Publié le 17 mai 2017 dans Apartheid, Cisjordanie, Gaza, Israël, Jérusalem, Justice internationale, Occupation, ONU, Palestiniens d'Israël, Processus de paix (bidon), Réfugiés, Universités, USA
Au mois de mars, la Commission économique et sociale pour l'Asie occidentale (CESAO) des Nations-Unies a publié un rapport sur l'apartheid israélien. Pour le Comité national palestinien (BNC) de BDS, le rapport constitue un « un progrès historique ». C'est la première fois qu'une agence des Nations-Unies établit, à travers une étude scrupuleuse et rigoureuse, qu'Israël impose un régime d'apartheid sur l'ensemble du peuple palestinien : sur les Palestiniens des territoires occupés, sur les citoyens palestiniens d'Israël et sur les réfugiés et exilés palestiniens. Le rapport recommande aux Nations Unies et à ses états membres de soutenir la campagne BDS.
Très rapidement, sous pression des Etats-Unis et d'Israël, le rapport est retiré des sites des Nations Unies.
Deux jours après sa sortie, il est enterré.
Mais de nombreux instances et associations ont sauvegardé le rapport. Une équipe de traducteurs a traduit le rapport en français. Un traducteur de ce site a participé à ce travail collectif.
La version française du rapport :
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Richard Falk et Virginia Telley ont écrit une préface pour la traduction française
Il n'était pas prévu que la publication de ce rapport par la Commission économique et sociale pour l'Asie occidentale (CESAO) des Nations Unies le 15 mars 2017 soit un événement politique tumultueux. Après tout, il s'agissait d'une étude universitaire écrite par deux chercheurs, dont le contenu avait été révisé par trois évaluateurs qui étaient des chercheurs de renommée internationale. En tant qu'auteurs, nous nous attendions à ce que notre approche suscite de l'intérêt au sein des universités et, avec un peu de chance, chez les militants de la société civile dont beaucoup pensaient depuis longtemps qu'Israël s'était rendu coupable d' « apartheid » dans son attitude vis-à-vis des Palestiniens, particulièrement ceux vivant sous l'occupation. Ce qu'ils n'avaient pas était une étude détaillée appuyant leur impression par des preuves et une analyse, et encore moins une étude bénéficiant de l'imprimatur des Nations Unies. Nous étions conscients que le caractère sensible de l'étude stimulerait les protagonistes des deux côtés du conflit. Mais nous pensions qu'en définitive cette attention se manifesterait à l'intérieur des forums des Nations Unies, comme c'est le cas dans beaucoup de controverses.
Pourtant, et à certains égards heureusement, nous nous trompions complètement. La publication du rapport ouvrit presque immédiatement une boite de Pandore de réponses. Tout commença avec l'ambassadeur américain aux Nations Unies, Nikki Haley, qui déclencha une attaque sévère contre le rapport et particulièrement contre ses auteurs, couplée avec la demande que le Secrétaire général récemment élu, António Guterres, prenne des mesures pour rejeter le rapport comme inacceptable, prétendument incompatible avec la position des Nations Unies sur l'attitude israélienne vis-à-vis des Palestiniens. Avec une vitesse inhabituelle, compte tenu des habitudes bureaucratiques des Nations Unies, le Secrétaire général informa la CESAO que le rapport devait être retiré sur le champ de son site web. La directrice exécutive de la CESAO, Rima Khalaf, démissionna plutôt que de suivre la directive de New York, expliquant à Guterres ses motifs dans une lettre émouvante. C'est cette suite de développements qui a donné à notre rapport dix fois plus d'attention internationale qu'il n'aurait autrement reçue s'il avait été traité d'une manière appropriée et responsable, c'est-à-dire comme une contribution sérieuse à la littérature universitaire sur une question internationale controversée qui mérite certainement des discussions et des débats, et selon nous, des actions.
Le contexte plus large qui doit être pris en compte est l'échec à trouver une solution au conflit 70 ans après que l'Assemblée générale des Nations Unies a proposé un partage et 50 ans après qu'Israël a gagné le contrôle des territoires palestiniens de Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de Gaza. La diplomatie d'Oslo qui a été mise en avant comme la voie vers une issue pacifique qui permettrait aux deux peuples de vivre dans une paix durable s'est avérée une chimère, particulièrement coûteuse pour les Palestiniens. Israël continue à empiéter sur le territoire réservé pour un État palestinien, étendant sans relâche son archipel illégal de colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, construisant un réseau de routes pour « Israéliens seulement » et un mur de séparation illégal qui crée toute une gamme d'enclaves de sécurité. Pendant ces décennies, les Palestiniens ont souffert d'une variété de mauvais traitements quotidiens, qu'ils vivent sous occupation, comme les résidents de Jérusalem Est, dans des camps de réfugiés, comme cibles d'attaques périodiques massives à Gaza, ou comme minorité discriminée en Israël. L'affirmation centrale de notre rapport est que cet ensemble de conditions correspond légalement à celles de l'apartheid, tel que ce crime international est défini dans la Convention de 1973 sur la prévention et la punition du crime d'apartheid et dans l'article 7 du Statut de Rome établissant le cadre légal de la Cour pénale internationale.
Nous pensons que notre rapport répond de fait à la situation actuelle dans laquelle la diplomatie paraît gelée et où il ne semble y avoir aucun espoir de mettre fin au calvaire palestinien sans de nouvelles formes de résistance militante de la part des Palestiniens et du mouvement global de solidarité qui se renforce chaque jour davantage. Nous disons, en fait, avec le soutien du droit international, que continuer maintenant à appeler une « solution à deux états » est devenu une duperie cruelle et qu'il est totalement insuffisant de demander « la fin de l'occupation ». Nous pensons au contraire que la position politique appropriée au sein des Nations Unies, de la société civile, et partout parmi les gens de bonne volonté, est de demander « la fin de l'apartheid ».
C'est seulement en démantelant ce régime d'apartheid qui est fondé sur une structure de domination raciale d'Israël sur le peuple palestinien délibérément fragmenté que peut être ouverte la voie pour une diplomatie crédible, qui vise enfin à réaliser une paix durable pour les deux peuples. Certains disent que notre analyse est un appel à la fin de l'État d'Israël. Ceci méconnaît les implications de la fin de l'apartheid. Exactement comme l'Afrique du Sud s'est perpétué comme État malgré le démantèlement de l'apartheid, Israël se perpétuera et rien dans notre étude ne menace cette existence. Ce sur quoi notre analyse juridique insiste, c'est qu'Israël devienne un état légitime en se libérant des politiques, des pratiques et des stigmates de l'apartheid.
Nous espérons que la société civile européenne sera réceptive à notre analyse et fera sa part en mettant en œuvre les recommandations que nous proposons. Il semblerait que l'Europe a une opportunité d'exercer une pression sur ses institutions régionales et ses gouvernements pour adopter une approche plus objective à la lutte du peuple palestinien qui a été abandonné bien trop longtemps, à se languir dans des camps de réfugiés et dans l'exil, ou à constituer les cibles complètement vulnérables d'une guerre aveugle à Gaza, ou à survivre sous une occupation opprimante ou comme résidents de troisième classe de Jérusalem ou comme citoyens discriminés d'Israël. La reconnaissance que le peuple palestinien en totalité doit être émancipé de l'apartheid donne une cohérence et une signification particulières à notre évaluation des politiques et des pratiques israéliennes.
Finalement, nous admettons qu'en tant qu'auteurs, nous ne possédons que la capacité de proposer une analyse juridique fondée sur notre interprétation des preuves. Cette analyse n'est pas la sorte de jugement légal faisant autorité qui peut être fournie par une institution juridique internationale régulièrement constituée, comme la Cour internationale de justice ou le Cour pénale internationale. Nous voudrions encourager l'Assemblée générale des Nations Unies à obtenir un tel jugement faisant autorité aussi vite que possible. Il est aussi faisable que des cours nationales, agissant sur la base d'une juridiction universelle, examinent dans des circonstances appropriées si Israël est coupable du crime de l'apartheid, si des demandes correctement étayées pour un secours juridique sont faites par le peuple palestinien ou en son nom.
Nous serons heureux d'échanger avec les lecteurs de la traduction française de ce rapport, qui pourraient avoir des questions ou des désaccords avec notre cadre conceptuel et notre analyse juridique.
Richard Falk & Virginia Tilley
Richard Falk est un spécialiste en droit international et relations internationales qui a enseigné à l'université de Princeton pendant 40 ans. A partir de 2002, il a vécu à Santa Barbara, en Californie, et enseigné à la branche locale de l'université de Californie dans le département d'Etudes globales et internationales. Depuis 2005, il appartient au Bureau de la Fondation pour la paix à l'âge nucléaire (Nuclear Age Peace Foundation). En 2008, il a été nommé par l'ONU pour un mandat de six ans en tant que Rapporteur spécial sur les droits de l'homme dans les territoires palestiniens.
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Richard Falk sera présent cette année à ManiFiesta
Il participera entre autres dans un débat avec Alain Gresh, ancien rédacteur du Monde diplomatique et auteur de nombreux livres sur la Palestine, « Palestine, 100 ans de complicité »
La Plate-forme Charleroi-Palestine y sera également présent avec un stand.
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