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terrassicD’un œil distrait, l’on pourrait croire que c’est une œuvre de street art qui recouvre la place de la Monnaie, théâtre jusqu’il y a peu d’une occupation en soutien à la culture et plus largement à celles et ceux qui subissent les conséquences de la gestion politique de la pandémie. Il n’en est rien puisqu’il s’agit en réalité d’une publicité d’envergure pour l’une des bières, ayant plus de succès à l’exportation que dans son pays natal, de la multinationale AB Inbev. Cette même multinationale qui ne paie quasiment pas d’impôts en Belgique, qui n’a pas hésité à collecter des loyers auprès de ses cafetiers fermés lors du deuxième confinement et qui bénéficiera bientôt d’une vitrine, pardon d’un musée, au sein de la Bourse et du projet Belgian BeerWorld.

Cette installation colorée qui invite tant à se désaltérer qu’à respecter les gestes barrières est un nouvel exemple bruxellois de la privatisation de l’espace public à des fins commerciales. Une « occupation » d’autant plus hypocrite qu’elle vante un produit alcoolisé dans une zone où sa consommation ailleurs que sur une terrasse est interdite. Soit une prohibition qui ne vise pas le produit, mais bien le profil de celui ou celle qui le boit. Pour dénoncer ce deux poids, deux mesures, le collectif Free54 distribuait gratuitement des canettes de Carapils sur le Place Sainte-Catherine samedi dernier tandis que le collectif des sans-voix investissait l’encart publicitaire de 572 mètres carrés de la Monnaie pour un match de foot visant à rappeler que l’espace public, au même titre que la santé, la culture, l’enseignement et le service public en général, ne sont pas des biens commercialisables.

Parallèlement, le manque de bancs, de chaises, de lieux pour simplement « se poser » (lire, parler entre voisins, rêvasser…) font que l’espace public est de plus en plus conçu comme lieu de transit, un couloir entre deux lieux de consommation, où celui ou celle qui ne respecte pas l’injonction à bouger et à circuler attise la suspicion. Sans parler des nombreux dispositifs qui visent justement à exclure certains usages ou usagers de l’espace de la rue. Les confinements successifs ont montré l’importance de disposer d’un espace public de qualité, particulièrement dans les quartiers populaires, qui comptent parmi les plus densément peuplés de la Région, et où la qualité du logement est déplorable.

Le mois dernier, le secrétaire d’État en charge de l’urbanisme annonçait que l’horeca pourrait désormais installer des terrasses légères sur des places de parkings existantes sans demande de permis d’urbanisme et ce, jusqu’en décembre 2022. Certains appellent déjà de leurs vœux que cette mesure éphémère devienne permanente. Si l’on peut se féliciter que le gouvernement ait profité de la pandémie pour faire valoir la nécessité de diminuer la part de la voirie dédiée à l’automobile, faut-il pour autant se réjouir à l’idée qu’un espace autrefois privatisé par des véhicules particuliers soit désormais privatisé par un café ou un restaurant [1] ?

Permise aujourd’hui sous couvert de nécessité économique, l’extension déraisonnée de l’horeca sur l’espace public sera peut-être difficile à contester demain. Or, les logiques marchandes imposent certains comportements, à commencer par celui de consommer. Compte tenu de la situation économique critique dans laquelle nous nous trouvons, l’intérêt général se confond-il avec l’intérêt de certain·e·s ? Certaines balises ne devraient-elles pas être mises en place ?

Loin de nous l’idée de conclure que les espaces publics ne seraient que de merveilleux lieux de rencontre et d’altérité. Néanmoins, ils demeurent des lieux indispensables au développement de la vie sociale, et particulièrement de la vie sociale gratuite, celle qui n’implique aucun rapport monétaire. Notre attention devrait être qu’ils le restent.

Lire aussi : Bienvenue à Terrassic Park ! Contre l’occupation marchande de l’espace public

[1] Rappelons que si le gouvernement ambitionne de supprimer 65 000 places de parking en surface, de nombreux projets de parking hors voirie continuent de se développer, or une place de parking en surface ou en sous-sol reste un incitant à l’usage de la voiture.

Source: https://ieb.be/Contre-l-occupation-marchande-de-l-espace-public?suivi=2021-05-18&noix=45887