Les émissions de gaz à effet de serre de la construction du métro Nord seraient si élevées qu’il faudrait attendre la fin du siècle pour qu’elles soient "compensées". Nous demandons aux négociateurs du gouvernement de ne pas s’engager dans un projet qui irait à l’encontre des objectifs climatiques avant d’avoir mené une étude approfondie des alternatives.
Le transport à Bruxelles représente environ 25% du total des émissions directes de gaz à effet de serre (GES). Dans ce contexte, tous les grands projets en matière de mobilité doivent contribuer au défi d’une ville zéro carbone en 2050, dans 30 ans !
Il est donc primordial d’analyser l’impact climatique du projet de métro Nord avant de s’engager dans sa réalisation. Même si certains permis sont déjà délivrés, les travaux d’exécution ne sont pas encore réalisés : les dépenses engagées pour les études ne peuvent justifier de poursuivre le projet si le bilan « climat » est négatif.
Pour réaliser ce bilan, deux approches sont complémentaires : les émissions de GES du trafic global bruxellois avec ou sans métro Nord, d’une part, et les émissions de GES liées au gigantesque chantier de cet ouvrage, d’autre part.
Pour le premier point, une étude sur le projet de métro Nord réalisée en 2017 [1] mettait en évidence son impact négatif sur les émissions de GES en Région de Bruxelles-Capitale : avec le métro, les émissions annuelles seraient 0,2% plus élevées que sans le métro [2].
Ce mauvais résultat n’était guère surprenant puisque cette même étude estimait que le métro n’aurait qu’un effet marginal sur le trafic automobile : croissance de 2,66% sans le métro et de 2,03% avec le métro [3]. Dans le même temps, le fonctionnement du métro est énergivore non seulement pour la traction des rames mais aussi pour l’éclairage et la ventilation des nouvelles stations très profondes, très volumineuses et équipées au total de 138 escalators et de 30 ascenseurs rien que pour la partie Nord.
Pour le deuxième point, l’étude de 2017 n’est d’aucune aide puisqu’elle ne prenait en compte que les émissions liées à l’exploitation du métro Nord sans prendre en compte celles liées à sa construction !
Or, celles-ci sont faramineuses : creuser et « bétonner » un tunnel de 5 km et 7 nouvelles stations « cathédrales » (jusqu’à 30 m de profondeur), adapter les infrastructures existantes (avec notamment des travaux très lourds entre Anneessens et la gare du Midi), construire un nouveau dépôt,… nécessite en effet des quantités d’énergie colossales, principalement pour la production des milliers de mètres cube de béton [4] et d’acier, mais aussi pour l’excavation et l’évacuation des terres, la fabrication et l’installation des rails, etc.
Il n’est pas facile de déterminer précisément la quantité de gaz à effet de serre qui serait émise par la construction du métro Nord mais les données publiées dans les études d’incidences pour la station « Toots Thielemans » et pour le « bout de tunnel » sous les voies de chemin de fer au niveau de la gare du Nord permettent toutefois d’estimer la quantité de GES entre 243.000 et 320.000 tonnes équivalent CO2, voire plus [5] (voir tableau ci-dessous ; la valeur haute n’est pas un maximum car certains aspects ont été omis en tout ou partie faute de données, notamment la congélation des sols nécessaire à la construction de certaines stations).
Que représente cette quantité de GES ?
En partant du principe que le métro Nord permettrait effectivement de réduire d’environ 0,6% le trafic automobile annuel bruxellois, qui émet actuellement aux alentours de 727.000 tonnes équivalent CO² (toujours d’après l’étude de 2017), il faudrait entre 55 et 73 ans pour « compenser » les émissions de GES de la construction du métro Nord ! [6]
Autrement dit, il faudrait attendre les années 2090 pour voir le métro Nord produire ses premiers effets en matière climatique…
Cette durée n’est pas surprenante quand on sait que les émissions de GES de la construction métro du Grand Paris ne seraient, au mieux, « compensées » qu’au bout de 40 ans… [7]
L’urgence climatique, incontestable, ne permet pas d’attendre si longtemps.
Les données exposées dans ce texte ne sont qu’une estimation (prudente) ; une prise de décision bien informée nécessite une étude complète et approfondie de l’ensemble du projet et d’une analyse comparative avec les alternatives au métro Nord, particulièrement avec celle consistant à l’amélioration des infrastructures existantes, option nettement moins « impactante ». Les signataires en appellent à la responsabilité de la Région et demandent dès lors aux négociateurs de ne pas s’engager les yeux fermés dans un dossier qui pourrait aller totalement à l’encontre des décisions à prendre pour combattre les changements climatiques.
* Ces estimations ne tiennent pas compte des travaux moins lourds de « métroïsation » de la station Albert et d’adaptation des autres stations existantes, ni de la technique de la congélation.
Signataires : ARAU, Inter-Environnement Bruxelles (IEB), Stalem Asbl, Mobilité 55, CityZen1060, Pavé dans les Marolles, Mathieu Strale (IGEAT, ULB)
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Communiqué de presse métro Nord (pdf) (PDF – 112.1 ko)
Notes
[1] Rapport sur les incidences environnementales du projet de modification partielle du plan régional d’affectation du sol (PRAS) relatif à la liaison de transport en commun souterraine Nord-Sud, 26 juin 2017.
[2] A l’horizon 2025 (on parle aujourd’hui d’une mise en service au plus tôt en 2030) : 631.649,77 tonnes équivalent CO2 avec le métro Nord contre 630.339,05 tonnes équivalent CO2 sans le métro Nord. (l’« équivalent CO2 » est la manière conventionnelle de compter les émissions de gaz autres que le CO2 en les convertissant en une quantité de CO2 qui aurait un effet similaire sur le climat ; dans le cas du présent projet, les émissions sont presque uniquement du CO2, donc cette conversion n’est que rarement nécessaire).
[3] Croissance du nombre de véhicules-kilomètres à l’horizon 2025 par rapport à la situation de 2010.
[4] En plus de nécessiter de l’énergie, la chimie de la production de ciment émet du CO2, qui est actuellement relâché dans l’atmosphère.
[5] Voir note 2.
[6] 727.000 tonnes équivalent CO2 x 0,6% = 4.362 tonnes équivalent CO2
243.000 tonnes équivalent CO2 / 4.362 = 55,7 anx
320.000 tonnes équivalent CO2 / 4.362 = 73,3
Dans l’hypothèse, réaliste et souhaitable, de diminution des émissions de GES du trafic automobile, la durée pour « compenser » les émissions de la construction du métro pourrait être bien plus élevée puisque le métro deviendrait alors moins « compétitif »… En imaginant par exemple une émission annuelle du trafic automobile de 500.000 tonnes équivalent CO², il faudrait 114 ans pour « compenser » la construction du métro !
Encore une fois, il ne s’agit que d’estimations (qui ne prennent par exemple pas en compte les émissions de GES liées à la construction des voitures). Des calculs plus poussés, sur base de différentes hypothèses doivent être réalisés dans le cadre d’études sur le projet de métro Nord.
[7] « Métro du Grand Paris : un bilan carbone de moins en moins positif » in lesechos.fr, 2 février 2011.
Source: http://www.ieb.be/Metro-Nord-un-impact-climatique-negatif