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Stoppé dans son élan bâtisseur, Immobel a reçu un avis défavorable de la commission de concertation pour les bâtiments E et D de son projet Universalis Park, sur le campus de la Plaine. Si les étudiants s’opposant dès le début au projet et les protecteurs de la biodiversité en ville, s’en réjouissent, c’est toutefois à la Région que reviendra le dernier mot sur la demande de permis. L’urbanisation de ce site verdoyant pêche par l’absence de vision d’ensemble et par un patient détricotage dû aux diverses révisions des plans et règlements d’urbanisme.

Il était une fois

Le campus de la Plaine sur la commune d’Ixelles était originellement affectée comme zone d’équipements universitaires, le PRD de 2002 lui conférant même le statut de « site relais » [1] essentiel à la préservation et au renforcement des continuités écologiques en région bruxelloise, le PRD 2002 précisant par ailleurs que « La politique de la Région dans ce domaine portera sur […] la préservation et l’extension des sites assurant le bon fonctionnement du réseau écologique (liaison, sites relais) », signalant encore que « D’une façon générale, les décisions urbanistiques tiendront compte du réseau écologique pour faire des choix qui préserveront, voire amélioreront, son fonctionnement ».

Mais ces belles intentions passent toutefois à la trappe, sans autre forme de considération pour les objectifs repris dans le PRD 2002, quand en 2006, victime de difficultés financières et dans l’incapacité d’édifier sa faculté des Sciences, l’ULB met en vente 85 000 m² des terrains dont elle est propriétaire. Vendus à moitiés égales à Immobel et au groupe Louis de Waele pour 50 millions d’euros, le premier soumettra en quelques années de multiples projets résidentiels sur le campus.

Également en 2006 et de l’autre coté du boulevard du Triomphe, la Région, via la SAF, actuelle Société d’Aménagement Urbain (SAU), acquiert le terrain triangulaire logé entre les voies de chemin de fer. Destiné à accueillir le nouvel hôpital Chirec ainsi qu’un quartier mixte de logements, le Plan Régional de Développement Durable (PRDD) nous apprend qu’il y est également projeté un espace vert d’ampleur régionale. Laissant à penser que la perte de l’espace vert du campus de la Plaine sera compensé plus loin par un hypothétique parc, artificiellement planté. Or, pareil parc ne saurait rivaliser avec la biodiversité d’un espace de quiétude fait d’arbres à hautes tiges comme - l’était – le campus de la Plaine.

Corollairement à la vente des terrains de l’ULB à Immobel, la Région élabore un projet de schéma-directeur pour la zone stratégique Delta et la commune d’Ixelles entame l’élaboration d’un PPAS afin de cadrer et légitimer le développement de cet important foncier verdoyant récemment vendu aux promoteurs privés. En quelques années émergent plusieurs projets de logements moyens et de standing, en contradiction avec l’affectation originelle du sol comme zone d’équipements à vocation universitaire. Finalement, une révision du PRAS initiée par la Région et concrétisée en 2013 (révision dite « PRAS Démographique ») sécurisera définitivement les promoteurs, même en l’absence de tout PPAS. L’objet de cette révision aura notamment pour effet d’ouvrir pleinement ces zones d’équipements de service public à des projets résidentiels classiques.

Plus récemment, en ce début d’année 2020, et alors que l’enquête publique est en cours pour les bâtiments E et D du projet Universalis Park, Immobel entame déjà le terrassement des futurs immeubles. Qu’est-ce qui peut bien alimenter la confiance inébranlable du promoteur, alors que quelques semaines auparavant, en réponse au recours introduit par Bruxelles Nature asbl, le Conseil d’État invalidait les permis délivrés aux bâtiments A, B et C, aux voiries et soulignait l’absence de permis de lotir. Peut-être sont-ce les années de laisser-faire d’une situation irrégulière, et d’un soutien politique (local et régional) particulièrement conciliant ? Mais l’heure n’est plus au copinage, le nouveau Conseil communal d’Ixelles entend faire les choses comme il se doit : la réunion de la Commission de concertation est exécutée au pas de course après avoir entendu chaque réclamant, l’avis du conseil communal est diffusé en avance, laissant presque figurer une victoire : la Commission de concertation, composée de représentants de la commune d’Ixelles, de la Direction de l’Urbanisme ainsi que de la Direction Patrimoine culturel et de Bruxelles Environnement, rend un avis défavorable à l’unanimité ! On entend déjà crier de joie les étudiants dans l’emblématique salle de fête du campus, le Jefke, un verre levé à l’honneur du Bourgmestre et de l’Échevin de l’Urbanisme.

Or en l’état, rien n’est gagné. L’autorité qui aura le dernier mot sur la délivrance des permis est la Région, et l’imperméabilisation de la Plaine n’est en rien achevée. Reste maintenant à la Région de montrer que, elle aussi, s’est mise au diapason des enjeux environnementaux et climatiques (ce que la composition de la nouvelle majorité régionale laisse espérer). Rassurez-vous, aucun·e des étudiant·e·s mobilisé·e·s ne s’est laissé berner, pas plus que les riverains et autres usagers du site et de ses espaces naturels. Ceux-ci entendent bien mettre la pression sur la commune et la Région afin d’obtenir un positionnement clair sur les objectifs de protection des aspects paysagers et de biodiversité du site, voire d’obtenir, enfin, une vision d’ensemble cohérente permettant de garantir pleinement la préservation des qualités naturelles et paysagères de ce site.

▪ Contact : Gautier Briade

Notes

[1] Le PRD de 2002 définit les « site relais » comme des « espaces verts assurant un rôle de relais paysager, récréatif et/ou écologique »

Source: https://www.ieb.be/Campus-de-la-Plaine-qui-gagne-une-bataille-ne-gagne-pas-la-guerre?suivi=2020-02-04&noix=43681