C'est le récit de quarante années de mobilisations citoyennes à travers le monde.
Nées à l'occasion de l'Earth Day, aux Etats-Unis ou dans la foulée du premier sommet mondial de l'Environnement, à Stockholm, elles rassembleront des millions de personnes sur le pavé de nos cités pour défendre la protection de la planète et culminer, de Manille à Bogota, en passant par New-Delhi ou Kampala, à l'approche du sommet de Paris, en 2015.
C'est l'histoire d'actions associatives nichées sur les contreforts de nos hauts-plateaux, dans les creux de vallées ardennaises ou sur le bitume de nos villes asphyxiées. Portées pas des collectifs d'ici, elles ont toutes le même trait d'union : la conscience de vivre dans un monde aux ressources finies dont la beauté et les apports méritent d'être préservés pour poursuivre l'aventure humaine dans la dignité.
Fruit de ces grandes et petites histoires, Inter-Environnement Wallonie est née voici un peu plus de 40 ans avec la conviction bien ancrée que réunir et fédérer des associations pour défendre l'intégrité de l'environnement était une promesse d'avenir. Quatre décennies plus tard et dans la foulée d'une expo anniversaire, il nous a semblé utile de tirer quelques leçons de ces engagements travers une publication : « D'un Monde à l'autre : la société civile, moteur de la transition écologique » [1]
Le mouvement environnemental aura participé à la construction de l'écologie politique et influencé des politiques plus écologiques dans l'espace politique francophone, c'est indéniable. Mais doit-il pour autant être satisfait des résultats ? Comment peut-il s'organiser pour être plus fort ? Quelles convergences soutenir pour créer de nouveaux rapports de force sur les enjeux sociaux et environnementaux ? L'innovation portée par les citoyens sur le terrain compensera-t-elle les faiblesses du politique ? Quelle place doivent prendre les femmes dans ces combats ? Convient-il de se changer soi-même avant de vouloir changer le monde ? Comment faire face, démocratiquement, aux effondrements qui se dessinent ?
Ce florilège de questions mériterait autant d'ouvrages. Nous avons choisi d'y répondre de manière plurielle. Observatrices et observateurs privilégiés de la citoyenneté et des mouvements sociaux et environnementaux, onze auteur.es nous livrent dans les pages qui suivent leurs visions complémentaires du rôle de l'individu et de la société civile face à l'enjeu de la transition écologique (2). Miroir du travail de conviction porté par des associations depuis quatre générations, leurs analyses nous donnent des clefs pour ouvrir les portes d'un futur qui pourrait sembler verrouillé à lecture du bulletin de santé maussade de la planète.
Changements climatiques, extinction de la biodiversité, pollution des sols ou de l'air, épuisement des ressources,... Nous vivons largement au-dessus de nos moyens et la dette écologique ne cesse d'enfler. L'état du malade est connu, mais il ne s'agit pas tant dans cet ouvrage de se pencher sur la gravité des symptômes que sur les conditions susceptibles de renforcer une narration différente. Il est indispensable, à cet égard, de modifier « la définition et la perception du champ du possible et de l'impossible défini par la narration dominante », comme le rappelle le politologue Ricardo Petrella.
En d'autre termes, s'il est indispensable de créer une autre narration, c'est pour sortir d'une fiction entretenue par une forme de déni collectif : celle d'une croissance infinie de notre économie dans un monde fini. Cette sainte croyance alimentée par le néolibéralisme et la social-démocratie nous conduit aujourd'hui dans une impasse. L'ascenseur social est en panne et la défiance à l'égard d'élites obsédées par leurs intérêts personnels et d'institutions publiques perçues comme coûteuses et inefficaces n'a jamais été aussi grande. Dans ce contexte troublé, le rôle de la société civile est fondamental afin de contrer les discours simplistes, de régénérer l'action publique et de soutenir une vision politique à long terme et des décisions courageuses.
Cette société civile est aussi devenue un vaste laboratoire de recherche et développement. Ferments d'une éthique du futur, des centaines de collectifs ou de coopératives portent aujourd'hui sur le terrain les combats de la justice sociale et environnementale. Cette innovation sociale est au cœur des préoccupations des jeunes générations à travers la mise en place d' « initiatives de transition » dans les domaines de la préservation des espaces naturels, des circuits courts, de l'énergie, de la mobilité, de la finance locale ou d'une gouvernance réformée.
Tissant inlassablement leur maille sur les territoires, ces projets permettent la rencontre entre des individus, en quête de sens et de valeurs, et des collectifs imaginatifs.
L'avenir démontrera si la contagion culturelle liée à ces nouvelles manières de vivre l'économie et la solidarité, en décalage avec le modèle productiviste dominant, opère largement au-delà du cercle des militants et des convaincus. Cette démarche renoue en tout cas avec la force d'innovation portée voici plus de quarante ans par une série d'associations sur le sol belge. Des sillons sont tracés pour signer enfin la paix avec la Terre.
Bron: http://www.iew.be/spip.php?article8229