Elia, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, a rendu publique son intention de construire une nouvelle ligne haute tension (380 Kilovolt (Kv)) traversant plusieurs communes wallonnes du nord du Hainaut. Des comités de riverains ont fait part de leurs préoccupations face à ce projet. Les autorités devront y répondre. Dans le cadre d’une augmentation nécessaire du recours à des énergies renouvelables intermittentes, le renforcement du réseau électrique de transport HT belge est plus que probablement indispensable pour réaliser la transition vers un système énergétique neutre en carbone.
Cette ligne Haute tension est-elle nécessaire ?
La transition énergétique vers un système énergétique neutre en carbone et sans nucléaire repose d’abord sur la diminution de nos consommations d’énergie… Mais nous en consommerons toujours, et de plus en plus sous forme d’électricité (pour la mobilité ou le chauffage). Elle devra être produite à partir de sources renouvelables, surtout éoliennes et photovoltaïques, options les moins impactantes à notre disposition aujourd’hui. Au total, pour respecter l’Accord de Paris, nous devons viser pratiquement 100% d’électricité renouvelable au niveau européen aux alentours de 20401. C’est réalisable, mais de profondes modifications de nos réseaux électriques sont nécessaires.
Si l’on considère la Belgique, ce type de scénario implique la construction de nouvelles capacités électriques réparties sur le territoire (éolien onshore et photovoltaïque) mais aussi en mer du Nord. Nous préconisons ainsi un doublement du nombre d’éoliennes offshore au plus tôt (2GW en 2020, 4,4GW en 2026/2030), tandis qu’à plus long terme, certains scénarios tablent sur l’installation de 50GW d’éolien offshore interconnecté sur toute la mer du Nord.
Un des enjeux du réseau de transport et de distribution électrique est la gestion de l’intermittence des énergies renouvelables électriques. Comment gérer le fait que le vent ne souffle pas toujours, que le soleil ne brille pas toujours ? La réponse passe surtout par l’intégration d’un réseau électrique paneuropéen qui relie les zones géographiques complémentaires, notamment en termes de vent (typiquement la mer du Nord et la mer Baltique). D’autres options de stockages comme l’hydrogène2doivent venir en appui.
Au final, étant donné ces projections, une rapide analyse du réseau belge ne laisse pas de doute sur la nécessité de modifier le réseau de transport d’électricité, à l’heure actuelle toujours articulé autour des 2 centrales nucléaires de Doel et Tihange (notons d’ailleurs que la prolongation éventuelle de certaines centrales ne change rien à cette nécessité). Nous devons notamment renforcer la capacité de transport d’électricité sur un axe Est/Ouest.
Opportunité du tracé ?
Il est crucial que le choix final du tracé minimise le survol de zones habitées et les impacts potentiels pour les habitants. En tant que plateforme des ONGs environnementales, nous estimons également que le survol des zones naturelles d’intérêt écologique ou paysager doit être le plus possible évité.
A ce stade, la zone prévue semble effectivement être celle qui minimise le plus les impacts pour les habitants et la nature. Selon Elia, elle survole 2% des zones bâtissables (90% zone agricole).
Elia doit être à l’écoute de propositions pertinentes de modifications de parcours proposées par certaines associations de riverains ou par des autorités locales.
Nous serons attentifs aux mesures de compensation, notamment financières, qui seront proposées aux riverains, ainsi qu’aux mesures d’atténuation des impacts.
Une liaison aérienne ?
Si la nécessité d’une ligne semble acquise, ne pourrait-on pas l’enterrer ? Il apparaît que l’enfouissement d’un câble haute tension pose de nombreuses difficultés techniques. C’est ce qui explique que l’enfouissement de ce type d’infrastructure demeure rare (on comptabilise +/-2000KM de câbles souterrains haute tension installés dans le monde) et principalement pour des distances de quelques kilomètres de zones sensibles (aéroport, zones densément peuplée, zone naturelles importantes).
La possibilité de l’enfouissement ne peut être écartée d’office. Elle doit faire l’objet d’une décision technique et politique claire, prenant en compte les avantages et inconvénients d’un enfouissement de ce genre de ligne, même partiel, sur le paysage mais aussi sur la santé des êtres vivants et des sols.
En tout état de cause, étant donné l’impact potentiel sur la facture des ménages ou sur les capacités des autorités de financer les autres projets nécessaires à la transition, la question du coût ne peut évidemment pas être évacuée. En outre il est crucial que cette décision soit prise au plus vite, en lien avec la construction des capacités éoliennes supplémentaires en mer du Nord.
1Développé par les plateformes d’ONGs CAN et EEB en juin 2020. Il vise 100% RE en 2040 dont 2500TWh d ‘éolien (X5/2015) et 2000 TWH PV en 2040.
2De l’hydrogène est produit par les excédents d’électricité renouvelable durant les périodes de vent ou de soleil, puis retransformé en électricité en période de manque.
Source: https://www.iew.be/une-nouvelle-ligne-haute-tension-en-wallonie/