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Le suicide de l’Union européenne

Le 24 février 2022 marque le début de la fin du projet « Union européenne ». Une grande et belle idée s’effondre. Celle exprimée il y a longtemps par plusieurs grands esprits comme Victor Hugo, Johann Wolfgang von Goethe, Henri Lafontaine, Jose Ortega y Gasset et bien d’autres qui consistait à unifier les peuples d’Europe afin de bâtir la paix dans la liberté et la prospérité.

Victor Hugo avait dit :

« Un jour viendra où vous France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne... Un jour viendra où il n'y aura plus d'autres champs de bataille que les marchés s'ouvrant au commerce et les esprits s'ouvrant aux idées. »

 

Victor Hugo fut un des premiers promoteurs de l'union des peuples d'Europe au XIXe siècle.

Cet extrait d’un discours du grand écrivain français à l’Assemblée nationale française cité par Gabrielle Lefèvre (https://www.entreleslignes.be/humeurs/zooms-curieux/quand-sombre-l%E2%80%99europe ) et lu un jour par le dernier secrétaire général de l’Union Soviétique, Michaïl Gorbatchev, qui souhaitait construire une « maison commune » sur le vieux continent, montre combien certains œuvraient pour cette idée grandiose qui a été galvaudée par la cupidité et la lâcheté.

                              

Mikhaïl Gorbatchev, le dernier chef d'Etat de l'URSS, avait vu juste et avait un grand projet pour l'unité des peuples d'Europe. Il fut saboté par les dirigeants européens.

En effet, si les fondateurs de l’Union européenne se sont inspirés de ces grands anciens, ils ont échoué à faire de l’Europe une entité à la fois autonome et universaliste. Ce qu’on appelle la construction européenne s’est élaboré dans le cadre de la rivalité entre les deux grandes puissances impérialistes de l’époque, les Etats-Unis et l’Union Soviétique. Les institutions européennes se sont dès le début inscrites dans le camp « occidental » et capitaliste. L’affaire était donc viciée au départ : comment construire un édifice pacifique lorsqu’on faut partie d’un des camps antagonistes ?

Certes, le continent européen a vécu dans une paix relative pendant près de cinquante ans. Cependant, des guerres se déroulaient dans tous les continents et des pays européens y étaient mêlés directement ou non. Les guerres de décolonisation, la guerre de Corée, les deux guerres du Vietnam, les guérillas en Amérique latine, les guerres au Proche Orient ont eu lieu dans le cadre d’une « drôle de paix » entre les deux « Grands » qu’on a appelé la guerre froide.

Et dès la chute du Mur de Berlin et du communisme en Europe de l’Est, les démons de la guerre se sont réveillés en Europe centrale et en premier lieu dans les Balkans. En 1990, la Yougoslavie a éclaté. Et là, l’Union européenne qui s’appelait encore Communauté économique européenne, a raté une occasion unique de s’imposer comme force de paix. Au lieu de se présenter comme une entité neutre capable de faire pression sur les différentes parties en conflit, les Etats-membres sous la pression américaine de l’Allemagne et du… Vatican ont reconnu deux régions séparatistes : la Slovénie et la Croatie qui font aujourd’hui partie de l’Union européenne. Un ennemi était désigné : la Serbie, comme par hasard de culture slave orthodoxe et proche de la Russie. Cela provoqua une guerre atroce où fut pratiquée des deux côtés ce qu’on a appelé « l’épuration ethnique » ! Des troupes de différents Etats-membres au nom de l’ONU et de l’OTAN furent envoyées pour servir d’intermédiaires entre les belligérants sans obtenir un résultat. L’exemple du massacre de Srebrenica en est une tragique preuve, alors que les troupes hollandaises étaient présentes ! En Bosnie, les Occidentaux ont soutenu les musulmans contre les Serbes, les deux s’étant livrés à des atrocités innommables. Résultat : une Yougoslavie démantelée en plusieurs petits Etats avec deux d’entre eux qui demeurent sources de conflits : la Macédoine du Nord et le Kosovo, sans oublier la Bosnie qui connaît à nouveau des tensions. Tout cela fut imposé par la puissance étatsunienne dans le cadre des fameux accords de Dayton qui se montrent aujourd’hui très fragiles. Les armes pourraient à nouveau parler en Bosnie et au Kosovo.

Le terrible massacre de Srebenica a montré la dramatique faiblesse de l'Union européenne.

Aujourd’hui, la guerre en Ukraine n’est en définitive que la suite logique et tragique de cette absence de politique stratégique en Europe. On se réfère toujours au même, mais dès 1960, le général de Gaulle avait compris que la France et l’Europe n’avaient aucun intérêt à s’aligner dans ce qu’on appelait à l’époque les « tensions Est-Ouest », c’est-à-dire la rivalité entre les Etats-Unis et l’Union soviétique. Et, malgré la chute du Mur de Berlin suivie de l’effondrement de l’Union Soviétique, l’Union européenne est toujours « scotchée » à la stratégie géopolitique des USA.

Les empires blessés

On dit qu’un animal blessé est dangereux. C’est le cas aussi des empires. La guerre en Ukraine dite « opération militaire spéciale » en est la tragique illustration. Cette guerre est en réalité l’affrontement par « délégation » entre les Etats-Unis et la Russie.

Que l’on condamne sans appel l’agression déclenchée par Poutine est une chose essentielle, mais cela ne doit pas interdire d’analyser les tenants et les aboutissants de cette tragédie qui montre que le continent européen reste toujours un champ de bataille. Celui de l’affrontement entre deux empires blessés. Cela ne doit pas faire oublier les massacres dans le Donbass qui se sont déroulés dès 2014 et qui servirent de prétexte à « l’opération militaire spéciale » décidée par Poutine. Tout n’est ni blanc ni noir en cette tragédie.

Vladimir Poutine s'est lancé dans une aventure criminelle qui peut à terme mettre fin à son empire.

Oui, nous avons affaire à deux empires en déclin. L’hégémonie mondiale économique et militaire des Etats-Unis d’Amérique s’effrite. La mondialisation prétendument « heureuse » ou néolibérale est un échec colossal. Elle a montré sa fragilité dès le surenchérissement des prix de l’énergie. Elle a créé un déséquilibre industriel, commercial et social en désindustrialisant aux Etats-Unis et en Europe pour délocaliser en Chine et aussi en Russie. La situation économique étatsunienne actuelle est catastrophique : son abyssal endettement et son colossal déséquilibre de la balance des paiements prennent des proportions dangereuses aussi bien pour les USA que pour le reste du monde.

Et n’oublions pas ses dramatiques échecs diplomatiques et militaires qui ont entamé sa puissance. La récente débâcle en Afghanistan l’a tragiquement montré. Quel terrible symbole : quelques milliers de talibans fanatiques ont réussi à humilier la plus grande puissance mondiale devant le monde entier ! Quelle confiance, dès lors, peut-on avoir envers la « protection » américaine ?

Le président US Joe Biden s'enferre dans le bellicisme en multipliant les déclarations provocatrices.

La Russie, quant à elle, composée des territoires de l’ex URSS dépouillés de plusieurs de ses anciens Etats qui, à l’exception d’un seul, la Biélorussie, se sont montrés hostiles à Moscou.

Sa grande faiblesse est de ne pas avoir réussi à se débarrasser des oripeaux de l’Union Soviétique. La nomenklatura soviétique a été remplacée par les oligarques dès la fin de l’URSS. L’infrastructure de cet immense pays comme son industrie sont obsolètes, cependant la Russie reste un important exportateur de matières premières dont le gaz, évidemment, le pétrole, le blé, l’aluminium, le lithium, l’uranium. Et, en cela, il est évident que les dirigeants de l’Union européenne n’en ont pas pris la mesure en décrétant les sanctions-embargos contre la Russie.

Dépouillée de ses anciennes républiques à l’Ouest et dans le Caucase, la Russie s’est trouvée acculée. Une guerre a déjà eu lieu en Géorgie où les Russes l’ont emporté. Il ne faut pas oublier non plus la guerre en Tchétchénie qui s’est déroulée dans des conditions atroces, dont on ne sait pas très bien qui en est le vainqueur. Quant à l’Ukraine, jusqu’en 2014, elle s’est montrée plutôt proche de Moscou. C’est en 2014, lors du renversement du régime pro-russe que le rapport de forces a changé et l’Union européenne en porte une grande responsabilité. En effet, elle a signé un traité de libre-échange avec l’Ukraine. Aussi, par effet domino, il aurait concerné la Russie puisque celle-ci avait déjà contracté un traité de libre-échange avec l’Ukraine.

 

La place Maidan en 2014, lieu emblématique de l'insurrection nationaliste ukrainienne. On remarque les drapeaux de l'Union européenne.

C’était évidemment la porte ouverte au conflit. De plus, depuis qu’il est élu, Zelensky s’est montré particulièrement agressif dans le Donbass. Dès lors, la tension n’a cessé de croître jusqu’à ce fatidique 24 février 2022 où Poutine a envoyé ses troupes dans une « opération militaire spéciale » qui s’est transformée en une aventure militaire meurtrière. Il est vrai que, comme l’écrit Natacha Polony dans « Marianne » :

« La résistance et même les contre-offensives de l’armée ukrainienne s’expliquent par le fait qu’elle dispose d’un arsenal ultramoderne fourni par les pays de l’OTAN et de l’avantage immense que confère le renseignement américain. La formation de l’armée ukrainienne par des instructeurs occidentaux, bien sûr, à 2014, mais on ignore ce qu’il en est depuis le déclenchement de l’attaque russe le 24 février. Un reportage de Régis Le Soummier, publié au début d’avril dans le Figaro Magazine, décrivait comment les volontaires français rejoignant l’Ukraine étaient très officiellement pris en main, à 60 km à l’ouest de Lviv, par un vétéran de l’armée américaine… »

Il est vrai que les Etats-Unis ont fourni des armes à l’Ukraine pour 33 milliards de dollars, ce qui est colossal. Et le 19 mai, le Sénat US a débloqué en plus 40 milliards d’aide à l’Ukraine dont 6 milliards consacrés à l’achat de blindés et d’équipements ultramodernes. Il est dès lors évident que les dirigeants étatsuniens cherchent à acculer la Russie qui se montrera incapable à s’opposer efficacement à une contre-offensive ukrainienne.

Ajoutons que les missiles qui ont coulé le croiseur Moskva, fleuron de la flotte militaire russe, en Mer Noire, ont sans doute été tirés par des « conseillers » américains en Ukraine. Et la même Natacha Polony pense que les démocrates étatsuniens qui attribuent à Poutine la responsabilité de la défaite de Hillary Clinton en 2016, sont directement intervenus dans cette guerre d’Ukraine. De toute façon, la résistance ukrainienne qui est apte à vaincre l’armée russe est un élément fondamental qui pourrait profondément changer la donne.

 

Le croiseur Moskva coulé sans doute par des missiles US tirés du territoire ukrainien. Une terrible humiliation pour Poutine.

Cependant, cette guerre est pleine de risques. Le premier d’entre eux est celui de l’extension du conflit. De régional, il pourrait devenir européen, voire mondial. Dans une tribune désormais célèbre, parue dans le « Figaro » du 12 mai 2022, Henri Guaino, ancien conseiller à la présidence de Nicolas Sarkozy, s’inquiète de l’évolution de cette guerre. Se référant à l’historien australien Christopher Clark sur les causes de la Première guerre mondiale, Les Somnambules, été 1914: comment l’Europe a marché vers la guerre, Flammarion, 2013, Guaino intitule sa tribune : « Nous marchons vers la guerre comme des somnambules. » En effet, l’Europe semble subir l’événement, ne prend aucune mesure pour enrayer cette guerre et, bien au contraire, l’Union européenne et particulièrement la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, s’aligne sur les prises de positions les plus radicales, c’est-à-dire celles des dirigeants démocrates étatsuniens. De plus on peut craindre qu’un engrenage infernal se soit mis en route. Henri Guaino le compare aux débuts de la Première guerre mondiale.

 

Henri Guiano, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, a publié une analyse fouillée et lucide du conflit Russie - Ukraine.

« En 1914, aucun dirigeant européen n’était dément, aucun ne voulait une guerre mondiale qui ferait vingt millions de morts mais, tous ensemble, ils l’ont déclenchée. Et au moment du traité de Versailles aucun ne voulait une autre guerre mondiale qui ferait soixante millions de morts mais, tous ensemble, ils ont quand même armé la machine infernale qui allait y conduire. »

Comment cela ?

Comme l’explique Henri Guiano : « En étendant l’OTAN à tous les anciens pays de l’Est jusqu’aux pays Baltes, en transformant l’Alliance atlantique en alliance anti-Russe, en repoussant les frontières de l’Union européenne jusqu’à celles de la Russie, les États-Unis et l’Union européenne ont réveillé chez les Russes le sentiment d’encerclement qui a été à l’origine de tant de guerres européennes. Le soutien occidental à la révolution de Maïdan, en 2014, contre un gouvernement ukrainien prorusse a été la preuve pour les Russes que leurs craintes étaient fondées. L’annexion de la Crimée par la Russie et son soutien aux séparatistes du Donbass ont à leur tour donné à l’Occident le sentiment que la menace russe était réelle et qu’il fallait armer l’Ukraine, ce qui persuada la Russie un peu plus que l’Occident la menaçait. L’accord de partenariat stratégique conclu entre les États-Unis et l’Ukraine le 10 novembre 2021, scellant une alliance des deux pays, dirigée explicitement contre la Russie et promettant l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan, a achevé de convaincre la Russie qu’elle devait attaquer avant que l’adversaire supposé soit en mesure de le faire. C’est l’engrenage de 1914 dans toute son effrayante pureté. »

Et cela répond à la doctrine des néoconservateurs étatsuniens élaborée en 1998 par l’ancien conseiller stratégique de Jimmy Carter, Zbigniew Brzezinski, lui-même d’origine polonaise, dans un ouvrage intitulé Le Grand Echiquier. Cet extrait de l’introduction de ce livre est révélateur :

Zbigniew Brzezenski, ancien conseiller de Jimmy Carter, a défini la position stratégique étatsunienne en Europe.

« La maîtrise des nouveaux instruments de pouvoir (la technologie, les communications, l'information, aussi bien que le commerce et les finances) est indispensable. Pour autant, la politique étrangère des États-Unis doit aujourd'hui encore prendre en compte la dimension géopolitique el utiliser toute son influence en Eurasie pour créer un équilibre durable sur le continent et y jouer un rôle politique d'arbitre. L'Eurasie reste l'échiquier sur lequel se déroule la lut1e pour la primauté mondiale. Pour y participer, il est nécessaire de se doter d’une ligne géostratégique, c'est-à-dire de définir une gestion stratégique de ses intérêts géopolitiques. Dans un passé récent, en 1940, deux candidats à la suprématie mondiale, Adolf Hitler et Joseph Staline, se sont entendus (lors de négociations secrètes qui ont eu lieu en novembre de cet1e année-là) pour exclure l’Amérique de l'Eurasie.

Tous deux avaient compris que la pénétration de la puissance américaine en Eurasie mettrait fin à leurs espoirs de domination, ils partageaient un même postulat : l'Eurasie se situant au centre du monde, quiconque contrôle ce continent, contrôle la planète. Un demi-siècle plus tard, les perspectives ont changé : la primauté américaine en Eurasie sera-t-elle durable et quelles fins peut-elle servir ? La politique américaine doit viser des objectifs généreux et visionnaires. Elle doit favoriser les liens nécessaires à une vraie coopération mondiale en accord avec les tendances à long terme et les intérêts fondamentaux de l'humanité.

L'apparition d'un concurrent en Eurasie, capable de dominer ce continent et de LA POLITIQUE D'UNE SUPERPUISSANCE.  Défier l’Amérique, remettrait en cause ces objectifs. »

La tête de pont démocratique de Brzezenski englobe la France, le Bénélux, le Danemark, l'Allemagne, la Pologne et l'Ukraine, noyau critique de la sécurité européenne vis-à-vis de la Russie.

La tête de pont démocratique de Brzezenski englobe la France, le Bénélux, le Danemark, l'Allemagne, la Pologne et l'Ukraine, noyau critique de la sécurité européenne vis-à-vis de la Russie.

L’Union européenne aux abonnés absents

Ainsi, les Etats-Unis, via l’OTAN, dominent stratégiquement ce conflit. Ils sont maîtres du jeu. Veulent-ils l’étendre afin de conforter leur domination sur le continent « Eurasie » ? Sans doute. L’avenir nous le dira. En attendant, l’Union européenne est aux abonnés absents. Ses dirigeants se sont impliqués comme s’ils considéraient que l’Union était elle-même agressée. Elle n’a pour riposte que les sanctions et la livraison d’armes aux Ukrainiens.

Les sanctions ? On se tire une balle dans le pied. Prenons comme exemple le gaz. La présidente de la Commission Ursula von der Leyen passe un accord avec les USA pour acheter du GNL (Gaz Naturel Liquéfié) avec les USA. C’est ke fameux gaz de schiste qui est très cher. Pourtant, le gazoduc traversant l’Ukraine pour ravitailler l’Allemagne et d’autres pays de l’UE fonctionne toujours malgré la guerre, l’Ukraine touchant au passage des royalties – business as usual – malgré la guerre.

On n’a pas mesuré notre dépendance à la Russie. En coupant tout lien, l’UE ne tiendrait que trois mois, alors que la Russie trois ans. La Russie est le plus grand producteur mondial d’aluminium. Les produits chimiques de gaz viennent de Russie. Les dérivés du pétrole comme le gazole sont raffinés en Russie, etc. En plus, elle est le troisième producteur au monde de pétrole et aussi le premier exportateur mondial.

Et n’oublions pas la question du blé. En décrétant un embargo, on risque de provoquer une crise alimentaire mondiale, car la Russie et l’Ukraine sont les principaux exportateurs de blé au monde. Le Maghreb, en plus de l’Europe, pourrait être sérieusement touché.

Nul ne sait que sera l’issue de cette guerre. On peut cependant être certain qu’elle aura des conséquences désastreuses pour le continent européen. L’Union européenne s’avère incapable à défendre les intérêts vitaux des Etats-membres. Elle n’est plus que la courroie de transmission des intérêts des multinationales essentiellement américaines via les lobbies qui la gangrènent. Elle n’a pas réussi en soixante-cinq ans d’existence à s’accorder sur l’essentiel ; sa relation avec le monde.

La loi du plus fort ?

Henri Guiano conclut en citant Henri Kissinger : « “Si l’Ukraine doit survivre et prospérer, elle ne doit pas être l’avant-poste de l’une des parties contre l’autre. Elle doit être un pont entre elles. L’Occident doit comprendre que pour la Russie l’Ukraine ne pourra jamais être un simple pays étranger”. C’est par sa neutralisation que la Finlande a pu demeurer libre et souveraine entre les deux blocs pendant la guerre froide. C’est par sa neutralisation que l’Autriche est redevenue en 1955 un pays libre et souverain.

Le patriarche Henry Kissinger est toujours aussi lucide.

Faire aujourd’hui des concessions à la Russie, c’est se plier à la loi du plus fort. N’en faire aucune, c’est se plier à la loi du plus fou. Tragique dilemme. Un dilemme comme celui-ci, vécu dans la Résistance par le poète René Char :

“J’ai assisté, distant de quelque cent mètres, à l’exécution de B. Je n’avais qu’à presser la détente du fusil-mitrailleur et il pouvait être sauvé ! Nous étions sur les hauteurs de Céreste (…) au moins égaux en nombre aux SS. Eux ignorant que nous étions là. Aux yeux qui imploraient partout autour de moi le signal d’ouvrir le feu, j’ai répondu non de la tête (…) Je n’ai pas donné le signal parce que ce village devait être épargné à tout prix. Qu’est-ce qu’un village ? Un village pareil à un autre ?» Et nous, que répondrons-nous aux regards qui nous imploreront d’arrêter le malheur quand nous l’aurons fabriqué ? »

Le drame aujourd’hui : nul ne semble apte à arrêter le malheur !

Pierre Verhas

 

Source: https://uranopole.over-blog.com/2022/05/le-suicide-de-l-union-europeenne.html