Nos océans sont menacés par l’exploitation minière des grands fonds marins. Un nouveau rapport de Greenpeace montre que le développement de cette industrie entraînera l’extinction d’espèces uniques et contribuera au réchauffement climatique. Et la Belgique joue un rôle ambigu en la matière.
Le rapport de Greenpeace In Deep Water donne notamment la parole à des scientifiques et à des représentants des gouvernements et du secteur de la pêche qui mettent en garde contre les dommages irréversibles que les machines d’extraction pourraient causer.[1]
“Les grands fonds marins forment le plus grand écosystème de la planète et abritent des créatures uniques que nous connaissons à peine, voire pas du tout. L’industrie minière risque de détruire les merveilles de ces grands fonds avant même que nous ayons eu l’occasion de les étudier. À ce jour, on estime que 0,0001 % seulement des fonds marins profonds ont fait l’objet d’études scientifiques”, déclare Louisa Casson, experte en Océans chez Greenpeace International.
Méduse à crinière de lion des eaux arctiques (© Alexander Semenov/Greenpeace). D’autres photos de la vie dans les fonds marins peuvent être téléchargées ici.
La politique actuelle est un échec
L’un des problèmes mis en évidence par le rapport est la faiblesse de l’actuelle gestion fragmentée des océans. Le processus décisionnel au sein de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), l’organisme des Nations unies chargé de réglementer l’exploitation minière des grands fonds marins, se caractérise actuellement par un manque de transparence.
“L’AIFM n’est pas adaptée à la protection de nos océans. Elle se concentre davantage sur la promotion des intérêts de l’industrie minière des grands fonds marins et sur le lobbying contre un Traité océanique mondial fort”, poursuit Louisa Casson.
Le troisième cycle de négociations du nouveau traité des Nations unies sur les océans se tiendra au cours de la deuxième quinzaine d’août 2019.[2]
“Les gouvernements doivent absolument s’entendre sur un traité des Nations unies suffisamment fort pour ouvrir la voie à la création d’un réseau de réserves marines au sein desquelles toute exploitation industrielle est bannie, y compris l’exploitation minière des grands fonds. En dehors de ces réserves, les normes environnementales relatives à ces activités doivent être rendues beaucoup plus strictes.”
La Belgique joue un rôle ambigu
La Belgique prend l’initiative à l’échelon international et plaide en faveur d’un traité océanique ambitieux. Dans le même temps, cependant, notre pays joue également un rôle important dans le développement de l’exploitation minière commerciale des grands fonds marins. Depuis le 14 janvier 2013, la Belgique soutient un contrat d’exploration minière des grands fonds marins au profit de la filiale Global Sea Mineral Resources (GSR) de DEME.[3] Le contrat porte sur une zone de l’océan Pacifique 2,5 fois plus étendue que la Belgique (76.728 km²) et faisant partie d’un écosystème fragile et unique à propos duquel les connaissances scientifiques restent limitées.
“Si la Belgique veut vraiment protéger les océans, nos futurs ministres doivent retirer leur soutien à l’exploration des fonds marins et appeler à un moratoire immédiat sur l’exploitation minière des grands fonds qui devra rester en place au moins jusqu’à ce qu’un réseau de réserves marines ait été constitué pour protéger un minimum de 30 % de nos océans d’ici 2030 ”, explique An Lambrechts, experte en Océans chez Greenpeace Belgique.[3]
Ce mois-ci, l’AIFM continue à travailler sur un cadre législatif pour permettre l’exploitation commerciale des grands fonds marins. Le ministre d'Etat Johan Vande Lanotte (sp.a) a, dans le passé, fait partie de la délégation belge en tant que conseiller de DEME. Il figure aujourd'hui de nouveau sur la liste de la délégation.
Notes :
[1] Le rapport complet est disponible ici. Un résumé contenant plus d’informations sur la position du gouvernement belge est disponible ici.
[2] Greenpeace et les scientifiques préconisent un traité qui créerait un réseau de réserves marines couvrant au moins un tiers des océans du monde d’ici 2030. Pour plus d’informations, voir Pourquoi avons-nous besoin d’un traité international pour protéger les océans? Le deuxième des quatre tours de négociations à l’ONU sur une convention sur les eaux internationales a eu lieu en mars et avril de cette année. La troisième tour de négociations aura lieu à New York en août 2019. Les négociations s’achèveront par un quatrième et dernier tour au cours du premier semestre 2020.
[3] Site Internet de l’Autorité internationale des fonds marins, consulté le 18 juin 2019 : https://www.isa.org.jm/deep-seabed-minerals-contractors