Les associations font plier l’État belge sur les restrictions du droit à l’accueil de certaines catégories de demandeurs d’asile
Fin janvier 2020, nous contestions devant le Conseil d’État les instructions émises par Fedasil le 3 janvier. Ces instructions visaient à exclure du droit à l’accueil deux catégories de demandeurs de protection internationale, les présentant comme des fraudeurs à l’asile et des abuseurs de l’accueil.
À la veille de l’audience, nous avons appris que Fedasil a retiré ces instructions… et en prépare d’autres!
C’est une victoire, certes.
Mais nous ne pouvons pas nous réjouir. Ces instructions, qui avaient été dictées en dehors de tout cadre légal, ont produit des effets dévastateurs pendant près de neuf mois sur des centaines de personnes exilées. Elles ont été privées d’une place d’accueil et laissées à la rue dans une situation de précarité extrême, encore aggravée par la pandémie du COVID 19.
Ces instructions visaient les “cas Dublin” et les demandeurs d’asile qui bénéficient d’un statut de protection dans un autre État membre de l’UE. L’État belge est responsable du traitement des demandes de protection des “cas Dublin” s’il ne les a pas transférés dans un délai de six mois vers le pays par lequel ils sont entrés sur le territoire de l’UE. Quant aux demandeurs d’asile qui ont un statut dans un autre État membre, s’ils sollicitent la protection de la Belgique, c’est parce qu’ils peuvent faire l’objet de graves discriminations et d’atteintes à leur sécurité dans le pays européen censé les protéger.
Or, ces deux groupes ont droit à l’accueil. La loi accueil de 2007 liste les cas dans lesquels Fedasil peut limiter ou, exceptionnellement, retirer le droit à l’aide matérielle: ils n’y figurent pas. Il n’y a donc aucune base légale à la décision prise par l’État de les exclure d’un droit fondamental.
Pour faire valoir ces évidences, nous avons, une fois de plus, été contraints d’introduire un recours en justice. L’État savait que ces instructions étaient illégales et qu’elles seraient annulées, comme le demandait l’auditeur du Conseil d’État dans son avis du 25 mai 2020.
Ce n’est pourtant qu’à la veille de l’audience du 14 septembre 2020 que Fedasil décide de retirer ces instructions… sans doute pour suivre l’avis de l’auditeur, certainement pour éviter une condamnation.
Les méthodes de l’État et de Fedasil sont inacceptables
Fedasil est certes sous pression depuis des mois, voire des années. Mais, comme nous l’avons déjà dénoncé à maintes reprises, la saturation du réseau d’accueil est la conséquence de la mauvaise gestion et du manque d’anticipation du Secrétariat à l’asile et à la migration. Manquements répétés, dont les demandeurs de protection n’ont pas à payer le prix.
De nombreux autres demandeurs d’asile font encore face au déni du droit à l’accueil. Il s’agit des personnes qui ont introduit leur demande via la procédure digitale mise en place début avril 2020, du fait de la crise sanitaire. En attente d’un rendez-vous à l’Office des Étrangers qui ne leur est communiqué qu’après des semaines, voire des mois, elles survivent à la rue, alors que la présentation d’une demande de protection leur donne droit à l’accueil!
Face à cette situation intolérable, une action en justice a également été introduite par une série d’associations. Une de plus…
Nous apprenons par ailleurs que de nouvelles instructions ciblant les “cas Dublin” sont en préparation. Il est à craindre que l’État s’acharne à durcir une politique déjà plus que dissuasive, plutôt que de veiller à respecter ses obligations légales.
Nous ne pouvons que nous répéter: il est urgent de changer de cap en matière de politique d’accueil des demandeurs d’asile et de trouver des solutions structurelles au manque de places d’accueil. Et ce, dans le respect de la loi belge, des obligations internationales, des droits fondamentaux des demandeurs d’asile et de la santé publique, dans le contexte sanitaire actuel.
Par les Signataires : (publié le 15/09/2020)
- CIRÉ
Vluchtelingenwerk Vlaanderen
NANSEN
Ligue des droits humains
Liga voor Mensenrechten
ADDE (Association pour le droit des étrangers)
Avocats.be: ordre des barreaux francophones et germanophone