Amnesty International, la CNAPD, la Ligue des droits humains et Vredesactie, qui dénoncent l’opacité de la procédure d’octroi de licences, ont recueilli les mille signatures leur donnant le droit d’être auditionnées par les élus.
Les combattants au Yemen soutenus par la coalition emmenée par l’Arabie saoudite bénéficient d’un arsenal d’armes fabriquées notamment en Belgique. - Belga.
Dominique Berns
Journaliste au service Economie
Par Dominique Berns
En Wallonie, comme dans la plupart des pays, les exportations d’armes sont réglementées ; elles doivent recevoir l’aval des autorités, via l’octroi de licences. Mais voilà : pour Amnesty International, la Coordination Nationale d’Action pour la Paix et la Démocratie (CNAPD), la Ligue des droits humains et Vredesactie (Action pour la paix), la procédure wallonne est si peu transparente qu’elle ne permet ni le contrôle citoyen, ni le contrôle parlementaire.
Les ONG, qui dénoncent depuis longtemps cette opacité, ont déposé, le 18 juin dernier, une pétition au parlement wallon dans le but de recueillir (au moins) les mille signatures leur donnant le droit d’être auditionnées par les élus. L’objectif est atteint : dimanche, à la veille de l’échéance fixée ce lundi 18 octobre, leur pétition ayant été signée par 1.040 citoyens et citoyennes.
Une procédure particulièrement opaque
« La Wallonie exporte des armes vers des pays où le risque est réel qu’elles soient utilisées en violation des droits humains et du droit international humanitaire, par exemple vers l’Arabie saoudite qui mène des opérations militaires au Yémen. Et nous savons que des armes wallonnes ont été utilisées au Yémen. De même, des cartels mexicains utilisent des armes fabriquées en Wallonie. Pour nous, on ne devrait plus exporter des armes vers ce genre de pays », explique François Graas, coordinateur des campagnes d’Amnesty International.
« Or, les rapports trimestriels sur les licences d’exportation ne sont consultables à huis clos que par les cinq députés de la sous-commission de contrôle des licences d’armes, par ailleurs tous membres de la majorité. Et le rapport annuel, qui est public, n’est disponible qu’avec beaucoup de retard. Ainsi, le rapport 2019 a été rendu en novembre 2020 ; et nous attendons toujours celui de 2020. En outre, les informations sont lapidaires : le nombre de licences, et leur montant en euros, acceptées ou refusées, selon les pays. Point à la ligne », poursuit-il.
Selon les ONG, la procédure wallonne est particulièrement opaque – « même en comparaison, avec de la France, qui est pourtant un grand exportateur d’armes », insiste François Graas. « En Flandre, par exemple, un rapport mensuel, plus détaillé, est disponible en ligne. »
Connaître la destination finale
Les quatre ONG demandent donc « que soient rendues publiques les décisions d’octroi (ou de refus) de licence, ainsi que les décisions de la Commission d’avis sur les licences d’exportations d’armes » ; et que les rapports soient publiés plus fréquemment, dans des délais raisonnables, et que « les informations soient uniformisées avec celles dont dispose la douane afin de permettre une réelle lisibilité des exportations. »
Il s’agit aussi, précise François Graas, que « les parlementaires et les citoyennes et citoyens puissent connaître la destination réelle des armements exportés » – ce qui, assure-t-il, n’est pas toujours le cas, citant l’exemple des tourelles de char fabriquées par l’entreprise John Cockerill (anciennement CMI) et exportés vers le Canada, où elles sont montées sur du matériel roulant Bombardier vendu à l’Arabie saoudite.
Ainsi, le rapport annuel européen sur les exportations d’armes en 2020, publié au début du mois, ne mentionne ainsi aucune licence d’exportation accordée l’an passé en Wallonie à destination d’Arabie saoudite.
Or, selon l’Observatoire des armes wallonnes, créé à l’initiative d’Amnesty et d’autre ONG, « trois quarts des exportations réelles d’armes wallonnes en 2020 ont eu pour destination finale l’Arabie saoudite, en contradiction totale avec l’appel du Parlement européen à s’abstenir de vendre des armes ce pays. »
« La Wallonie s’abstient très bien – trop bien – de respecter le droit international et son propre décret sur le commerce des armes », accusent les quatre ONG, qui insistent sur « la nécessité de mettre en place des mécanismes permettant un contrôle réellement démocratique des exportations d’armes wallonnes. »