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La décision de la Cour constitutionnelle polonaise de nier la primauté du droit européen sur le droit national a déclenché un séisme. Tout le monde a l’air surpris. Les éditoriaux indignés se multiplient. Les déclarations en tout genre font cascade.

Or, si on analyse bien, ce n’est pas une surprise. Cela fait déjà une dizaine d’années que les dirigeants des pays de l’ancienne Mitteleuropa prennent leurs distances avec les principes de base de la construction européenne. Ce qu’on appelle l’illibéralisme de la Hongrie et de la Pologne en est un exemple. Que s’est-il donc passé ?image 0933244 20211009 ob 39d28b cou justice polonaise
La Cour de Justice de Pologne a jeté un fameux pavé dans la mare de l'Union européenne.

Il ne fallait pas se faire d’illusions !

Il ne fallait pas se faire d’illusions : la saga du Brexit laisserait des traces. D’autre part, la brutalité avec laquelle la fameuse Troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international) a traité la Grèce en 2015 a sérieusement écorné l’idée positive que l’on se faisait de la construction européenne. Un des points faibles de l’Union européenne est sa direction bicéphale. La Commission « supranationale » et le Conseil « des gouvernements des Etats-membres ». Le Conseil étant intergouvernemental supplante la Commission qui, elle, est « fédérale ». Comme la Commission est chargée d’appliquer les décisions du Conseil, cela provoque immanquablement des conflits. Pire. On constate de la part des autorités européennes et particulièrement de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) une interprétation restrictive des traités (TFUE) qui interdit alors toute souplesse dans le traitement de dossiers qui nécessitent de tenir compte de facteurs régioneux, culturels, économiques, sociaux propres à chaque Etat-membre.

La Cour polonaise n’est d’ailleurs pas la seule à remettre en question les décisions de l’UE et les traités. La Cour de Justice de Karlsruhe rue depuis longtemps dans les brancards notamment sur les questions monétaires où d’après elle, certaines décisions européennes en la matière sont contraires à la Constitution de l’Allemagne fédérale. Cependant, ici, la Cour polonaise va beaucoup plus loin. Elle remet en question la suprématie du droit européen sur le droit national polonais. En France, Michel Barnier, ancien commissaire européen et négociateur pour l’Union européenne sur le Brexit préconise lui aussi de passer outre, s’il y a lieu, les arrêts de la Cour de Justice européenne et de la Cour européenne des droits de l’homme sur la question de l’immigration. De son côté, Arnaud Montebourg, ancien ministre socialiste, a affirmé qu’il était « est nécessaire que la constitution rappelle la supériorité de la loi nationale, la supériorité du Parlement » et il propose que le Parlement puisse « modifier, amender, corriger toutes décisions de l’Union européenne indésirables qui viendraient à s’appliquer sur le sol national ». Cela reviendrait tout simplement à quitter l’Union européenne ! En tout cas, manifestement, l’idée de redonner priorité au droit national sur les normes européennes est dans l’air et cela risque de ne pas s’arrêter de sitôt.

image 0933244 20211009 ob b71f0f michel barnier reve elyseeMême le très européen Michel Barnier a sa part de souverainisme.

Aussi, que se passe-t-il si dans trois des plus importants Etats-membres de l’Union européenne, il y a remise en cause de la hiérarchie des normes européenne ? Dans le « Monde » du 8 octobre, la juriste Tania Racho, experte en droit européen, professeure à l’Université de Paris III et rédactrice au « Surligneur », estime que l’arrêt de la Cour de Justice polonaise ne signifie pas une volonté de Varsovie de quitter l’UE, mais s’inscrit dans le débat des « valeurs » lancé par la Commission européenne à la suite du Brexit. Elle estime qu’il ne faut pas comparer la décision de la Cour de justice de Karlsruhe avec celle de Varsovie. « En Allemagne, on est sur le terrain technique, en Pologne on est sur celui de l’Etat de droit. » dit-elle. Rappelons que la Cour allemande avait considéré le rachat de titres de la dette d’Etat par la Banque centrale européenne comme contraire à la Constitution de la République fédérale. Une question économique de cette importance ne semble pas être purement technique !

Des sanctions peu probables et un Parlement hors jeu

Des sanctions européennes face à cette remise en cause fondamentale des Traités n’est guère évidente. Il y a deux possibilités : on applique l’article 4 du TFUE qui permet de sanctionner les manquements d’un Etat-membre, cependant il faut l’unanimité des Etats membres pour ce faire. La Pologne et la Hongrie empêcheront évidemment cette unanimité ! La seconde possibilité est le recours en manquement aux règles de l’Union européenne. Il s’agit d’une procédure longue et compliquée déclenchée par la Commission européenne qui se déroule en quatre étapes. La première consiste en un dialogue entre la Commission et l’Etat membre concerné. Si un accord se produit, cela s’arrête là, sinon la Commission saisit la CJUE pour établir le manquement et valider juridiquement la démarche. Troisième étape : nouveau dialogue entre la Commission et l’Etat-membre. S’il y a échec, quatrième étape, la Cour de Justice peut prendre des sanctions financières contre ledit Etat. On n’est pas sorti de l’auberge !

Remarquons au passage que le Parlement européen figure aux abonnés absents dans cette procédure ! Et on s’étonne de l’absence de démocratie dans les institutions européennes…

Dans un autre domaine, les traités européens imposent aux Etats-membres de respecter les doits fondamentaux. La Hongrie a adopté une loi limitant les droits des LGBT+. « Là, il est question d’Etat de droit, de protection des minorités. Dans ce contexte, la procédure du recours en manquement est repensée pour viser des cas où les valeurs sont en jeu. » selon Tania Racho. Cependant, on se heurte aux mêmes difficultés. La lourdeur du recours au manquement et les dispositions des articles 4 et 7 du TFUE qui requièrent l’unanimité !

image 0933244 20211009 ob 61148c tania rachoLa juriste française Tania Racho ne croit pas au "Polexit".

Observons au passage l’inefficacité des traités qui rendent quasi impossibles la protection des règles et des principes fondamentaux dont l’UE se réclame !

Alors, que va-t-il se passer ? On parle déjà de « Polxit » ou de « Hongriexit ». Cependant ; il y a peu de chances. La Pologne comme la Hongrie ont besoin des subventions européennes et n’entameront pas de procédure d’exit de sitôt ! Cependant, il y aura débat sur la question de la primauté des règles européennes et nationales et aussi des pouvoirs de la Commission.

Remontons l’histoire. Après la réunification allemande en 1991, on a lancé le turbo pour l’adhésion des pays de l’ancien bloc de l’Est à l’Union européenne. On n’a quasi pas vérifié si ces pays étaient prêts et surtout comment les aider à se préparer. Il y avait manifestement une pression étatsunienne pour élargir l’OTAN et en parallèle l’Union européenne. C’est là un des grands points faibles de l’UE : l’alignement systématique sur l’Alliance atlantique. Il y avait aussi une énorme différence de développement entre les pays de l’Europe occidentale et ceux d’Europe centrale. Cette différence n’est toujours pas comblée, surtout pour les pays balkaniques comme la Roumanie et la Bulgarie. Un épisode significatif de la politique européenne fut la fameuse directive Bolkestein qui légalisait le travail en noir créant ainsi une concurrence entre les travailleurs d’Europe centrale et ceux de l’Ouest. Rappelons-nous le fameux « plombier polonais » !

L’élargissement à marche forcée est en définitive un échec. Il n’a que fort peu contribué au développement des Etats-membres ayant fait partie de l’ancien bloc de l’Est et a fort peu contribué à y asseoir solidement les valeurs fondamentales de la démocratie européenne.

Ajoutons que si l’on peut déplorer un relatif échec de la construction européenne à l’Est, l’Union européenne n’est pas exempte de critiques. Le traité de Maastricht de 1992 qui a été complété par celui de Lisbonne de 2009 ont mené l’Union dans une politique néolibérale qui est particulièrement destructrice. Nous avons évoqué la crise grecque de 2015, mais il y a aussi cette politique systématique de destruction des services publics au profit d’entreprises transnationales qui ne sont pas toutes européennes. Tout cela au nom de la sacro-sainte concurrence qui est prise dans son sens le plus large.

D’autre part, la Commission européenne dépasse largement le cadre de ses compétences en s’introduisant dans la politique sociale des Etats-membres. La privatisation forcée de la Poste et celle des chemins de fer est une catastrophe et pourrait à terme nuire au développement des pays membres de l’UE. Un autre exemple : le plan de relance décidé par le Conseil européen au terme de la crise sanitaire est conditionné par la Commission à une réforme des pensions dans chaque Etat-membre bénéficiaire dudit plan. En quoi les instances européennes sont-elles compétentes en matière sociale ?

image 0933244 20211009 ob 137a13 ursula von der leyenUrsula von der Leyen veut réformer les pensions en Europe, alors que ce n'est pas dans les compétences de l'UE.

L’Union européenne est loin d’être une construction parfaite et harmonieuse. Elle doit profondément se réformer si elle veut survivre et surtout si elle ne veut pas par ses excès ouvrir la porte à la résurgence des doctrines d’exclusion et de rejet qui reviennent au galop suite aux politiques irresponsables des dirigeants européens. Zemmour en France, Van Grieken en Belgique, Orban en Hongrie, Kaczynski en Pologne sont des personnages représentant un danger majeur qu’il faut combattre avec force et vigueur. Que l’Union européenne enfermée dans sa politique figée par des traités inadaptés ne leur donne pas en plus l’eau au moulin dont ils ont un pressant besoin et pour qu’elle ne fasse pas son propre « exit » !

Pierre Verhas

Source: https://uranopole.over-blog.com/2021/10/l-uexit.html