Si le Gouvernement d'alors n'était pas en affaires courantes, un mandat de la Chambre pour la participation de la Belgique à la guerre en Libye n'aurait probablement pas été demandé. Depuis, la Belgique a participé à deux nouvelles interventions militaires (Mali et Irak) pour lesquelles un vote en Commission et un vote en séance plénière ont été organisés. Jusque là, nos représentants étaient systématiquement tenus écartés de toute capacité dans une matière constitutionnellement extirpée du débat démocratique : la guerre.
En effet, l'utilisation des forces armées belges, récurrente depuis la fin de la Guerre froide, n'est prévue qu'indirectement par l'article 167 de la Constitution, en vertu duquel « le Roi commande les forces armées et constate l'état de guerre ainsi que la fin des hostilités. Il donne ensuite connaissance aux Chambres aussitôt que l'intérêt et la sûreté de l'État le permettent en y joignant les communications convenables. » Selon cet article, la loi et l'arrêté royal de 1994, ce sont le Premier ministre, le Ministre de la Défense ainsi que le Ministre des Affaires étrangères qui, avec le Roi, décident de l'entrée en guerre de la Belgique, le commandement effectif étant soumis aux règles de la responsabilité ministérielle. Les parlementaires n'ont donc pas la capacité juridique d'empêcher qu'une opération soit lancée par l'exécutif gouvernemental. La Constitution stipule clairement qu'un contrôle parlementaire ne peut s'exercer qu'a posteriori, via des questions parlementaires qui peuvent d'ailleurs rester lettre morte si le ministre compétent juge que ces questions ressortent du « secret défense », comme le démontre le travail quotidien de la Commission Défense de la Chambre des Représentants. Les représentants du peuple belge, élus démocratiquement, ne peuvent donc juridiquement rien dire sur l'utilisation des forces armées à l'étranger, pourtant l'expression la plus aboutie de la politique internationale de la Belgique.
L'intervention de la Belgique en Libye semble pourtant avoir fait jurisprudence, vu la demande d'aval du Parlement pour les interventions au Mali et en Irak (bien que cette dernière se soit également prise dans le cadre des affaires courantes, entraînant un devoir de prudence de la part de l'exécutif).
Après avoir travaillé à une demande de révision de l'article 167 de la Constitution lors de la campagne électorale, la CNAPD tient à soutenir cette dynamique démocratique qui semble se dessiner et demande à ce que celle-ci se renforce et s'élargisse. Nous demandons donc que dans le cadre des discussions futures sur ce type d'engagements militaires, la Commission parlementaire s'interroge systématiquement sur les moyens d'apporter la paix durable et qu'à cette fin, elle invite des experts, parmi lesquels les mouvements de paix. Et cela afin de sortir des débats parlementaires purement internes. De plus, nous estimons que le vote d'une telle résolution ne devrait pas être soumis à une discipline de parti mais devrait se faire en âme et conscience pour chaque parlementaire à la manière de ce qui se fait généralement pour les questions d'éthique (euthanasie, etc.).
En ce qui concerne la résolution qui nous occupe ces dernières semaines, une prochaine étape doit être l'organisation, un mois après le début de l'intervention de la Belgique en Irak, d'un débat – comme le stipule la Résolution 305 de la Chambre sur « la situation en Irak et la participation de la Belgique à la coalition internationale contre l'EI » – et d'un vote sur l'opportunité de sa prolongation. La CNAPD, en tant qu'organisation pour la paix, sera attentive à ce que ce débat ait réellement lieu.
Bron: http://www.cnapd.be/la-cnapd-soutient-lemergence-dune-nouvelle-dynamique-democratique/