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Guerre en Ukraine : l’impasse volontaire

La livraison d’octobre 2022 du Monde diplomatique contient une analyse fine et très documentée des enjeux de la guerre en Ukraine. Selon l’auteur, Pierre Rimbert, la mondialisation néolibérale à l’anglo-saxonne a changé de nature. Jusqu’à 2012, elle était inclusive : la Chine et la Russie y étaient associées via l’OMC. Depuis que les tensions ont monté entre la Russie et « l’Occident », il a été question de ne plus étendre le concept de mondialisation qu’aux pays « amis ». « Les délocalisations, oui, mais entre amis. » Cela a évidemment modifié les relations dans le monde industriel. Les blocs qui n’avaient jamais totalement disparu, se sont reconstitués et consolidés.

Les bombardements terroristes de Kiev reprennent. Cette fois-ci avec des drones kamikaze iraniens. (AFP)

Les bombardements terroristes de Kiev reprennent. Cette fois-ci avec des drones kamikaze iraniens. (AFP)

La mondialisation « régionalisée »

La mondialisation ou la globalisation anglo-saxonne s’est donc « régionalisée ». Auparavant, elle ne tenait pas compte de la situation géopolitique. Deux pays qui « hébergent chacun un Mc Donald’s ne se font pas la guerre » disait un essayiste du nom de Thomas Friedman – rien à voir avec feu l’économiste monétariste et ultralibéral Milton Friedman – Eh bien, non ! Il s’est trompé : les Mc Donald’s ne sont pas garants de la paix ! Aussi, notamment sous l’influence de Christine Lagarde, alors Directrice générale du FMI, on ne globalisera plus qu’entre « amis » ou plutôt entre les USA et leurs dévoués vassaux. C’est une des premières causes du conflit en Ukraine qui dépasse de loin le théâtre des combats. L’Occident – c’est-à-dire les USA et les pays anglo-saxons, l’Union européenne, le Japon, la Corée du Sud et quelques pays africains, du Sud-Est asiatique et d’Amérique latine – s’isole de plus en plus. Pour preuve, le vote de l’Assemblée générale des Nations Unies sur les sanctions à l’égard de la Russie. À l’exception des quelques pays comme la Chine, la Russie, la Corée du Nord qui ont voté contre les sanctions, la plupart des autres pays non occidentaux se sont abstenus. Ils représentent tous l’immense majorité de la population mondiale.

Vote de l'Assemblée générale de l'ONU du 3 mars 2022 condamnant l'agression russe en Ukrain. Une majorité de pays condamnent la Russie, mais les grands pays du Tiers-monde comme l'Inde, l'Afrique du Sud entre autres s'abstiennent. Tous les pays s'étant abstenus représentent les 2/3 de la population mondiale.de pays

Vote de l'Assemblée générale de l'ONU du 3 mars 2022 condamnant l'agression russe en Ukrain. Une majorité de pays condamnent la Russie, mais les grands pays du Tiers-monde comme l'Inde, l'Afrique du Sud entre autres s'abstiennent. Tous les pays s'étant abstenus représentent les 2/3 de la population mondiale.de pays

Carte des pays ayant appliqué des sanctions contre la Russie. Seuls les pays membres de l'OTAN moins la Turquie, le Japon et les pays anglo-saxons du Pacifique les appliquent.

Carte des pays ayant appliqué des sanctions contre la Russie. Seuls les pays membres de l'OTAN moins la Turquie, le Japon et les pays anglo-saxons du Pacifique les appliquent.

Certes, le récent vote des Nations Unies sur l’annexion illégale par la Russie des provinces du Donbass a été plus en défaveur de Moscou, mais on constate que les principaux pays du Tiers-monde se sont aussi abstenus.

Vote de la résolution de  l'Assemblée générale des Nations Unies condamnant l'annexion des provinces du Donbass par la Russie. Une majorité de pays ont voté la résolution, mais les grands pays du Tiers-monde se sont abstenus.

Vote de la résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies condamnant l'annexion des provinces du Donbass par la Russie. Une majorité de pays ont voté la résolution, mais les grands pays du Tiers-monde se sont abstenus.

C’est le signe d’un changement fondamental : l’Occident n’est plus le maître du jeu. Les Etats-uniens veulent isoler la Russie, ils n’y arrivent pas. C’est le contraire qui se passe !

D’ailleurs, les exigences de la globalisation anglo-saxonne rendent impossibles des accords avec un pays comme la Russie qui ambitionne d’être une grande nation politiquement et économiquement indépendante. Il suffit de s’en convaincre quand on lit les règles imposées par l’Union européenne dans l’accord de libre-échange avec l’Ukraine. Cet accord a été pris sous l’impulsion de la Pologne. Et il faut dire qu’il représente un avantage certain pour l’Union européenne : il permet de délocaliser les industries dans un pays proche avec une main d’œuvre à bon marché. C’est depuis 2009, à l’époque de la guerre russo-géorgienne que la Pologne pousse à un accord avec l’Ukraine qui pourrait aboutir à son adhésion pure et simple à l’UE. En clair, la Pologne veut faire un barrage entre l’Europe et la Russie. Cela se comprend sur le plan historique, mais c’est une grave erreur sur le plan géopolitique. On ne bâtit pas l’avenir sur les seules bases du passé !

Ce projet d’accord est à l’origine du conflit que nous connaissons aujourd’hui. Le gouvernement ukrainien Ianoukovitch, plutôt proche de la Russie, négocia cet accord dès 2010. Moscou fit pression sur les Ukrainiens pour qu’ils rompent cet accord. En 2013, l’Ukraine est contrainte d’y renoncer. Cependant, Ianoukovitch que la presse mainstream a accusé de tous les péchés souhaitait que l’Ukraine soit un pont entre l’Union européenne et la Russie. C’est évidemment à la suite de cette rupture qu’eut lieu la « révolution » de Maidan en 2014 qui est en réalité un coup d’Etat fomenté par les Occidentaux.

Un traité d’annexion

Les dispositions de cet accord finalement adopté en 2017 sont révélatrices de la volonté géopolitique de l’UE. Il ne s’agit pas d’un classique accord de partenariat. L’UE y impose ses propres règles. C’est « un accord de libre-échange approfondi et complet ».

Pierre Rimbert analyse ainsi ce traité : « Combien d’Européens ont lu ses 2 135 pages ou — à l’impossible nul n’étant tenu — franchi les ponts aux ânes introductifs sur la paix, le développement durable, la transparence, la société civile et le « dialogue interculturel » ? Gratter cette gangue, c’est découvrir ce qu’il faut bien appeler un traité d’annexion volontaire. Il se compose en premier lieu d’un « accord de libre-échange approfondi et complet » calqué sur l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1994. »

On y lit des dispositions typiques de la politique ultralibérale de l’Union européenne comme la sacro-sainte « libre concurrence non faussée » et : « afin d’instaurer des « relations fondées sur les principes de l’économie de marché libre » (article 3), l’Ukraine « met tout en œuvre (…) pour rapprocher progressivement ses politiques de celles de l’Union européenne, conformément aux principes directeurs de stabilité macroéconomique, de situation saine des finances publiques et de viabilité de la balance des paiements » (art. 343). En somme, la seule option autorisée sera l’austérité. Kiev « procède aux réformes administratives et institutionnelles nécessaires à la mise en œuvre du présent accord » et « met en place l’appareil administratif efficace et transparent nécessaire » (art. 56). »

En somme, c’est un traité de Maastricht à la sauce ukrainienne !

Pierre Rimbert fait d’ailleurs remarquer qu’une adhésion éventuelle de l’Ukraine à l’Union européenne n’était pas à l’ordre du jour en 2017. Or, ce traité impose à l’Ukraine de modifier sa législation pour l’adapter aux règles communes de l’UE. D’autre part, il y a un aspect stratégique dans ce document : « Inutile d’être fin stratège pour discerner l’intention géopolitique du texte : évoquer la « convergence progressive dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité, y compris la politique de sécurité et de défense commune » (art. 7), encourager la « coopération dans le domaine de l’énergie, y compris le nucléaire », recommander de « diversifier les sources, les fournisseurs, les voies d’acheminement et les méthodes de transport de l’énergie » (art. 337) à un pays largement dépendant de la Russie sonne comme un défi lancé à Moscou. D’autres articles se montrent plus offensifs encore : « L’Ukraine transpose progressivement le corpus de normes européennes (EN) en tant que normes nationales. (…) Parallèlement à cette transposition, l’Ukraine révoque toute norme nationale contraire et cesse notamment d’appliquer sur son territoire les normes inter-États (GOST) élaborées avant 1992 » (art. 56-8), soit l’ensemble des normes héritées du bloc de l’Est. Dit autrement, Bruxelles met Kiev en demeure de « dérussiser » son économie. »

Cela était évidemment inacceptable pour Moscou. Ainsi, il est clair que ce traité entre l’Union européenne et l’Ukraine est à l’origine de la guerre actuelle. Depuis le 9 novembre 1989, les Occidentaux, ou les Atlantistes veulent redessiner la carte de l’Europe en repoussant la Russie vers l’Est. L’idée de « maison commune » du dernier président de l’URSS, Mikhaïl Gorbatchev ne convenait pas au camp occidental et il y eut un chantage contre le président soviétique, chantage qui contribua à l’éliminer politiquement. Dès lors, la Russie se trouva isolée et se sentit encerclée.

D’autre part – et c’est sans doute l’aspect le plus important – ce traité au lieu d’unir, génère une division : il sépare définitivement l’Europe de l’Asie. La « maison commune » eurasiatique est morte.

Un esprit colonial

Rappelez-vous ces débats sans issue qui se déroulèrent de temps à autre au sein des instances européennes consacrés à la fixation des frontières de l’Europe. Aujourd’hui, c’est tranché : l’Europe se limite à la frontière russe. Nous l’avons vu dans notre dernier billet (https://uranopole.over-blog.com/2022/09/connaissez-vous-ursula-von-der-leyen.html ) où le chancelier Scholtz promet d’élargir l’Union européenne aux micro-Etats du Balkan, à la Moldavie, à l’Ukraine et plus tard à la Géorgie. Cela ressemble au drang nach osten de sinistre mémoire !

En plus, l’Union européenne veut imposer ses règles ultralibérales à tous ces pays qui restent encore peu développés par rapport à ceux d’Europe occidentale. C’est évidemment une source de conflits comme on l’a vu en 2015 en Grèce. Comme le rappelle Pierre Imbert : « Ces accords d’association reflètent en quelque sorte un esprit colonial », avait reconnu en 2013 un diplomate occidental en poste à Kiev ».

Pour en revenir à la guerre, les Occidentaux en inondant l’Ukraine d’armes ne font que l’entretenir. Les déclarations bellicistes d’Ursula von der Leyen opposée à tout cessez-le-feu et celles de l’argentier de Macron, Bruno Lemaire, qui veut ruiner l’économie russe sont irresponsables et traduisent une volonté d’affrontement. Or, on sait très bien que personne ne gagnera cette guerre. Alors, pourquoi continuer ? La raison l’emportera-t-elle un jour ? On peut en douter en voyant l’attitude des dirigeants des deux côtés. On peut raisonnablement penser que l’impasse est volontairement entretenue à Moscou, Kiev, Bruxelles et Washington.

Rencontre avant la guerre entre Zelensky et Poutine adulés par Macron. Ni le "Bon", ni le "Diable"...

Non, cette guerre aussi absurde qu’atroce n’oppose pas le « Bien » contre le « Mal », David contre Goliath, comme tentent de la faire accroire les médias occidentaux. Cette guerre est l’affrontement par peuples russe, ukrainien et indirectement européen interposés, entre deux empires déclinants : l’Occident globalisé et l’autocratie russe comme ukrainienne toutes deux maîtres d’une oligarchie ayant pillé ces immenses pays à leurs seuls profits. Les vraies sanctions consisteraient à confisquer les biens de tous ces oligarques russes comme ukrainiens à la côte d’Azur française, en Toscane italienne, dans les paradis fiscaux et de les restituer aux Trésors russe et ukrainien afin qu’ils les redistribuent aux deux peuples ! Utopie, évidemment ! Rien n’est fait pour écarter une fois pour toutes Poutine et Zelensky qui ne sont ni le « diable » ni le « héros » que la propagande de l’Ouest nous présente, mais qui sont chacun à la tête d’un régime dangereux : celui des oligarques et de la corruption. Zelensky comme Poutine interdisent tout parti d’opposition. Il y a de part et d’autre des prisonniers politiques. Le prix Sakharov attribué à Zelensky aurait dû l’être à Julian Assange.  

Cependant, dans l’état actuel des choses, qui les remplacerait sinon des hommes encore plus dangereux ?

Pierre Verhas

 

Bron: https://uranopole.over-blog.com/2022/10/guerre-en-ukraine-l-impasse-volontaire.html