-démocrates, il tint une conversation avec Laurent Fabius où tous deux déploraient ne pas avoir obtenu les harmonisations fiscale et sociale qui auraient évidemment changé fondamentalement la philosophie du traité et bien des événements se seraient déroulés autrement. Voilà encore une preuve de la faiblesse politique des sociaux-démocrates.

 

Les scandales récurrents depuis une vingtaine d'années dans les deux grandes villes de Wallonie, Liège et Charleroi n'ont eu guère d'impact sur le Parti ni, il est vrai, sur les résultats électoraux. Cependant, rien n'a été sérieusement fait pour mettre fin à ce « système ». Ce n'est qu'après les toutes récentes affaires Publifin à Liège, ISPPC à Charleroi et Samusocial à Bruxelles que dans une certaine panique, la direction du PS a bougé, sentant venir le cataclysme. On s'est penché sur le cumul des mandats en votant la solution minimaliste au Congrès de l'Eau d'Heure au début pluvieux de cet été. Or, si le cumul des mandats est un aspect du problème, il est loin d'être le seul. Une fois de plus, on choisit l'échappatoire.

 

Est-ce à dire que tous les mandataires socialistes travaillent pour leurs « seuls » intérêts ? Rien n'est plus faux. Bien des responsables socialistes mènent une action formidable sur le plan social, local et régional n'hésitant pas à consentir des sacrifices pour tenter de sortir un maximum de gens de la précarité et de leur donner un meilleur cadre de vie. Et sur le plan fédéral, un parlementaire comme Ahmed Laaouej, grand spécialiste des finances publiques, met régulièrement le gouvernement NVA-MR en difficulté.

 

Citons aussi le député européen Marc Tarabella qui, bien qu'étant peu soutenu par son groupe social-démocrate dominé par le SPD allemand, s'obstine à tenter d'imposer une vision socialiste des questions relevant des compétences européennes.

 

Nous avons évoqué dans un autre article le cas de Madame Christine Poulin, bourgmestre de Walcourt, qui s'est battue pour que sa commune accepte des familles de migrants. Voilà, parmi beaucoup d'autres, un exemple de militante socialiste fidèle aux principes fondamentaux du Socialisme.

 

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Christine Poulin, bourgmestre (maire) de Walcourt a réussi à surmonter l'hostilité de la population de sa commune pour permettre à des familles de migrants de s'y installer et de s'y épanouir.

 

Ce sont ceux-là et bien d'autres encore que nous n'avons pas cité qui forment avec de nombreux militants imprégnés de l'idéal socialiste, la base qui pourra tout changer. Mais leur en laissera-t-on la possibilité ? Ou plutôt, auront-ils les moyens d'y arriver ?

 

Et sans ce changement, le PS ne sert plus à rien.

 

Certains, même à gauche, se réjouissent de la déliquescence de la principale formation de gauche en Belgique francophone pensant que s'ouvrirait la voie vers une réelle force de gauche. Ils ont tort, car qui, désormais, va constituer une puissante force de gauche dans le pays ? Certes, il faut compter avec le PTB, mais ce ne sera pas suffisant. Quant à Ecolo, il prend de plus en plus une orientation centriste.

 

Le Parti du Travail de Belgique est certes la force de gauche qui monte. Ce parti issu du mouvement « Amada » (Alle macht aan de arbeiders : tout le pouvoir aux travailleurs) qui est né des grèves des mineurs du Limbourg de 1970 et qui s'est mué en un parti d'abord flamand, PvdA (Partij van den Arbeid, Parti du Travail) s'est étendu dans tout le pays dans les années 1990 et est devenu le PTB-PvdA qui a emporté deux sièges à la Chambre lors des dernières élections fédérales de 2014 : les députés liégeois Raoul Hedebouw et bruxellois Marco Van Hees qui sont très actifs au point qu'Hedebouw est devenu une « bête » médiatique et Van Hees, grand spécialiste de la fiscalité, un opposant redoutable dans les domaines économiques et financiers. D'autre part, le PTB s'est basé sur les Maisons médicales et a profondément infiltré les organisations syndicales où il y exerce une forte influence.

 

Sa grande force par rapport au PS est d'être sur le terrain social et sur celui des luttes. Cela devrait aussi faire partie de la réflexion des dirigeants socialistes !

 

Le problème posé par le PTB est que sa structure est inspirée du maoïsme. Même si, incontestablement, il évolue, il n'arrive pas (encore ?) à s'ouvrir à des forces de gauche qui pourraient être un appoint pour reconstituer une grande force de gauche démocratique. Malheureusement, on est fort loin du compte.

 

Aussi est-on mal parti. Si le PS disparaît de la scène politique, il y aura un grand vide à gauche.

 

Une autre question : le PS peut-il se réformer en profondeur ?

 

Dans sa structure actuelle et avec Elio Di Rupo, incontestablement non, surtout quand on lit le projet de manifeste qui devrait remplacer la très ancienne et très forte Charte de Quaregnon datant de 1884 qui constitue jusqu'aujourd'hui le fondement du socialisme en Belgique.

 

Pierre Verhas

 

Il est intéressant de comparer les deux textes. On sera édifié sur l'évolution des choses et surtout sur les renoncements que contient le projet de manifestes proposé aux membres du Parti socialiste.

 

Cela fera l'objet de la prochaine livraison d'Uranopole.