La Plateforme Justice Pour Tous vous adresse ce courrier en vue des élections fédérales du 26 mai 2019. Elle souhaite vous faire part de ses préoccupations, entendre votre position sur les sujets évoqués ci-après, et vous rencontrer le cas échéant afin d’en discuter.
La Plateforme Justice pour Tous (PJPT) est une association de fait regroupant des acteurs de la société civile belge et du monde judiciaire du Nord et du Sud du pays, visant à promouvoir l’accès à la justice pour tous. Elle est un interlocuteur du pouvoir législatif, des Ordres des avocats, de la société civile et, à travers elle, des justiciables. La Plateforme a par ailleurs organisé plusieurs événements visant à sensibiliser les citoyens au coût et à l’(in)accessibilité des Cours et Tribunaux.
En ce début d’année électorale, plusieurs obstacles à l’accès à la Justice préoccupent la Plateforme :
1. Barrage financier
• Les seuils d’accès à l’aide juridique demeurent trop bas (sont éligibles à l’aide les personnes isolées dont les moyens d’existence mensuels sont inférieurs à 1.011,00 € pour une aide totale, et inférieurs à 1.298,00 € pour une aide partielle) ;
• Parallèlement, les honoraires d’avocats et les frais de justice augmentent de manière drastique (TVA de 21% sur les honoraires d’avocat et sur les prestations des huissiers et notaires, droits de rôle, indemnité de procédure,...). Une nouvelle augmentation des droits de rôle a été votée par le Parlement le 19 août 2018, portant notamment le coût d’une requête d’appel à 400,00 € ;
• Dans ce contexte, aucune mesure ne facilite l’accès à la Justice pour les citoyens dont les revenus sont supérieurs aux seuils de l’aide juridique, tout en étant insuffisants pour assumer les frais et honoraires d’une procédure judiciaire ;
2. Barrages matériels et temporels
• La réduction du nombre de justices de paix a pour effet d’éloigner le justiciable de son juge, particulièrement dans les zones rurales ;
• Cet éloignement est spécialement dommageable lorsqu’il est mis en lien avec les réformes « pots-pourris » qui ont profondément modifié le Code judiciaire et la procédure pénale entre 2015 et 2018, réduisant notamment les pouvoirs du juge en cas de défaut du justiciable (en
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matière civile, le juge ne peut désormais plus soulever d’arguments en faveur du défendeur absent, à moins qu’ils ne touchent à l’ordre public) ;
• L’arriéré judiciaire, dû à un sous-financement chronique de la Justice, de ses infrastructures et de son personnel, ne permet pas au justiciable d’obtenir une décision judiciaire dans un délai raisonnable. Dans le même temps, un Tribunal spécial est créé pour connaître des litiges commerciaux en anglais, instituant une Justice à deux vitesses.
3. Barrages linguistiques et sociaux
• La complexité du langage et des procédures judiciaires a pour effet que de nombreux justiciables, particulièrement parmi la population précarisée, renoncent à faire valoir leurs droits. Bien que cette thématique ait été discutée lors de l'anniversaire de l’accord de coopération relatif à la lutte contre la pauvreté en décembre 2014, aucune mesure concrète ne permet de remédier aux lacunes constatées.
Ces réformes et projets de réformes affectent grandement l’accès à la Justice. Elles accentuent la défiance à l’égard de la Justice dont la première mission est de garantir la paix sociale.
La Justice est un service public qui doit recevoir des moyens à la hauteur de son importance. Ce service public doit être accessible à tous. Le droit d’accès à un juge est un droit fondamental reconnu par la Convention européenne des droits de l’Homme et par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Il s’agit par ailleurs souvent de l’unique moyen de faire valoir les droits fondamentaux listés à l’article 23 de la Constitution belge. La Cour constitutionnelle, dans son arrêt n°77/2018 du 21 juin 2018, a récemment rappelé le caractère fondamental du droit d’accès à un juge, déclarant inconstitutionnel le paiement d’une contribution forfaitaire de 50€ dans le cadre de l’aide juridique. Ces contributions, affirme la Cour, ne peuvent être considérées comme «modestes », « symboliques » ou « modiques ».
De manière générale, la Plateforme Justice pour Tous estime que le prochain gouvernement devrait, entre autres choses:
• alléger, à grande échelle, les coûts infligés aux justiciables (frais de mise au rôle, TVA de 21% sur les honoraires d’avocats, frais du passage à l’informatisation,...);
• évaluer les effets de la réforme de l’aide juridique de 2016 et mettre en place un système permettant l’accès à la Justice de toutes les franges de la population, en ce compris de la classe moyenne (via une révision, notamment, des seuils d’accès à l’aide juridique) ;
• assurer le maintien d’une Justice de proximité, capable de prononcer des jugements dans un délai raisonnable et utile;
• veiller à une information accessible et compréhensible des thèmes liés à la “justice” afin de lutter contre la non-demande et le non-accès aux droits.
Pouvez-vous nous faire part de votre position au sujet des différents éléments développés dans ce courrier ? La Plateforme Justice Pour Tous la lira, et la relayera, avec intérêt. Ses membres demeurent
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