Alors que la Directive cadre sur l’eau (DCE) est au cœur d’un processus de réflexion, la Commission vient de rendre son évaluation des 2èmes PGDH et ses recommandations pour le 3ème cycle de plans de gestion. Elle invite la Wallonie à renforcer sa stratégie et ses moyens pour atteindre les objectifs de la DCE. Le point sur cet enjeu majeur trop peu connu du grand public.
En piste pour un troisième round de plans de gestion
2019, une année charnière pour la Directive Cadre sur l’Eau (DCE) qui fait actuellement l’objet d’un fitness check1 et pour laquelle une menace de révision fait craindre un nivellement par le bas des ambitions environnementales2. En parallèle de ces discussions, les Etats membres sont déjà à pied d’œuvre pour élaborer les troisièmes plans de gestion par districts hydrographiques (PGDH3). Pour rappel, si la Directive visait l’atteinte du bon état, partout pour 2015, elle autorise la mise en œuvre de trois cycles de six ans pour y parvenir. Un troisième cycle de plans de gestion va donc couvrir la période 2022-2027. Ce qui ce passe après 2027 en cas de non-respect de la DCE est une question hautement préoccupante au cœur des discussions européennes.
Si 2022 semble encore lointain, la première phase de consultation des PGDH3 a déjà débuté : depuis décembre 2018 et jusqu’au 18 juin 2019, une enquête publique portant sur les enjeux majeurs et le programme de travail est ouverte. Tous les documents ainsi que le formulaire de réponse sont accessibles via le site eau.wallonie.be . Les projets de PGDH devraient quant à eux être soumis à consultation publique à partir de décembre 2020.
Forces et faiblesses des 2nds PGDH, des leçons pour les 3èmes
En plus d’une évaluation globale de la façon dont la DCE est mise en œuvre au sein de l’UE, la Commission vient de publier son appréciation des 2nds plans de gestion spécifiques aux Etats membres. Par rapport aux 1ers PGDH wallons, la Commission pointe quelques améliorations notamment en ce qui concerne une meilleure caractérisation des masses d’eau et une plus grande exactitude dans la détermination du statut écologique des masses d’eau. Au niveau du programme de mesures, l’origine des pressions exercées sur les masses d’eau et leur importance relative dans la non-atteinte du bon état sont mieux évaluées mais la Commission regrette que, si les causes sont mieux identifiées, elles ne fassent pas nécessairement l’objet d’actions ciblées et aucune priorisation de mesures n’en a découlé. De même, si un premier exercice d’analyses coût-efficacité a été intégré aux 2nds PGDH, il n’a pas débouché sur une priorisation des mesures à mettre en œuvre. Ainsi avec ces différentes lacunes, il est difficile de juger si le programme de mesures est suffisamment ambitieux et pertinent au regard des efforts à fournir pour parvenir au bon état mais aussi en fonction des coûts et des bénéfices (y compris environnementaux) que l’atteinte du bon état peut engendré.
IEW avait en son temps critiqué les PGDH2 pour leur manque de mesures complémentaires pour lutter contre les pollutions agricoles. En effet, il y avait très peu de mesures autres que celles déjà appliquées via les législations existantes (Directive Nitrates, Plan de réduction des pesticides,…) alors que des mesures additionnelles comme les bandes tampon enherbées auraient été redoutablement efficaces pour diminuer les quantités de nitrates, phosphore et pesticides dans les eaux de surface. Si la Commission est moins sévère sur cet aspect, elle se demande tout de même si les mesures prévues par la Directive sur les nitrates seront suffisantes pour atteindre les objectifs de la DCE. Et de recommander à la Belgique pour les prochains plans de gestion de « perfectionner sa stratégie pour réaliser les objectifs de la DCE et améliorer la faisabilité technique de ses prochains plans de gestion de district hydrographique, en coopérant étroitement avec la communauté agricole et les autorités en charge de la mise en œuvre nationale de la PAC ainsi qu’en améliorant les synergies entre les objectifs de la DCE et l’ensemble des politiques et instruments pertinents … »
Comme le rappelle la Commission, il reste encore beaucoup à faire à la Belgique pour que ses masses d’eau de surface atteignent le bon état et le délai pour parvenir aux objectifs n’est pas connu pour 60 % de celles-ci. Si on ne peut nier des améliorations dans la caractérisation et la préservation de nos masses d’eau, le défi sera de dégager les moyens nécessaires à la mise en œuvre des mesures les plus efficientes pour restaurer le bon état écologique et chimique de nos eaux de surface et souterraines. Quoi qu’il arrive après 2027, comme pour l’urgence climatique, le coût de l’inaction en matière d’eau ne peut être reporté sur les générations futures.
1 fitness check : évaluation approfondie d’une législation qui consiste à mettre en évidence les éventuelles lacunes, les incohérences et/ou les mesures obsolètes qui ont pu apparaître au fil du temps. L’objectif de ce bilan n’est pas de déréglementer ni de réduire les réglementations, mais d’améliorer la législation de l’Union et de l’adapter plus précisément aux défis actuels et futurs
2 Soutenez la campagne du WWF #ProtectWater et agissez en participant à la consultation jusqu’au 12 mars
Source: https://www.iew.be/politique-de-leau-la-belgique-se-hate-trop-lentement/