Ali Aarrass, ce citoyen Belgo-Marocain emprisonné depuis onze ans a été accusé de terrorisme par le Maroc, pays où il a été extradé par l’Espagne en 2010 et condamné sur base de ses aveux, signés sous la torture. Il a par exemple subi des électrocutions, des viols, des pendaisons par les poings ou encore, enduré la technique de la noyade à l’aide d’une bouteille d’eau … Après deux arrestations dès 2008 et déjà quelques années passées en prison en Espagne, Ali, jugé par le juge Garzon (mondialement connu pour ses enquêtes contre la dictature de Pinochet) a conclu à un non-lieu. Pourtant, Ali est transféré au Maroc alors que la Belgique ne s’y oppose pas malgré un risque évident de torture. Bien plus tard, un rapporteur de l’ONU, en visite dans sa prison, a pu attester de ces tortures mais il continue néanmoins à purger sa peine de 12 ans.
En Belgique, sa sœur Farida Aarrass et sa famille se battent quotidiennement pour ses droits, sans cesse bafoués. En effet, Farida a attaqué l’Etat Belge pour non-assistance à personne en danger et a d’abord gagné en première instance : l’Etat devait fournir une aide consulaire à son frère. L’assistance consulaire est le principe qui autorise un pays à venir en aide, en seconde ligne, à ses citoyen·ne·s qui rencontrent des difficultés (judiciaires) à l’étranger. Ensuite, concernant l’affaire d’Ali Aarrass, l’Etat a fait appel jusqu’en Cassation et même modifié la loi en 2018 pour cesser l’aide consulaire envers les binationaux. Finalement, l’histoire d’Ali n’est que le reflet d’une longue bataille judiciaire et d’une mobilisation citoyenne forte, menées en vain.
Le Chœur d’Ali Aarrass, Théâtre National
Aujourd’hui, d’autres mobilisations pour alerter l’opinion publique sur le sort de ce dernier sont mises en place. Premièrement, un chœur de chant a présenté son spectacle au théâtre National à Bruxelles. Ces femmes, soudées autour de la sœur d’Ali, luttent pour sa libération. Son histoire, mêlée à celle des colonisations perpétrées par nos pays européens, raconte les injustices dont Ali est victime, mais vise également les agissements des états belges, marocains et espagnols dans cette affaire. Une affaire qui soulève forcément aussi la question du sort réservé aux citoyens et citoyennes bi-nationaux dans un contexte de guerre contre le terrorisme.
Ensuite, le dessinateur Manu Scordia a présenté une bande dessinée retraçant le parcours complet d’Ali Aarrass et de quelques membres de son noyau familial. « On y découvre son enfance à Melilla, sa vie en Belgique et sa détention ». On rencontre finalement l’homme qu’il était et l’homme qu’il est devenu, forcé par la dureté de sa détention.
Pour la Ligue des droits humains, son récit représente « une immense violation des droits humains et des libertés fondamentales ». Ces propos ont été rédigés dans la préface de la bande dessinée par Alexis Deswaef, président d’honneur de la Ligue. Il insiste alors sur cet abandon des « doubles nationaux » et voit cette action comme un mauvais message transmis à tous les citoyens et citoyennes belges issu·e·s de l’immigration. En effet, « on fait bien comprendre à une personne pourtant née en Belgique et Belge de naissance que, si elle possède une deuxième nationalité, remontant parfois à ses parents ou grands-parents, et dont elle ne peut souvent pas se défaire même si elle le voulait, que sa nationalité belge ne vaudra jamais autant qu’une nationalité belge unique. ».
L’histoire d’Ali Aarrass est inimaginable et pourtant, son calvaire est bien réel. Aujourd’hui, la peine d’Ali continue et il est temps de se demander où sont la présomption d’innocence, l’interdiction de la torture et l’accès à un procès équitable ! Les autorités belges ont abandonné Ali Aarrass à son terrible sort sous prétexte qu’il possède une double nationalité. Finalement, on peut y voir « au mieux un dommage collatéral de la lutte contre le terrorisme. Mais en réalité, il s’agit au minimum d’une immense injustice et peut-être même d’une erreur judiciaire. ».
Plus d’informations concernant le combat d’Ali Aarrass : www.freeali.eu
Ali Aarrass, Manu Scordia, avec le soutien de la Ligue des Droits Humains et Amnesty International, Vide Cocagne, 2019, p.156
Le Chœur d’Ali Aarrass, texte et mise en scène par Julie Jaroszewski
Source: http://www.liguedh.be/la-double-nationalite-un-risque-personnel/