Julian Assange : la fin d’une illusion
Il fallait s’y attendre. Nous nous faisions encore des illusions. Mais non, la réalité vient une fois de plus nous frapper : Pritti Patel, la Home Office Secretary (ministre de l’Intérieur britannique), vient de trancher. Elle autorise l’extradition de Julian Assange vers les Etats-Unis. C’est le clap de fin d’une fuite de plus de onze années. Certes, les avocats du fondateur de Wikileaks ont quatorze jours pour faire appel, mais la Haute Cour peut refuser la procédure d’appel et il y a fort à parier que ce sera le cas. Un appel précédent avait déjà été refusé par cette juridiction.
Quiconque dans ce pays devrait avoir honte !
« Quiconque dans ce pays se soucie de la liberté d'expression devrait avoir profondément honte que la ministre de l'Intérieur ait approuvé l'extradition de Julian Assange vers les États-Unis, le pays qui a comploté son assassinat. Julian n'a rien fait de mal. Il n'a commis aucun crime et n'est pas un criminel. Il est journaliste et éditeur, et il est puni pour avoir fait son travail » a déclaré son épouse Stella Morris. Julian Assange et elle ont convolé en mars dernier en prison. Stella Morris est son avocate depuis qu’Assange s’est réfugié à l’ambassade d’Equateur. Ils ont deux enfants.
Stella Assange et WikiLeaks ont déclaré que « ce n'est pas la fin du combat. Ce n'est que le début d'une nouvelle bataille juridique ». Si l'autorisation de faire appel est accordée, l'audience pourrait ne pas avoir lieu avant début 2023, a expliqué à l'agence PA Kate Goold, associée du cabinet d'avocats Bindmans et spécialisée dans les affaires d'extradition.
Même si l'appel est refusé, l'extradition pourrait être retardée pour des raisons de santé si Julian Assange « est trop malade, par exemple, s'il n'est en état de prendre l'avion ». Julian Assange « a également la possibilité de faire appel de la décision d'extrader pour des motifs liés aux droits de l'homme si cela est nécessaire pour éviter une véritable injustice » a-t-elle avancé. Il pourrait saisir la Cour européenne des droits de l'homme, un processus susceptible de prendre plusieurs années. Cependant, la saisine de la CEDH n’est pas suspensive de la décision d’extradition. Elle ne peut avoir comme conséquence que la condamnation éventuelle de l’Etat britannique.
Un dernier espoir...
Une autre pièce s’ajoute à ce dossier. Le nouveau Premier ministre australien, Anthony Albanese a affirmé lundi 20 juin qu'il entend s'engager « diplomatiquement » au sujet des poursuites engagées par les États-Unis à l'encontre de Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, qui se bat pour éviter d'y être extradé. Cet engagement politique d’un Etat membre du Commonwealth pourrait avoir beaucoup de poids.
Espérons !
Nous reproduisons ci-dessous le « papier » de Viktor Dedaj, un des rédacteurs resposables du site le « Grand Soir » qui se bat pour la libération de Julian Assange depuis des années, qui a traduit un nombre considérable d’articles sur cette tragique affaire et qui lutte depuis le début pour sa libération et… la liberté de la Presse. Il est ainsi le meilleur porte-parole francophone en l’occurrence.
Pierre Verhas
Le jour où le journalisme est mort
Malgré les appels de virtuellement toutes les organisations de défense des droits de l’homme, de défense de la liberté de la presse et de la liberté d’expression, d’organisations et de syndicats de journalistes, Priti Patel vient de signer l’extradition de Julian Assange. La défense a 14 jours pour faire appel. L’appel peut être refusé.
Il s’agit d’une grande victoire pour la presse institutionnelle qui a tout fait pour réduire "la plus importante affaire de presse de notre existence" (dixit John Pilger) en un vulgaire faits divers. Une presse qui a relayé pendant plus de dix ans tous les mensonges, calomnies et légendes urbaines qui ont servi d’écran de fumée pour occulter les vrais tenants et aboutissants. Le résultat fut celui qui avait été prévu et planifié dès 2010 : faire disparaître le cas Assange de la conscience collective et procéder à l’élimination - médiatique si possible, physique si nécessaire - du journaliste le plus innovant, primé, efficace et dangereux (pour les pouvoirs corrompus) du 21ème siècle.
Une presse si prompte à faire du "fact-checking" lorsqu’il s’agit de sauver un récit officiel mais si absente lorsqu’il s’agit de sauver le représentant le plus conséquent de notre droit de savoir. Des accusations de viol (qui n’ont jamais existé) jusqu’aux pseudos "mises en danger" de vies, en passant par la qualité de ses chaussettes, rien ne lui aura été épargné. Avec une mention spéciale pour tous ceux qui ont collaboré et profité et gagné de petites fortunes sur le dos de Wikileaks, et qui n’ont pas trouvé une once de courage - ou de volonté ? - pour exprimer leur solidarité avec lui.
Et comme à chaque fois que le nom de Julian Assange apparaît dans les fils de l’actualité, on assistera à un défilé de trolls en mission, dont certains sont munis d’une carte de presse, qui nous asséneront leurs conneries habituelles. Je serais tenté de dire que l’Histoire leur sera ingrate, mais encore faut-il que l’Histoire ne soit pas réécrite au passage, comme ils l’ont déjà fait et comme ils sont encore en train de le faire.
Bien-sûr, ils diront qu’en ce qui concerne Assange et Wikileaks, il ne s’agissait pas vraiment de journalisme et que la presse institutionnelle sera toujours là pour nous informer correctement. Mais que voulez-vous que la presse des milliardaires dise d’autre ?
Le journalisme est mort non pas au fond d’un cachot, non pas d’une balle dans la tête, non pas dans l’explosion d’une voiture, ni même découpé dans une ambassade saoudienne. Il est mort le jour où il a choisi la complicité en laissant filer en silence et vers l’oubli le meilleur d’entre eux.
Viktor Dedaj
Source: https://uranopole.over-blog.com/2022/06/julian-assange-la-fin-d-une-illusion.html