En Juillet 2016, le gouvernement de Boris Johnson obtenait le consentement du parlement britannique pour la construction de quatre nouveaux sous-marins pour la rénovation du Trident nucléaire. Le Trident au Royaume Uni est un système d’armes nucléaires sous contrôle nord-américain dont le cout et l’entretien font partie de la contribution britannique à l’OTAN. La base du Trident est à Faslane en Ecosse.
Dans les quatre dernières années, les services de santé britannique ont plusieurs fois averti qu’il y avait danger de pandémie - mais les gouvernements successifs ne s’en sont pas souciés. Pire encore : alors que la pandémie battait son plein en Mars 2020, le gouvernement Johnson ne diminuait en rien la participation financière britannique a l’opération Defender Europe 2020.
Le Trident est composé de quatre sous-marins nucléaires qui peuvent chacun transporter jusqu'à huit missiles. Chaque missile peut transporter jusqu'à cinq ogives nucléaires, chacune environ huit fois plus destructrice que la bombe qui a écrasé Hiroshima en 1945. Un sous-marin Trident patrouille dans les mers du monde à tout moment.
Des contrats pour la construction des nouveaux sous-marins, d'une valeur de plusieurs milliards de livres, ont été attribués à BAE Systems, Rolls-Royce et Babcock Marine. Le montant à dépenser pour les nouveaux sous-marins serait de 25 à 31 milliards de livres sterling (41 milliards de dollars apprx), avec un fonds de réserve supplémentaire de 10 milliards de livres en cas de dépassement du budget du projet. Les sous-marins seront propulsés par une nouvelle conception de réacteur nucléaire, le PWR3, principalement dirigée par les États-Unis. L'usine Rolls-Royce de Derby (Royaume Uni) fabrique les réacteurs.
La Grande-Bretagne loue les missiles Trident II D5 à un pool américain de missiles, un arrangement qui devrait se poursuivre avec le système de remplacement. Le gouvernement paie 350 millions de livres pour participer à un programme de prolongation de la durée de vie des missiles afin qu'ils puissent être utilisés jusqu'au début des années 2040. Les États-Unis prévoient de développer de nouveaux missiles, et Washington a assuré qu’ils seraient compatibles avec le système de remplacement Trident actuel.
Il est largement admis que la conception des ogives du Royaume-Uni est basée sur la bombe W76 dont le système Trident américain est armé. En outre, plusieurs des composants vitaux de l'ogive britannique sont achetés aux États-Unis. On s'attend à ce que le stock d'ogives actuel dure jusqu'à la fin des années 2030. Une décision sur le remplacement de l'ogive devait être prise au Parlement, mais le gouvernement Johnson a été contraint d'admettre que le travail avait déjà commencé sur une nouvelle version lorsque les responsables du Pentagone ont révélé les détails du programme en février 2020.
Le gouvernement britannique continue d’investir considérablement dans l’Atomic Weapons Establishment (AWE) près de Reading, qui produit et entretient les ogives nucléaires britanniques. Il a été récemment révélé que les dépenses consacrées aux sites AWE ont doublé, passant de 2 milliards de livres sterling à près de 4 milliards de livres en une seule année !
Même avant que la pandémie de coronavirus ne mette en évidence le sous-financement chronique des soins de santé, la population du pays souffrait de dépenses publiques insuffisantes pour le logement, la santé, l'éducation, le développement culturel, etc. Avec la pandémie, les salaires et les retraites, et les emplois dans le secteur public, ont tous été touchés. La seule exception importante est l’engagement du gouvernement à remplacer Trident, malgré son coût faramineux. CND a calculé que le remplacement de Trident va coûter au moins 205 milliards de livres, sans compter que les projets du ministère de la Défense dépassent généralement largement le budget.
Les experts remettent de plus en plus en question la viabilité technologique du Trident, car les développements de la technologie des drones sous-marins rendent le système obsolète. L’énorme investissement en cours dans la technologie des drones signifie qu'à terme, Trident sera à la fois détectable et ciblable, et que le gouvernement gaspille les ressources du pays ou la population en a tant besoin pour préserver des milliers de vies humaines.
Certains partisans de Trident affirment que les armes nucléaires maintiennent la paix en agissant comme un « moyen de dissuasion ». Mais la dissuasion nucléaire ne se maintient que si la menace d’attaque nucléaire ne cesse d’augmenter. Le Trident a Faslane et sa rénovation « a tout prix » - en dépit de toutes les objections en termes de priorités, de dépenses spectaculaires et même de performance – jettent une lumière criante sur l’écart entre la non-planification d’une pandémie et la planification de moins en moins cachée de guerre nucléaire.
La Fondation Bertrand Russell, comme le CND et NoToNato d’ailleurs, fait appel aux États-Unis pour que ces derniers signent le Traite TPNW (prohibition de l’arme nucléaire) de 2017. Le travailliste Jeremy Corbyn est fortement admiré dans la classe ouvrière pour l’appui qu’il donne à ce Traité, entre autres. Mais pour l’ancien chef de la défense Sir Nicholas Houghton, Corbyn et son opposition à l’arme de dissuasion (Trident) mettent la sécurité de la nation en danger.
Que craignent donc des dirigeants haut placés dans les instances de l’État comme Houghton? Pour eux, la sécurité de la nation signifie la continuation de la capacité de cette nation d’imposer son pillage impérialiste au reste du monde. Demander aux États-Unis, ou à ces dirigeants, d’abandonner leurs moyens d’assurer l’impunité de ce pillage est certainement trop leur en demander.
Les mouvements de la paix ont besoin d’une alliance avec les organisations de la classe ouvrière. Le CND a une grande autorité dans les syndicats, et l’opinion anti-guerre de la classe ouvrière britannique est devenue très évidente dans le Parti Travailliste lorsque Corbyn dirigeait ce Parti. La récente Conférence de la nouvelle organisation nationale de gauche travailliste, The Labour Left Alliance (LLA), vient de s’exprimer massivement pour dire ‘non à l’Otan’ et ‘à bas le Trident’.
Les conditions sont favorables pour une collaboration plus organique et politique entre les mouvements de la paix, les syndicats et la gauche travailliste. Dans le Parti Travailliste, la gauche continue à progresser en dépit de la forte répression qu’exercent contre elle les fauteurs de guerre mondiaux dans le pays et dans le Parti.
Marie Lynam, membre de CND et du LLA, 27.8.2020 – Ce texte est basé sur des articles du CND (Campaign for Nuclear Disarmament) parus récemment.