Une chronique signée RJF, une organisation qui réunit les syndicats et une trentaine d’ONG, de mouvements et d’associations de Wallonie et de Bruxelles.
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En mars dernier, la Cour des Comptes révélait que 44 milliards d’euros étaient passés à travers les mailles du filet lors des régularisations fiscales antérieures à l’actuelle régularisation. Divers gouvernements successifs sont responsables de cette amnistie fiscale en bonne et due forme, les régularisations fiscales n’ayant prévu jusqu’ici aucun impôt ni amende sur les capitaux (argent noir) rapatriés. Seule une taxation des intérêts perçus au cours des 5 à 7 dernières années était appliquée.
Existe-t-il des possibilités de récupérer des impôts sur ces capitaux issus de la fraude?
Cinq ans après le rapatriement de l’argent frauduleux, il y a malheureusement prescription. Ce qui empêche l’administration fiscale d’intervenir. Et même si les délais d’imposition n’étaient pas dépassés, l’existence du secret bancaire fiscal couperait de toute façon les ailes de l’administration. Le Point de Contact Central des comptes belges auprès de la BNB n’est accessible à l’administration fiscale que si elle justifie d’une présomption suffisante de fraude (arguments à l’appui). Cela nécessite évidemment un processus qui peut s’avérer fastidieux. Cet obstacle au contrôle est inexistant en ce qui concerne les informations sur les capitaux placés à l’étranger. Deux poids, deux mesures ! Les patrimoines non (complètement) déclarés des Belges sont davantage à l’abri sur un compte belge que sur un compte à l’étranger.
Par contre, le blanchiment est bien un délit susceptible de poursuites pénales en Belgique. Dans son rapport à la Chambre du 18 mars 2021 portant sur les régularisations fiscales permanentes (1), la Cour des Comptes envisage que le parquet puisse poursuivre les détenteurs de capitaux non déclarés fiscalement prescrits. Et donc de remédier au problème décrit ci-dessus.
Fraude massive
Pour le RJF (Réseau pour la Justice Fiscale), cette fraude massive – liée au rapatriement d’argent noir - qui échappe au trésor, est inadmissible à un moment où les moyens publics sont sollicités de toutes parts pour venir en aide aux services de santé et aux citoyens et secteurs divers en difficulté suite au confinement. Cet argent noir (44 milliards) représente une somme qui équivaut à la recette annuelle du précompte professionnel (44,9 milliards en 2019). Et 1% de cette somme suffirait à rémunérer 8.000 infirmières pendant un an.
Si le gouvernement fédéral veut réellement passer des paroles aux actes dans la lutte contre la fraude fiscale, trois mesures peuvent changer la donne sans tarder :
- Appliquer la recommandation n° 7 du rapport de la Cour des Comptes : « Renforcer la capacité du parquet et du tribunal dans les dossiers fiscaux afin de permettre une politique plus active en matière de lutte contre la fraude. Ce qu’il faut c’est créer un parquet financier comme en France avec des équipes de police et de l’administration qui sont spécifiquement formés. Il faut aussi donner la qualité d’officiers de police judiciaires aux membres de l’ISI qui seraient attachés à ce parquet. » ;
- Appliquer la recommandation° 10 du rapport précité : « Envisager une adaptation de la législation de régularisation et de la législation anti-blanchiment de manière à se concentrer sur les capitaux non déclarés se trouvant sur les comptes belges »
- Mettre en œuvre la transparence fiscale via la levée complète du secret bancaire fiscal. La Belgique pourrait s’inspirer FICOBA (Fichier national des Comptes Bancaires) qui existe en France depuis 1971.
Thierry BODSON (président de la FGTB) Christine MAHY (secrétaire générale du Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté) Daniel PUISSANT (secrétaire du Réseau pour la Justice Fiscale) Marie-Hélène SKA (secrétaire générale de la CSC)
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